👁🗨 Renvoyer Gallant & anticiper Trump
Le renvoi de Gallant, apprécié des USA, a eu lieu lors des élections américaines pour sauvegarder la coalition favorable à Netanyahu & renforcer la ligne pure & dure déterminée à faire la guerre.
👁🗨 Renvoyer Gallant & anticiper Trump
Par Nabih Awada, le 11 novembre 2024
Le limogeage de Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a plongé l'État d'occupation dans une nouvelle crise politique, dans la tourmente qui perdure depuis l'opération “Al-Aqsa Flood” l'année dernière et la guerre qui s'en est suivie à Gaza et, à présent, au Liban.
Ces conflits ont fait près de 200 000 morts et disparus, ainsi qu'un nombre incalculable de blessés et de prisonniers.
Le licenciement de M. Gallant est intervenu à un moment difficile, du moins selon l'éditorialiste israélien Nahum Barnea, qui a écrit dans le Yedioth Ahronoth : “Ainsi meurt la démocratie”.
Netanyahu a choisi d'écarter son ministre de la Défense juste au moment où l'on commençait à voter aux États-Unis, marquant le retour spectaculaire de Donald Trump - superviseur des accords d'Abraham - à la Maison-Blanche dans le cadre d'une remontée politique fulgurante.
Mauvais timing ou manœuvre tactique ?
Il semble que ce soit un geste calculé de la part de Netanyahu, peut-être pour éviter une réédition de la catastrophe de mars dernier, lorsqu'il a fait face à un tollé national pour avoir congédié Gallant après que ce dernier se soit opposé aux réformes judiciaires. À l'époque, M. Gallant avait publiquement mis en garde contre l'impact des réformes sur les réservistes, suscitant des protestations massives dans tout Israël.
Le syndicat Histadrut a appelé à la grève, paralysant de fait l'économie d'Israël, et la Maison Blanche a émis un avertissement sévère, amenant Netanyahu à revenir sur sa décision. Gallant a regagné son bureau à Tel-Aviv avec le soutien de la rue, des économistes, des militaires et même du président américain Joe Biden.
C'est précisément là que se situe le “terrible timing”. Trois minutes à peine après avoir pris sa décision, Netanyahu a envoyé à Gallant une lettre de destitution - c'est le journaliste Amit Segal, connu pour être un proche de Netanyahu, qui a annoncé la nouvelle. Le ministre israélien de la Défense, en pleine guerre sur sept fronts, a été informé qu'il serait relevé de ses fonctions, avec effet dans les 48 heures, comme le stipule l'article 20 de la loi fondamentale.
Pourquoi Gallant devait partir
Les raisons de la révocation controversée de Gallant sont multiples et trouvent leur origine dans trois problèmes clés que Gallant lui-même a mis en évidence :
Le premier problème est celui de la conscription. Gallant insistait sur le fait que “toute personne éligible doit rejoindre l'armée”. Il s'agissait d'une réponse à la loi exemptant les Haredim ultra-orthodoxes du service militaire, en cours d'examen à la Knesset.
Gallant a riposté en ordonnant l'enrôlement de 7 000 étudiants religieux, défiant ainsi directement les Haredim. Ce décret est intervenu alors que des rabbins influents, tels que le rabbin Admur Gur, menaçaient vigoureusement la coalition gouvernementale d'éclater si des lois encourageant la désertion et le soutien aux écoles spéciales n'étaient pas adoptées.
Ces lois sont essentielles pour les Haredim, car elles permettent aux hommes de se concentrer sur les études religieuses sans être soumis à des obligations militaires, offrant ainsi des privilèges importants aux familles ultra-orthodoxes généralement nombreuses. La condition posée par les rabbins était claire : si le gouvernement n'adoptait pas à la fois la loi sur l'exemption militaire et le soutien financier aux écoles, ils n'approuveraient pas le budget 2025.
D'autres motifs en jeu
En Israël, si le budget n'est pas adopté, le gouvernement s'effondre automatiquement - une conséquence que Netanyahu voulait absolument éviter. Pour préserver sa coalition, Netanyahu devait agir rapidement et se débarrasser de Gallant.
La deuxième raison, non moins importante, concerne la libération des prisonniers de Gaza. C'est un sujet extrêmement sensible, source de profondes frictions entre Netanyahu, Gallant et d'autres hauts responsables de l'armée et des services de renseignement israéliens.
Tout au long de l'année écoulée, des débats permanents ont eu lieu sur la question de savoir s'il fallait donner la priorité aux négociations pour un échange de prisonniers plutôt qu'à l'expansion des opérations militaires d'Israël sur ses différentes frontières. M. Gallant et certains membres de l'armée ont plaidé en faveur d'un accord, tandis que M. Netanyahu, ainsi que Bezalel Smotrich, Itamar Ben Gvir et plusieurs commandants militaires partisans d'une ligne dure, ont estimé qu'il fallait maintenir la pression militaire sur le Hamas pour le contraindre à se soumettre.
