đâđš Quelque chose a changĂ© dans l'affaire Assange
La logique politique qui veut que Biden choisisse d'abandonner l'affaire est tout Ă fait convaincante. Mais les intĂ©rĂȘts de Biden peuvent-ils prĂ©valoir sur ceux de la C.I.A. ?
đâđš Quelque chose a changĂ© dans l'affaire Assange
Par Craig Murray Ă Londres, le 22 mai 2024
Mentionner âce qui est en jeu iciâ est la premiĂšre vĂ©ritable reconnaissance des problĂšmes majeurs de cette affaire de la part du pouvoir judiciaire en plus de dix ans de procĂ©dure. On a eu l'impression que quelque chose a changĂ©.
Dans le cours normal des choses, si un juge trÚs haut placé vous demande de fournir des garanties à sa Cour, il ne serait pas vraiment sage d'éviter de de faire, de consacrer une grande partie du document à essayer d'occulter le fait que vous n'en fournissez pas, puis de faire la leçon au juge sur les raisons pour lesquelles il a eu tort de vous inviter à apporter ces garanties.
La plupart des juristes dĂ©conseilleraient probablement ce genre de comportement. Mais cela n'a pas dĂ©couragĂ© l'intrĂ©pide James Lewis KC, de retour pour diriger l'accusation des Ătats-Unis contre Julian Assange, les yeux pĂ©tillants et sa chevelure marine ayant pris un aspect plus sauvage, comme s'il avait dĂ©cidĂ© d'adopter une allure de pirate pour accompagner sa gestion imprudente de l'affaire.
Ce jour d'audience de l'affaire Assange a semblé assez différent de tous les autres de ces 14 derniÚres années. Tout d'abord, quand je suis arrivé tÎt le matin, je n'étais ni gelé ni trempé. Au contraire, le soleil était au rendez-vous et le ciel ne semblait pas vouloir se charger de pluie.
Les nombreux soutiens rassemblĂ©s devant le tribunal Ă©taient plus animĂ©s et plus joyeux que ces derniers temps, et j'ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surpris par le trĂšs grand nombre de graffitis âFree Assangeâ que j'ai croisĂ©s sur les kilomĂštres qui me sĂ©paraient du tribunal , taguĂ©s un peu partout dans le centre de Londres.
J'étais persuadé que nous allions gagner et que ce serait une bonne journée, tellement persuadé en fait que je suis monté sur le podium et que j'ai annoncé la nouvelle à un public un peu surpris.
Vous vous souvenez sans doute que lors du dernier jugement de la High Court, le tribunal avait demandĂ© au gouvernement amĂ©ricain de lui fournir des garanties contre l'application de la peine de mort et d'assurer que Julian ne serait pas empĂȘchĂ©, en raison de sa nationalitĂ©, de se prĂ©valoir de la libertĂ© d'expression garantie par le Premier Amendement auprĂšs d'un tribunal de Virgine.
Les AmĂ©ricains ont fourni ce qui mâa semblĂ© - et surtout Ă l'Ă©quipe juridique de Julian - une garantie suffisante contre la peine de mort.
Pas de garanties
Pour ce qui est du droit d'invoquer le Premier amendement, aucune garantie suffisante n'a Ă©tĂ© donnĂ©e. Le gouvernement amĂ©ricain a simplement assurĂ© que la dĂ©fense de Julian aux Ătats-Unis aurait le droit d'invoquer le Premier Amendement.
Comprenez bien que la High Court n'a pas exigé l'assurance que le Premier Amendement prévaudrait sur les autres arguments, comme par exemple la soi-disant sécurité nationale. Elle a simplement demandé que la ligne de défense ne soit pas exclue sur la seule base de la nationalité.
Les garanties américaines ont cherché à éluder totalement la question, en l'ignorant et en tentant d'amalgamer les autres arguments susceptibles de prévaloir contre le Premier Amendement.
C'Ă©tait tellement flagrant que je ne voyais pas comment la Cour pouvait statuer que les garanties amĂ©ricaines Ă©taient suffisantes, et conserver un minimum d'honnĂȘtetĂ© intellectuelle. J'ai observĂ© les juges Jeremy Johnson et Victoria Sharp lors de la derniĂšre audience et constatĂ© que leur intĂ©gritĂ© intellectuelle Ă©tait indĂ©niable. J'Ă©tais donc trĂšs optimiste quant aux chances de gagner le droit Ă un nouvel appel.
