đâđš Quand le sauvetage en mer est passible de sanctions
Aider ceux qui risquent leur vie nâest pas un crime. Ce procĂšs montre que les autoritĂ©s grecques vont jusquâau bout pour bloquer lâaide humanitaire & empĂȘcher migrants et rĂ©fugiĂ©s de trouver un abri.
đâđš Quand le sauvetage en mer est passible de sanctions
Par Moritz Ettlinger, le 12 janvier 2023
Sâils passent en jugement en GrĂšce, câest parce quâils ont aidĂ© des rĂ©fugiĂ©s : ce mardi 10 janvier 2023 a commencĂ© Ă Lesbos un procĂšs hautement controversĂ© contre 24 sauveteurs en mer. Amnesty International demande aux autoritĂ©s grecques de renoncer aux accusations.
«Si je suis criminalisĂ© rien que pour avoir distribuĂ© des bouteilles dâeau et un sourire, alors câest que cela peut arriver Ă tout le monde.» Ces paroles, citĂ©es dans un rapport de lâorganisation de dĂ©fense des droits de lâhomme Amnesty International, sont de SeĂĄn Binder. LâAllemand de 24 ans est plongeur de sauvetage qualifiĂ© et au cours des derniĂšres annĂ©es, il a sauvĂ© de nombreuses personnes de la noyade devant lâĂźle de Lesbos. Ă prĂ©sent, avec lâactiviste syrienne Sarah Mardini et 22 autres accusĂ©s, il passe en jugement en GrĂšce.
Les accusations des autoritĂ©s grecques dans le procĂšs qui a dĂ©butĂ© mardi 10 janvier portent sur lâespionnage et la contrefaçon ; dans le cadre dâune autre enquĂȘte, Binder et Mardini sont dans le collimateur des autoritĂ©s pour prĂ©somption de trafic de migrants, dâappartenance Ă une organisation criminelle et de blanchiment dâargent. Au total, les deux sauveteurs en mer encourent un emprisonnement de plus de 20 ans en cas de condamnation.
«Rien que le fait que ce procĂšs ait lieu est une mascarade», affirme Nils MuiĆŸnieks, directeur rĂ©gional pour lâEurope dâAmnesty International. «Sarah et SeĂĄn ont fait ce que nous devrions tous faire Ă leur place. Aider des gens qui risquent de se noyer sur lâune des routes maritimes les plus meurtriĂšres dâEurope et les assister sur la cĂŽte nâa rien dâun crime. Ce procĂšs montre que les autoritĂ©s grecques vont jusquâau bout pour contrecarrer lâaide humanitaire et empĂȘcher les migrants et les rĂ©fugiĂ©s de chercher un abri sur les cĂŽtes du pays.»
DâaprĂšs MuiĆŸnieks, câest le cas dans de nombreux pays europĂ©ens. Dâautres ONG lâont confirmĂ© rĂ©cemment sur ORF.at, quâil sâagisse de Sea Watch, SOS Humanity ou MĂ©decins sans FrontiĂšres : la tendance Ă la criminalisation de lâaction humanitaire aux portes de lâUnion europĂ©enne sâintensifie.
Le cas de lâItalie le montre clairement. Selon un nouveau dĂ©cret du gouvernement, lors dâune action de sauvetage, les organisations dâaide doivent dĂšs le premier sauvetage mettre le cap sur le plus proche port assignĂ© et ne doivent plus ni aider dâautres bateaux ni dâautres personnes. Les rĂ©fugiĂ©s sont de surcroĂźt tenus par le gouvernement italien de prĂ©ciser dĂ©jĂ sur le bateau de sauvetage dans quel pays de lâUnion europĂ©enne ils veulent dĂ©poser une demande dâasile. Si les sauveteurs bĂ©nĂ©voles enfreignent ces rĂšgles, le ou la capitaine encourent des amendes allant jusquâĂ 50 000⏠et la saisie de leur navire par les autoritĂ©s.
Il sâagit donc dans ce procĂšs, qui aurait dĂ©jĂ dĂ» avoir lieu en novembre 2021 et qui, en raison de vices procĂ©dure, a Ă©tĂ© repoussĂ©, non pas de faire le procĂšs des accusĂ©s eux-mĂȘmes, dĂ©clare SeĂĄn Binder Ă Amnesty International. «Les autoritĂ©s grecques tentent davantage par ce procĂšs de sâopposer Ă la compassion pour les autres et dâempĂȘcher les gens de se mettre en sĂ©curitĂ©.»
La frontiĂšre extĂ©rieure europĂ©enne passe pour ĂȘtre la plus meurtriĂšre du monde. Rien quâen 2022, selon lâOrganisation internationale pour les Migrations, plus de 2 000 personnes sont mortes ou sont portĂ©es disparues en MĂ©diterranĂ©e, lâAgence des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s parle de 1 940 personnes dĂ©cĂ©dĂ©es et portĂ©es disparues. Ainsi, en 2022, une personne en moyenne est morte toutes les cinq heures en MĂ©diterranĂ©e.
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