Au départ, un consensus semblait exister au sein de l'establishment politique et sécuritaire, surtout après la proposition de Gallant et du chef d'état-major Herzi Halevy d'effectuer une attaque préventive sur le Liban - une action qui n'a été reportée que grâce à l'intervention directe de Biden lors d'une conversation avec Netanyahu le 11 octobre.
Cependant, des fractures sont rapidement apparues au fur et à mesure que les réalités des manœuvres terrestres à Gaza devenaient évidentes. Les désaccords ont refait surface, principalement sur la question de savoir si la “victoire totale” à Gaza est plus importante que la libération des otages.
Gallant, Halevy, le chef du Shin Bet et le chef du Mossad ont tous estimé que la vie des otages doit être prioritaire, même si cela implique de suspendre les actions militaires. Ces trois derniers seraient aujourd'hui dans le collimateur de Netanyahu qui envisage de les démettre de leurs fonctions.
L'échec des services de renseignement
Enfin, il y a eu l'enquête sur les échecs du 7 octobre, avec des appels en faveur d'une enquête judiciaire indépendante pour déterminer les responsabilités dans cette défaillance majeure de la sécurité. Netanyahu s'y est fermement opposé, sachant qu'une telle enquête pourrait mettre en péril sa propre position au sommet de l'État.
L'ampleur de l'échec du 7 octobre a été monumentale et les dirigeants politiques, militaires et sécuritaires d'Israël ont fait l'objet d'un examen minutieux. Ce n'est un secret pour personne que Netanyahu souhaite prolonger la guerre pour sa propre survie politique, faisant en sorte que les réalisations sur le champ de bataille aient l'air de contrebalancer les événements désastreux de ce jour fatidique. Cependant, le débat sur la responsabilité s'amplifie de jour en jour et les appels à la justice se font de plus en plus pressants.
Outre ces questions cruciales, M. Netanyahu a peut-être eu en tête trois autres dossiers, qu'il a utilisés comme prétextes pour justifier le licenciement de M. Gallant :
Tout d'abord, il y a eu les fuites de documents de sécurité sensibles concernant Gaza, connus sous le nom de “dossiers Sinwar”, qui impliquent le Shin Bet. Bien que ces dossiers relèvent de la compétence de Ronen Bar, les principaux soupçons portent sur des proches de Netanyahu. Le renvoi de M. Gallant pourrait également avoir servi de message pour contenir M. Bar, comme l'ont suggéré certains commentateurs israéliens.
Deuxièmement, l'immense échec autour de l'opération Al-Aqsa Flood a de nouveau placé le chef d'état-major Halevy sous les feux de la rampe pour négligence présumée.
Enfin, le chef du Mossad, David Barnea, chargé des négociations, pourrait lui aussi se retrouver dans le collimateur de Netanyahu. Des spéculations vont bon train sur la volonté de Netanyahu de faire de Barnea un bouc émissaire, dans un contexte de changements à Washington, avec l'entrée en fonction de Donald Trump d'ici deux mois.
Coup de force de Netanyahu
Malgré toutes ces tensions, Benjamin Netanyahu s'est positionné comme ministre de la Défense de facto - même si officiellement, ce rôle a été attribué au ministre des Affaires étrangères Israël Katz. Cette décision, notée par Ron Ben-Yishai dans Yedioth Ahronoth, montre l'intention de Netanyahu de consolider son pouvoir tout en mettant à l'écart tous ceux qui s'opposent à lui.
Le limogeage de Gallant a eu des retombées à la fois locales et internationales. Au niveau local, Netanyahu a réuni ses opposants dans ce qui semble être une opportunité calculée. Il a été vu pour la première fois en compagnie de M. Gantz, qui a condamné le renvoi de M. Gallant pour des raisons politiques, et de M. Yair Lapid, le chef de l'opposition, qui a qualifié cette décision de folie et a accusé M. Netanyahu de privilégier sa survie politique au détriment de la sécurité d'Israël.
Ils étaient accompagnés d'Avigdor Lieberman, leader de Yisrael Beytenu [parti politique israélien généralement classé à l'extrême droite, représentant les Israéliens d'origine russe], qui a exigé la démission de Netanyahu, et de Yair Golan, leader des Démocrates (l'alliance des Travaillistes et du Meretz), qui a appelé à des manifestations.
Sur le plan international, tous les regards sont tournés vers le 20 janvier, date de l'investiture du président américain Trump. La suite des événements pourrait redéfinir les relations entre Tel-Aviv et Washington. La question que tout le monde se pose : Benjamin Netanyahu remettra-t-il à Trump les clés du quartier général de la Défense d'Israël à Tel-Aviv, à l'instar de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël lors du dernier mandat de Trump ?
https://thecradle.co/articles/sacking-gallant-and-preparing-for-trump
Israël ressemble désormais à un panier de crabes sous la coupe d'un serpent venimeux...