đâđš Quand rien ne va plus, IsraĂ«l assassine
La politique de meurtres dâIsraĂ«l s'est toujours avĂ©rĂ©e pernicieuse. MalgrĂ© plus de 2 700 assassinats, Tel-Aviv est aujourd'hui confrontĂ© aux adversaires les plus redoutables de son histoire sanglante
đâđš Quand rien ne va plus, IsraĂ«l assassine
Par Khalil Harb, le 17 janvier 2024
La rĂ©cente recrudescence des assassinats commis par IsraĂ«l dans toute l'Asie occidentale fait partie intĂ©grante de la guerre qu'il mĂšne contre Gaza, des meurtres extrajudiciaires, directement et indirectement approuvĂ©s par son principal sponsor, les Ătats-Unis.
Sous la pression des Ătats-Unis, soucieux d'amĂ©liorer l'image de leur gĂ©nocide Ă Gaza, les IsraĂ©liens mettent en Ćuvre un retrait partiel du terrain et rĂ©duisent la frĂ©quence des frappes aĂ©riennes sur Gaza Nord - phase 1- et Gaza Sud - phase 2. N'ayant pas rĂ©ussi Ă chasser le Hamas de l'enclave - un objectif affichĂ© de la guerre - la âphase 3â de Tel-Aviv est axĂ©e sur les âvictoiresâ qu'elle peut remporter, en l'occurrence les assassinats ciblĂ©s de hauts responsables de l'axe de la RĂ©sistance de la rĂ©gion.
Cette nouvelle vague d'assassinats a débuté à Damas le 25 décembre 2023 avec le meurtre du général de brigade Razi Mousavi, conseiller militaire du Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran (CGRI). Le 2 janvier, des frappes ciblées de drones sur Beyrouth ont ensuite assassiné Saleh al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et commandant fondateur de l'aile militaire du groupe de la Résistance.
Mais si ces assassinats sont liés à la guerre de Gaza, ils s'inscrivent également dans le cadre d'une politique israélienne d'assassinats de longue date, qui s'étend au-delà des territoires palestiniens occupés à diverses villes du monde, de Tunis à Dubaï, de Londres à AthÚnes, Paris, Rome, Bruxelles, Vienne, Nicosie, entre autres.
L'héritage des assassinats clandestins d'Israël
L'histoire d'IsraĂ«l, qui compte plus de 2 700 assassinats extrajudiciaires, est dĂ©crite en dĂ©tail dans le livre de Ronen Bergman publiĂ© en 2018, Rise and Kill First : The Secret History of Israel's Targeted Assassinations, et confirme sa rĂ©putation de machine Ă assassiner la plus vorace de l'histoire. Bien que ces actes aient souvent violĂ© la souverainetĂ© et l'intĂ©gritĂ© territoriale des Ătats et constituĂ© une violation flagrante du droit international, ils ont souvent Ă©tĂ© le fruit d'une coordination et d'une collaboration avec des nations Ă©trangĂšres, en particulier l'Europe.
Dans certains cas, les célÚbres services de renseignement israéliens étaient des tueurs à gages : le livre de Bergman fait la lumiÚre sur l'implication présumée du Mossad dans l'aide apportée au roi Hassan II du Maroc dans l'élimination du leader de l'opposition Mehdi Ben Barka en 1965.
La frĂ©quence et la nature surprenantes des assassinats par IsraĂ«l de dirigeants de la rĂ©sistance palestinienne dans la pĂ©riode qui a suivi les accords d'Oslo rĂ©vĂšlent le mĂ©pris total de Tel-Aviv pour ses partenaires de nĂ©gociation politique et de sĂ©curitĂ©. Les IsraĂ©liens ont contournĂ© les accords conclus avec l'AutoritĂ© palestinienne (AP) pour tuer des ennemis supposĂ©s, mĂȘme pacifiques, avec opportunisme plutĂŽt qu'en rĂ©ponse Ă une menace immĂ©diate.
La bande de Gaza, thĂ©Ăątre des assassinats commis par IsraĂ«l au cours des derniĂšres dĂ©cennies, a connu un rythme effrĂ©nĂ© avant mĂȘme la victoire du Hamas aux Ă©lections de 2006. Quatre ans plus tĂŽt, en 2002, le commandant en chef des Brigades Al-Qassam, Salah Shehadeh, a Ă©tĂ© assassinĂ© avec sa famille par une bombe d'une tonne larguĂ©e par un avion F-16 sur un quartier densĂ©ment peuplĂ© de la ville de Gaza.
