👁🗨 Quelle est la situation à Rafah, alors qu'Israël menace d'attaquer ?
Les raids d'Israël à Rafah tuent déjà plus de 100 personnes par jour. Mais de nombreux Palestiniens à Rafah, déplacés à plusieurs reprises, affirment qu'ils ne bougeront plus, quoi qu'il arrive.
👁🗨 Quelle est la situation à Rafah, alors qu'Israël menace d'attaquer ?
Par la rédaction d'Al Jazeera, le 11 février 2024
Plus d'un million de Palestiniens sont bloqués à l'extrême sud de la bande de Gaza, alors que l'armée israélienne se prépare à une attaque terrestre.
Israël tue déjà plus de 100 personnes par jour lors de raids aériens sur Rafah.
Rafah, une “opération” terrestre israélienne imminente, et l'impact sur plus d'un million de civils pris au piège font les gros titres.
Mais qu'est-ce que Rafah et quels sont les détails de cette “opération” israélienne annoncée ?
Qu'est-ce que Rafah ?
Rafah se trouve à la frontière entre la bande de Gaza et l'Égypte.
Côté palestinien, c'est le nom du gouvernorat le plus méridional de Gaza et de sa capitale, ainsi que du checkpoint vers le Sinaï égyptien. Côté égyptien, c'est une ville du gouvernorat du Nord-Sinaï.
La ville palestinienne de Rafah s'étend sur 64 km² et, au fur et à mesure des attaques israéliennes contre Gaza au cours des quatre derniers mois, de plus en plus de personnes y ont été massées par les forces israéliennes qui n'ont cessé de promettre la sécurité “plus au sud”, ce qui ne s'est jamais concrétisé.
Environ 1,4 million de Palestiniens ont été poussés à Rafah par les bombardements israéliens incessants qui ont tué près de 30 000 Palestiniens.
Les gens sont densément massés dans le peu d'espace exempt de décombres ou de bombardements israéliens. Les conditions sont désastreuses et les pénuries sévères.
En quoi consiste l'“opération” israélienne ?
Tel Aviv affirme que quatre brigades du Hamas sont installées à Rafah, invoquant leur présence pour justifier les attaques aériennes en cours ainsi que l'assaut terrestre planifié.
Israël affirme également que des plans d'évacuation de la ville - dont on ignore la localisation - sont actuellement en préparation, paralysant ainsi les personnes réfugiées à Rafah.
Pourquoi l'Égypte est-elle impliquée ?
Les civils pris au piège étant bloqués contre la frontière égyptienne, les analystes estiment qu'il est probable qu'Israël veuille les pousser dans le Sinaï.
Cette situation suscite des inquiétudes quant à la sécurité intérieure de l'Égypte et à la perspective de voir plus d'un million de Palestiniens traumatisés contraints de s'installer sur son territoire.
Qu'a fait l'Égypte jusqu'à présent ?
L'Égypte aurait déplacé 40 chars et véhicules blindés de transport de troupes à la frontière de Gaza pour endiguer tout débordement potentiel d'un assaut terrestre israélien.
L'Égypte a prévenu que tout assaut terrestre israélien sur Rafah aurait des “conséquences désastreuses” et que l'objectif d'Israël de forcer les Palestiniens à quitter leur terre menacerait l'accord de paix de Camp David conclu il y a 40 ans entre les deux pays.
Le Caire a renforcé la sécurité aux frontières depuis le 7 octobre.
Pourquoi les Palestiniens ne veulent-ils pas quitter Gaza ?
Les Palestiniens ont été confrontés à des déplacements massifs dans un passé pas si lointain : la Nakba.
En 1948, quelque 750 000 Palestiniens ont fait l'objet d'un nettoyage ethnique et ont été chassés de leurs maisons et de leurs terres pour faire place à la création de l'État d'Israël.
De nombreux habitants de Gaza sont les descendants des réfugiés de la Nakba, et ne veulent pas quitter la Palestine parce qu'ils savent qu'il leur sera impossible d'y retourner - Israël ne les laissera pas faire.
Les pays arabes, comme l'Égypte, s'opposent également à tout déplacement, le droit au retour des Palestiniens étant une revendication majeure depuis 1948.
Est-on en sécurité à Rafah pour l'instant ?
Non.
Israël tue déjà plus de 100 personnes par jour lors de raids aériens sur Rafah.
Ceux qui survivent aux attaques vivent dans des conditions innommables, dans des tentes où l'eau s'engouffre dès qu'il pleut, ou sous les matériaux de fortune qui leur servent d'abris.