Pour répondre à cette nouvelle journée, l'affaire a été transférée dans une nouvelle salle d'audience, beaucoup plus grande et plus lumineuse. Le systÚme audiovisuel destiné à la presse dans les salles voisines fonctionnait correctement. Les nouveaux dispositifs de gestion du public étaient efficaces.
On m'a mĂȘme remis une carte plastifiĂ©e me donnant droit Ă une place dans la salle d'audience principale, au lieu du bout de papier habituel. Jamie, Jim et les merveilleux bĂ©nĂ©voles m'ont Ă©vitĂ© de faire la queue en attendant pour moi.
De plus, Edward Fitzgerald portait une perruque de crin diffĂ©rente, peut-ĂȘtre plus jeune d'un siĂšcle, en tout cas plus rĂ©cente que le modĂšle prĂ©cĂ©dent. Pour ceux qui contestent l'efficacitĂ© de ce blog, je peux vous dire qu'il m'a confiĂ© que mes commentaires sur sa perruque dans mon dernier rapport l'avaient incitĂ© Ă ressortir sa perruque de rechange. Un blog efficace !
Une fois que nous nous avons tous été installés dans cette resplendissante fausse salle d'audience médiévale, avec son extraordinaire architecture de toit en lanterne qui inonde la salle de lumiÚre zénithale, Fitzgerald s'est levé et s'est lancé dans son affaire avec un manque notable de préambules. Il avait l'air un peu perplexe quant à ce contre quoi il était censé plaider. Il avait l'air de se battre dans le brouillard.
Fitzgerald a admis que les garanties concernant la peine de mort Ă©taient satisfaisantes. Mais la garantie qu'Assange pourrait invoquer le Premier Amendement manquait de pertinence. Elle se contentait de stipuler qu'il pouvait âchercher Ă â s'en prĂ©valoir.
En outre, cette âgarantieâ n'engageait mĂȘme pas le procureur Ă faire valoir que M. Assange devait se voir refuser la protection du Premier Amendement en raison de sa nationalitĂ©. La dĂ©claration initiale du procureur amĂ©ricain Gordon Kromberg devant la Cour, selon laquelle l'accusation pourrait le faire, Ă©tait toujours valable.
MĂȘme si l'accusation s'engage - ce qu'elle n'a pas fait - Ă ne pas plaider ce point, rien ne garantit que le tribunal amĂ©ricain lui-mĂȘme ne privera pas M. Assange de la protection du Premier Amendement en raison de sa nationalitĂ© Ă©trangĂšre, Ă la suite d'un certain nombre de prĂ©cĂ©dents, y compris devant la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis.
La High Court a clairement soulignĂ© qu'il existe un rĂ©el risque de discrimination en fonction de la nationalitĂ©, contraire Ă la loi sur l'extradition, et que cette prĂ©occupation n'a pas Ă©tĂ© prise en compte par les Ătats-Unis. âIl existe un risque rĂ©el de discrimination et ce risque demeure avec des garanties Ă©quivoques et manifestement inadĂ©quatesâ, a dĂ©clarĂ© M. Fitzgerald Ă la Cour.
Mark Summers KC s'est ensuite levé pour compléter la plaidoirie de la défense.
Cette journée charniÚre a eu le plus grand effet sur M. Summers. Sa colÚre face aux événements, son impatience face au manque de compréhension des juges à l'égard des arguments s'étaient envolées. Il parlait avec tant de douceur et de gentillesse que personne n'arrivait à l'entendre.
Un rayon de lumiĂšre
Le soleil s'Ă©tait levĂ© et sa course dans le ciel et un rayon de soleil a traversĂ© la fenĂȘtre et illuminĂ© Summers. Un effet trop audacieux pour Hollywood, peut-ĂȘtre digne des Monty Python et du Saint Graal. Je suis presque sĂ»r d'avoir entendu chanter les anges.
Summers a dĂ©clarĂ© avoir la tĂąche dĂ©licate de contrer les arguments des Ătats-Unis avant qu'ils ne les aient formulĂ©s et a demandĂ© Ă la Cour l'autorisation de reprendre la parole plus tard, ce que le juge Dame Victoria Sharp - qui avait manifestement aussi entendu le chant des anges - a immĂ©diatement acceptĂ©.