Ă Gaza, l'Ătat d'occupation a depuis longtemps adoptĂ© une stratĂ©gie de âtonte de l'herbeâ, formulĂ©e par Ephraim Inbar et Eitan Shamir comme
âune stratĂ©gie militaire patiente d'attrition avec des objectifs limitĂ©s : diminuer la capacitĂ© de leurs adversaires Ă nuire Ă IsraĂ«l, et obtenir une dissuasion temporaireâ.
En substance, cette politique consiste à bombarder Gaza juste assez, avec une certaine fréquence, pour freiner le développement militaire et civil de la bande de Gaza
MalgrĂ© des annĂ©es de âtonte de l'herbe palestinienneâ - une stratĂ©gie qui ne fait aucune distinction entre hommes politiques, diplomates, combattants ou intellectuels - Tel-Aviv n'a pas rĂ©ussi Ă briser la rĂ©silience des habitants de la Palestine. Le nombre d'assassinats perpĂ©trĂ©s contre le Hamas et le Djihad islamique palestinien (DIP) au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies dĂ©passe celui des assassinats perpĂ©trĂ©s dans le cadre du conflit beaucoup plus long qui oppose IsraĂ«l Ă l'Organisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP) depuis les annĂ©es 1960.
Les représailles : passé et présent
En bref, des dĂ©cennies d'assassinats politiques ciblĂ©s ont abouti Ă l'opĂ©ration sans prĂ©cĂ©dent du 7 octobre nommĂ©e âAl-Aqsa Floodâ, menĂ©e par la rĂ©sistance, alors en quoi une intensification de ses tactiques d'assassinat est-elle utile Ă IsraĂ«l ?
Avant les deux assassinats rĂ©cents Ă Damas et Ă Beyrouth, le chef du Shin Bet, Ronen Bar, avait menacĂ© de poursuivre les dirigeants du Hamas âoĂč qu'ils aillentâ, y compris au Liban, au Qatar et en Turquie.
Le discours transparent d'IsraĂ«l sur sa âliste de ciblesâ reflĂšte le sentiment d'immunitĂ© de l'Ătat d'occupation Ă l'Ă©gard du droit international, qu'il affiche depuis longtemps. Et c'est l'absence de rĂ©action internationale qui explique en partie pourquoi Tel-Aviv a maintenu cette politique inopĂ©rante.
De fait, bien qu'elle ait Ă©tĂ© en mesure d'infliger quelques revers au mouvement de libĂ©ration nationale palestinien, la âMurder Inc.â d'IsraĂ«l n'a aucunement rĂ©ussi Ă Ă©teindre les feux de la RĂ©sistance, qui brĂ»lent plus intensĂ©ment que jamais par le passĂ©. La preuve en est : 76 ans aprĂšs la Nakba, âAl-Aqsa Floodâ a dĂ©clenchĂ© la guerre la plus longue, la plus coĂ»teuse et la plus dĂ©vastatrice sur le plan personnel de l'histoire d'IsraĂ«l, dĂ©montrant ainsi que les Palestiniens poursuivront leur lutte, quoi qu'il arrive.
Les assassinats perpĂ©trĂ©s par IsraĂ«l ces trente derniĂšres annĂ©es ont mĂȘme eu des effets profondĂ©ment contre-productifs.
L'assassinat extrajudiciaire, en 1992, de l'ancien secrétaire général du Hezbollah, Abbas al-Musawi, a accru la popularité du groupe de résistance libanais et renforcé sa détermination à faire plier l'occupation israélienne. C'est exactement ce qu'a fait le successeur de Musawi, le trÚs charismatique Hassan Nasrallah, qui a finalement imposé le retrait humiliant des forces militaires israéliennes du Sud-Liban, et est sans doute le dirigeant arabe le plus redouté par les Israéliens aujourd'hui.
De mĂȘme, l'assassinat en 1995 du fondateur du Jihad islamique palestinien (PIJ), Fathi al-Shaqaqi, sur l'Ăźle de Malte, a renforcĂ© le mouvement, le transformant en l'une des factions de rĂ©sistance les plus redoutables et les plus engagĂ©es de l'histoire palestinienne. L'assassinat en 2004 du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, a Ă©galement confortĂ© la rĂ©putation du groupe de rĂ©sistance parmi les Palestiniens, contraint IsraĂ«l Ă un retrait du territoire en 2005, puis propulsĂ© le Hamas vers un pouvoir politique sans prĂ©cĂ©dent en remportant les Ă©lections de 2006 et en prenant le contrĂŽle total de la bande de Gaza.