De nombreux Palestiniens de Rafah ont été déplacés à plusieurs reprises, et affirment qu'ils ne bougeront plus, quoi qu'il arrive. C'est le cas de Jihan al-Hawajri, qui a déclaré à la chaîne américaine PBS qu'elle resterait dans sa tente, quoi qu'il arrive.
“Il n'y a plus nulle part où fuir”, a déclaré Angelita Caredda, directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord du Conseil norvégien pour les réfugiés.
Quelles sont les conditions actuelles à Rafah ?
Les images satellites obtenues par Al Jazeera montrent une zone déjà au bord de la rupture. Quelque 22 000 personnes sont entassées dans chacun des 64 km² de Rafah.
Avant la guerre, 275 000 personnes vivaient sur ces 64 km², faisant de Rafah l'une des zones les plus densément peuplées de Gaza, qui figure elle-même parmi les zones les plus surpeuplées du monde.
Les personnes déplacées s'entassent dans les installations de l'UNRWA, espérant que l'agence créée pour les aider puisse le faire. Mais près de 150 membres du personnel de l'UNRWA ont été tués lors d'attaques israéliennes, l'aide est interrompue par Israël et les gouvernements occidentaux ont retiré leur financement lorsqu'Israël a prétendu - sans preuve pour l'instant - que 12 membres du personnel de l'UNRWA avaient participé à l'attaque du 7 octobre.
La surpopulation a entraîné la propagation de maladies, les autorités sanitaires faisant état d'une épidémie d'hépatite A, qui se développe en cas de contact étroit.
L'isolement des patients étant impossible, et l'espoir de stopper cette épidémie ou d'autres, comme la gale et les poux, aggravés par l'absence de douches ou de toilettes hygiéniques, est très mince.
Que veut Israël ?
Lorsque l'attentat du 7 octobre a eu lieu - faisant 1 139 morts en Israël - et que les combattants armés palestiniens ont emmené 240 personnes en captivité à Gaza, les objectifs déclarés d'Israël étaient de ramener les captifs et d'“éradiquer le Hamas”.
Depuis lors, le discours a évolué à plusieurs reprises.
Affirmant d'abord ne viser que les combattants armés, Israël a rapidement imposé un blocus complet à Gaza, tuant des civils à chaque minute qui passe.
Puis on a constaté que, lorsqu'Israël affirmait “éviter les pertes civiles”, il avait recours à sa calculatrice très personnelle, augmentant la “marge de perte acceptable”, c'est-à-dire le nombre de personnes qu'il estimait pouvoir tuer pour éliminer une cible.
Une attaque massive contre le camp de réfugiés de Jabalia en octobre a tué 50 personnes pour éliminer un “commandant du Hamas”, désignation dont Israël n'a pas apporté la preuve.
Il a également commencé à cibler les hôpitaux, avec une attaque effrayante contre l'hôpital al-Shifa dans la ville de Gaza qui a mis en danger plus de 30 bébés prématurés dont les incubateurs se sont arrêtés lorsque Israël a coupé l'électricité. L'objectif déclaré de découvrir les “bunkers cachés du commandement du Hamas” sous l'hôpital al-Shifa n'a jamais été atteint.
D'autres ont suivi, Israël encerclant les hôpitaux les uns après les autres, tuant et affamant les personnes qui s'y trouvaient, afin de “démanteler les centres de commandement du Hamas”. Aucun n'a été découvert.
L'attaque de Rafah aidera-t-elle Israël à obtenir quoi que ce soit ?
C'est peu probable, car les affirmations d'Israël sur le “démantèlement des bataillons terroristes”, en référence aux factions palestiniennes armées, semblent aussi erratiques que les affirmations sur les centres de commandement souterrains.
Israël avait déclaré que les factions combattantes palestiniennes étaient “neutralisées” dans le nord de la bande de Gaza, avant d'admettre plus tard que ce n'était pas le cas.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a subi des pressions, notamment de la part du Royaume-Uni et des États-Unis, pour annuler l'assaut terrestre, mais il maintient qu'il s'agit d'une opération visant à “démanteler le Hamas”.
Les États-Unis ont adressé à Tel-Aviv leur critique la plus virulente en temps de guerre, déclarant qu'Israël devait “faire passer les civils avant tout”, mais ils n'ont pas menacé de réduire leur aide ou leur soutien.
L'Union européenne et le Royaume-Uni se sont rangés à l'avis des États-Unis.