Summers a énuméré les arguments américains contenus dans leur dossier. Il les a énumérés comme suit
Assange sera sur le sol américain pendant le procÚs et le Premier Amendement s'appliquera donc. Mais, selon M. Summers, cet argument n'est pas conforme à la déclaration sous serment de M. Kromberg et à la jurisprudence antérieure.
Il pourrait ĂȘtre Ă©tabli qu'Assange se trouvait sur le sol amĂ©ricain lorsque les infractions ont Ă©tĂ© commises et que le Premier Amendement s'appliquerait. Sauf que, a dĂ©clarĂ© M. Summers, M. Assange ne se trouvait manifestement pas sur le sol amĂ©ricain Ă ce moment-lĂ .
La nationalitĂ© est un concept plus restreint que la citoyennetĂ©, de sorte que la discrimination n'a pas lieu d'ĂȘtre. M. Summers a dĂ©clarĂ© que cette affirmation Ă©tait manifestement erronĂ©e, comme le montrent de nombreux exemples, y compris la Convention sur les rĂ©fugiĂ©s.
La nationalité n'est qu'un des facteurs susceptibles de faire obstacle à l'application du Premier Amendement. Summers a souligné que si la nationalité en était un, il s'agissait d'une discrimination. L'existence d'autres facteurs n'est pas pertinente.
Les Ătats-Unis affirment que le 14e amendement - qui accorde la citoyennetĂ© Ă toutes les personnes nĂ©es aux Ătats-Unis - est en quelque sorte pertinent. Summers, perplexe, a rejetĂ© cet argument d'un revers de manche.
James Lewis KC a alors repris la parole au nom des Etats-Unis. Son numéro 2, Clare Dobbin, qui l'avait si mal remplacé lors de la derniÚre audience, était introuvable. Je crains qu'elle n'ait pas seulement été reléguée sur le banc des remplaçants, mais qu'elle ait été transférée.
M. Lewis a déclaré qu'il incombait à l'appelant (Julian) de prouver qu'il existe une possibilité sérieuse ou des motifs raisonnables de craindre un préjudice en raison de sa nationalité australienne.
L'article 81b de la loi sur l'extradition prévoit que le tribunal peut interdire l'extradition dans les cas suivants
âS'il est extradĂ©, il pourrait subir un prĂ©judice lors de son procĂšs ou ĂȘtre condamnĂ©, dĂ©tenu ou limitĂ© dans sa libertĂ© personnelle en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalitĂ©, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de ses opinions politiquesâ.
Il s'agit d'une clause anti-discrimination, ce qui signifie qu'il faut démontrer un traitement injuste à la différence des traitements de référence, en l'occurrence ceux d'un citoyen américain.
Lewis a ensuite semblĂ© s'en prendre Ă Dobbin, absente. Il a dĂ©clarĂ© qu'il souhaitait attirer l'attention sur un arrĂȘt de la Cour d'appel qui, âpour une raison quelconqueâ, n'avait pas Ă©tĂ© soulignĂ© lors de l'audience prĂ©cĂ©dente.
Dans une affaire portée devant la Cour d'appel, le ministre des Affaires étrangÚres avait obtenu gain de cause contre une allégation de discrimination injuste de sa part consistant à traiter les citoyens britanniques différemment des résidents britanniques non citoyens, lors de démarches effectuées en leur nom au sujet de l'incarcération à Guantanamo Bay. Cette affaire a montré qu'il était légitime de traiter différemment les citoyens et les non-citoyens.
L'arrĂȘt stipule quââune personne qui n'est pas un citoyen britannique n'a pas droit de bĂ©nĂ©ficier d'une protectionâ. La citoyennetĂ© britannique est simplement un fait de droit et n'a rien Ă voir avec les caractĂ©ristiques de la personne. âC'est le bon prisme Ă travers lequel il faut regarder cette affaireâ.
Permettez-moi de souligner que j'ai dĂ©jĂ annoncĂ©, avant que les garanties amĂ©ricaines ne soient donnĂ©es, les arguments prĂ©cis et exacts des Ătats-Unis, y compris celui-ci : qu'il est lĂ©gitime de traiter les citoyens diffĂ©remment des autres ressortissants en termes de protection consulaire (ce concept juridique tout Ă fait routinier est la seule chose que dit rĂ©ellement l'affaire de Guantanamo Bay citĂ©e par M. Lewis).