La question centrale est dĂ©sormais de savoir si la nouvelle phase d'assassinats redonnera Ă IsraĂ«l le prestige perdu, peut-ĂȘtre dĂ©finitivement, aprĂšs le dĂ©ferlement d'Al-Aqsa.
Raviver une politique défaillante dans le cadre d'une guerre régionale
La réponse initiale et prompte du Hezbollah à l'assassinat d'Arouri dans la banlieue sud de Beyrouth a été de bombarder la base militaire israélienne de Meron par une salve de 62 roquettes, une base qui fait office de point de contrÎle clé pour l'armée de l'air israélienne et son principal centre de surveillance de la région.
L'assassinat par Tel-Aviv d'un haut responsable du Hamas a donc créé un handicap immédiat à sa flexibilité militaire et a permis à son plus grand adversaire de fixer de nouvelles rÚgles de dissuasion. En outre, il a montré que le Hezbollah, bien que peu enclin à déclencher une guerre, ne craint pas pour autant la subir. Et malgré les nombreuses opérations du Hezbollah dans le nord de la Palestine occupée, elle a également attiré l'attention sur l'hésitation - ou l'incapacité - d'Israël à riposter.
Dans le cadre d'une crise politique intĂ©rieure bien antĂ©rieure Ă l'opĂ©ration âAl-Aqsa Floodâ, le gouvernement de coalition extrĂ©miste du Premier ministre Benjamin Netanyahou exploite le soutien inconditionnel des Ătats-Unis Ă sa guerre contre Gaza pour se vanter ouvertement d'une escalade des agressions Ă l'Ă©chelon rĂ©gional. SimultanĂ©ment, il rĂ©duit son offensive - conformĂ©ment Ă un engagement pris auprĂšs de l'administration Biden - en la faisant passer Ă une âtroisiĂšme phaseâ, au cours de laquelle il cherchera Ă rĂ©habiliter son image mondialement ternie en se concentrant sur des opĂ©rations spĂ©ciales plus furtives et plus ciblĂ©es, assassinats inclus.
L'aspect alarmant de cette nouvelle phase est le rĂŽle polyvalent jouĂ© par Washington en tant que commanditaire officiel du gĂ©nocide Ă Gaza. En plus de fournir une couverture politique, diplomatique et militaire ( ainsi que des armes) Ă IsraĂ«l, les Ătats-Unis intensifient de maniĂšre agressive leurs interventions dans la rĂ©gion. La Maison Blanche fait des heures supplĂ©mentaires pour contrĂŽler le front libanais, contenir les factions de rĂ©sistance irakiennes en tuant le chef du mouvement Nujaba, Mushtaq Talib al-Saidi, et imposer au YĂ©men de nouvelles modalitĂ©s de âdissuasionâ amĂ©ricano-israĂ©lienne face aux opĂ©rations navales de l'Ansarallah contre les navires liĂ©s Ă IsraĂ«l dans la mer Rouge.
La guerre rĂ©gionale qui s'Ă©tend recourt donc dĂ©jĂ Ă de nouvelles tactiques sales telles que les assassinats, les attaques terroristes dans le Kerman iranien (avec la rĂ©ponse Ă©nergique attendue de TĂ©hĂ©ran) et la rĂ©activation des cellules terroristes soutenues par les Ătats-Unis - comme le montre la rĂ©surgence des attaques d'ISIS en Irak, en Syrie et, potentiellement, au Liban.
Ali Shamkhani, conseiller politique du Guide de la RĂ©publique islamique Ali Khamenei, souligne que le terrorisme est le nouvel outil d'IsraĂ«l pour mener une âguerre larvĂ©eâ et rĂ©aliser des gains illusoires, tout en soulignant la dĂ©termination de la RĂ©sistance Ă neutraliser cet outil.
Toutefois, il faut savoir que dans le domaine de la âguerre illĂ©galeâ, que le Pentagone amĂ©ricain oppose Ă l'Iran et Ă son alliance par le biais d'innombrables exercices militaires virtuels, les AmĂ©ricains n'ont jamais gagnĂ©, Ă moins de truquer le jeu ou d'abuser de leur influence. Mais nous ne sommes pas dans un conflit virtuel, cette guerre est bien rĂ©elle et les rĂšgles ne peuvent ĂȘtre modifiĂ©es au grĂ© des fantaisies du camp amĂ©ricain dĂšs quâil subit un revers.
https://new.thecradle.co/articles/when-all-else-fails-israel-kills