M. Lewis a poursuivi en affirmant que M. Assange ne serait pas victime de discrimination en raison de sa nationalitĂ© australienne, mais qu'il serait plutĂŽt traitĂ© diffĂ©remment en tant que non-ressortissant amĂ©ricain. Ce qui est en cause, c'est la âsimple donnĂ©e factuelleâ de sa non-citoyennetĂ© amĂ©ricaine.
M. Lewis a déclaré que l'allégation de discrimination ne fonctionne ici que sur des questions de procÚs équitable, et que les garanties portent sur des questions de procÚs équitable. On garantit à M. Assange un procÚs équitable.
Bien que le tribunal ait suggĂ©rĂ© que le Premier Amendement devrait s'appliquer parce qu'il accorde Ă M. Assange le type de protection de l'article X de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme (CEDH) Ă laquelle il aurait droit, il convient de noter que l'article X ne couvre que le journalisme âraisonnable et responsableâ. Ce n'est pas ce qu'aurait fait M. Assange.
L'un des facteurs susceptibles de dĂ©finir ce qui est âraisonnable et responsableâ pourrait ĂȘtre le lieu oĂč le journalisme a Ă©tĂ© pratiquĂ©. M. Assange a choisi de publier hors la juridiction compĂ©tente de la source des informations. Cela n'Ă©tait pas responsable, a dĂ©clarĂ© M. Lewis.
Il existe de nombreux autres facteurs, et pas seulement la nationalitĂ©, qui dĂ©terminent si le Premier Amendement s'applique. Il s'agit notamment de la sĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unis. M. Assange s'est vu garantir un procĂšs Ă©quitable sur tous ces points, a dĂ©clarĂ© M. Lewis :
âIl pourra invoquer le Premier Amendement, mais cela ne signifie pas qu'il y parviendra. En droit, M. Assange est un Ă©tranger qui, dans un pays Ă©tranger, commet des actes qui portent atteinte Ă la sĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unisâ.
Il y a également 18 chefs d'accusation, couvrant différentes catégories d'infractions. Certains de ces chefs d'accusation, tels que le piratage et la conspiration en vue de voler des documents, ne pourront jamais bénéficier de la protection du Premier Amendement. Cela a été clairement démontré dans le jugement de Chelsea Manning, a déclaré M. Lewis. Le comportement d'Assange n'est pas protégé par le Premier Amendement, a-t-il conclu.
La réponse de M. Summers
Mark Summers a ensuite obtenu le droit de réponse qui lui avait été promis pour la défense. Il a déclaré que la notion de discrimination légitime fondée sur la nationalité ne s'appliquait pas ici. Il s'agit d'une procédure judiciaire.
Aucune des affaires citées par l'accusation ne concerne la procédure judiciaire. L'article 81b interdit toute discrimination fondée sur la nationalité dans le cadre d'un procÚs. Le fait que, dans d'autres situations, la nationalité ait un effet juridique n'est pas pertinent.
En ce qui concerne la distinction faite entre la nationalitĂ© et la citoyennetĂ©, il convient de noter que le procureur Kromberg dĂ©clare qu'Assange peut ĂȘtre privĂ© de la protection du Premier Amendement sur la base de la nationalitĂ©, et non de la citoyennetĂ©.
L'argument selon lequel la nationalitĂ© n'est qu'un des facteurs susceptibles d'exclure le Premier Amendement ne tient pas, a soutenu M. Summers. M. Lewis a dĂ©clarĂ© que M. Assange pourrait ĂȘtre privĂ© du Premier Amendement parce qu'il est âun Ă©tranger qui commet des actes sur un sol Ă©trangerâ. Il s'agit d'une discrimination fondĂ©e sur la nationalitĂ©. S'il Ă©tait ressortissant amĂ©ricain, le Premier Amendement sâappliquerait. Les autres facteurs ne sont plus pertinents.
Pouvoir invoquer le Premier Amendement et faire valoir ses arguments n'est pas la mĂȘme chose que d'affirmer que cet argument sera forcĂ©ment retenu.
Le jugement contre Chelsea Manning n'est pas pertinent. Manning occupait une position différente. Il s'agissait d'une employée du gouvernement, d'une lanceuse d'alerte et non d'une journaliste. Sa situation au regard du Premier Amendement était totalement différente.
L'argument selon lequel le Premier Amendement s'appliquerait automatiquement si Assange se trouvait sur le sol américain est tout simplement inexact. Plusieurs précédents l'ont démontré.
M. Summers a ensuite redonné la parole à Edward Fitzgerald. à ce moment-là , M. Lewis s'est levé pour faire objection. Il a déclaré qu'il ne s'était pas opposé à ce que Summers réponde, bien que cela ne relÚve pas de la procédure convenue à l'origine. Mais le fait que deux personnes répondent lui semble excessif.
Le juge Sharp a rĂ©pondu avec beaucoup de sĂ©rieux. âCompte tenu de ce qui est en jeu iciâ, a-t-elle dit, âjâĂ©couterai tout ce que chacun aura Ă direâ. S'il le souhaite, Lewis pourra rĂ©pondre Ă son tour aprĂšs Fitzgerald.
Ce âcompte tenu de ce qui est en jeu iciâ a Ă©tĂ© trĂšs surprenant. C'Ă©tait la premiĂšre fois, en plus de dix ans de procĂ©dure, que le pouvoir judiciaire reconnaissait rĂ©ellement les enjeux majeurs de cette affaire, et peut-ĂȘtre aussi les consĂ©quences dĂ©vastatrices pour Julian sur le plan personnel. On sentait que quelque chose avait changĂ©.
Fitzgerald s'est ensuite lancĂ©. Le point le plus important, a-t-il dit, est le silence assourdissant de Kromberg. Il aurait pu garantir que l'accusation ne chercherait pas Ă soutenir que Julian devrait ĂȘtre privĂ© de la protection du Premier Amendement en raison de sa nationalitĂ©. Mais il ne l'a pas fait.
Il était tout à fait normal que les garanties diplomatiques incluent l'engagement de l'accusation à poursuivre ou à ne pas poursuivre une certaine ligne de conduite. Dans ce cas précis, ils ont assuré que l'accusation ne chercherait pas à porter d'accusations susceptibles d'entraßner la peine capitale.
Pourtant, Kromberg n'a pas affirmé qu'il ne poursuivrait pas l'interdiction du Premier Amendement, alors qu'il avait au contraire déclaré sous serment qu'il pourrait effectivement le faire.
Les garanties proposĂ©es Ă©taient tout sauf des garanties. Lewis avait dit qu'Assange serait en mesure d'invoquer le Premier Amendement, mais ce n'est pas ce que signifiaient les âgarantiesâ. Elles signifiaient plutĂŽt qu'il pourrait chercher Ă invoquer le Premier Amendement, ce qui n'est pas du tout la mĂȘme chose.
L'extradition ne peut ĂȘtre accordĂ©e en raison du trop grand nombre de questions non rĂ©solues concernant les pratiques du procureur ainsi que des questions de droit, a dĂ©clarĂ© M. Fitzgerald Ă la Cour.
Les plaidoiries se sont achevées au bout de 90 minutes. Le juge Sharp s'est levé et a déclaré qu'elle et le juge Johnson seraient de retour aprÚs dix minutes pour exposer la suite des événements.
En fin de compte, cela a pris vingt minutes. Lorsqu'elle est revenue, la juge Sharp arborait un visage des plus solennels. Elle a tout d'abord déclaré que tout le monde devait écouter la décision en silence et que si quelqu'un pensait ne pas pouvoir le faire, il devait quitter le tribunal sur-le-champ.
Je dois avouer que je me suis inquiĂ©tĂ©. Si les juges se prononçaient contre Julian, l'extradition pourrait ĂȘtre immĂ©diate. Il pourrait simplement ĂȘtre emmenĂ© directement sur un aĂ©roport militaire. Le juge Sharp s'attendait-il Ă des protestations ?
Mes craintes se sont aussitĂŽt dissipĂ©es. Mme Sharp a simplement dĂ©clarĂ© que le droit d'appel Ă©tait accordĂ© pour les motifs 4 et 5 des requĂȘtes, Ă savoir la libertĂ© d'expression et la discrimination fondĂ©e sur la nationalitĂ©. Elle a Ă©galement dĂ©clarĂ© explicitement que le droit d'appel s'appliquait Ă tous les chefs d'accusation, rejetant ainsi l'argument de Lewis selon lequel certains des chefs d'accusation ne pouvaient pas ĂȘtre invoquĂ©s pour dĂ©fendre la libertĂ© d'expression.
Les deux parties ont jusqu'à vendredi pour soumettre un mémorandum commun sur la procédure et le calendrier de l'audience d'appel.
abandonnĂ©s et ne peuvent ĂȘtre rĂ©introduits. Nous en sommes maintenant rĂ©duits Ă un seul point, celui de la libertĂ© d'expression et de la discrimination par la nationalitĂ©. Mais je ne vois pas comment les Ătats-Unis peuvent s'en sortir.
La liberté en vue
Lors de l'audience sur le fond, la question, les arguments et la jurisprudence seront exactement les mĂȘmes que lors de l'audience prĂ©liminaire. Seule la question des preuves sera diffĂ©rente. La dĂ©fense n'a eu qu'Ă dĂ©montrer qu'il existait un cas de discrimination dĂ©fendable. Lors de l'audience au fond, elle devra prouver que cet argument est recevable.
Mais compte tenu des performances rĂ©alisĂ©es ici et du fait que les juges n'ont pris que quelques minutes - alors que tout le monde s'attendait Ă au moins plusieurs jours - pour rejeter les arguments de l'accusation amĂ©ricaine, je ne vois pas comment les Ătats-Unis peuvent maintenant l'emporter.
Nous ne savons pas quand aura lieu l'audience de fond. Je parierais sur le mois d'octobre, mĂȘme si l'Ă©quipe juridique estime que le mois de juillet est envisageable. Bien sĂ»r, Julian est toujours dĂ©tenu dans une horrible prison de haute sĂ©curitĂ©. Mais la libertĂ© est en vue.
Les plus cyniques pourront y voir un nouveau coup de pied dans la fourmiliÚre et une mise en veilleuse de la procédure jusqu'aprÚs l'élection présidentielle américaine, car Joe Biden serait bien mal avisé de ramener Julian enchaßné à Washington en pleine campagne. Mais ce n'est pas ce que je ressens. Je pense qu'il s'agit d'une véritable victoire et que nous sommes sur la voie du succÚs et de la liberté avant Noël.
Il est peu probable, mais pas impossible, que les juges qui ont accepté l'appel soient ceux qui l'instruiront, et je crains donc que ce soit la derniÚre fois que nous voyons Dame Victoria Sharp. L'affreux juge en chef conservateur Burnett a pris sa retraite, et je m'attends donc à ce que l'appel soit entendu par la juge en chef Sue Carr, qui n'a jamais été saisie de l'affaire.
Fait notable, jusqu'Ă prĂ©sent, les femmes juges se sont montrĂ©es beaucoup moins influençables par les intĂ©rĂȘts des services de sĂ©curitĂ© que les hommes juges dans cette longue saga. Il semble que les magistrats aient Ă nouveau trouvĂ© un moyen d'empĂȘcher l'extradition, qui n'implique aucun jugement sur l'intĂ©rĂȘt public de la rĂ©vĂ©lation de crimes de guerre ni aucune discussion sur les questions relatives aux documents rĂ©vĂ©lĂ©s par Wikileaks qui sont les plus embarrassants pour les Ătats-Unis.
Si les Ătats-Unis perdent cette affaire, comme c'est actuellement le cas, M. Biden risque fortement de perdre sur toute la ligne. En abandonnant l'affaire, il n'aura plus aucun mĂ©rite Ă promouvoir la libertĂ© d'expression et la libertĂ© des mĂ©dias.
D'un autre cĂŽtĂ©, les faucons le qualifieront de perdant incapable de remporter une affaire importante pour la sĂ©curitĂ© nationale, mĂȘme chez son alliĂ© le plus proche. La logique politique qui veut que Biden choisisse d'abandonner l'affaire est tout Ă fait convaincante. Mais les intĂ©rĂȘts de Biden peuvent-ils prĂ©valoir sur ceux de la C.I.A. ?
* Craig Murray est un auteur, diffuseur et militant des droits de l'homme. Il a été ambassadeur britannique en Ouzbékistan d'août 2002 à octobre 2004 et recteur de l'université de Dundee de 2007 à 2010.
https://consortiumnews.com/2024/05/22/craig-murray-something-has-changed-in-assange-case/