👁🗨 Résistance souterraine : le rôle des tunnels dans les opérations militaires du Hezbollah
Le journal français Libération rapporte que le réseau de tunnels du Hezbollah est remarquablement sophistiqué, s'étendant sur des centaines de kilomètres et atteignant même la Syrie.
👁🗨 Résistance souterraine : le rôle des tunnels dans les opérations militaires du Hezbollah
Par Bilal Nour Al-Deen, le 4 juillet 2024
Le vaste réseau de tunnels du Hezbollah suscite de plus en plus d'attention au fur et à mesure que la guerre avec Israël se profile à l'horizon. Bien que leur valeur stratégique actuelle reste incertaine, les réseaux souterrains sont tactiquement vitaux, car ils offrent des positions fortifiées, des capacités de mouvement secrètes et de résistance aux forces ennemies.
En 2018, l'armée d'occupation israélienne a lancé l’“Operation Northern Shield” pour découvrir et détruire les tunnels du Hezbollah le long de la frontière libanaise, un réseau souterrain dont le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a expliqué par la suite qu'il avait été construit dans les années 1990 et abandonné par la suite.
Les compétences du Hezbollah en matière de construction de tunnels ont bénéficié de l'expérience des combattants palestiniens qui ont creusé des tunnels dans le sud du Liban avant l'invasion israélienne de 1982. La résistance libanaise a commencé à y avoir recours peu après avoir lancé ses propres opérations militaires contre l'État d'occupation dans les années 1990.
Un rapport publié en 2021 par le centre de recherche israélien ALMA révèle que le Hezbollah a construit de nombreux tunnels à travers le Liban, notamment dans le sud du pays, dans certaines parties de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa. Le journal français Libération précise que le réseau de tunnels du Hezbollah est remarquablement sophistiqué, s'étendant sur des centaines de kilomètres et atteignant même la Syrie.
Mais aujourd'hui, face à la menace d'une nouvelle guerre israélo-libanaise, les analystes prévoient que tout conflit futur sera surtout fortement influencé par les avancées technologiques militaires, et moins par le labyrinthe de tunnels qui a caractérisé les affrontements précédents.
Depuis 2023, le Hezbollah a fait étalage d'un armement avancé capable d'abattre des drones israéliens et de détruire ses systèmes de défense aérienne, M. Nasrallah affirmant qu'il n'a utilisé qu'une petite partie de son arsenal.
Valeur tactique contre valeur stratégique
Si M. Nasrallah met souvent en avant l'armement sophistiqué du Hezbollah, il garde le silence sur les réseaux de tunnels, ce que Tel-Aviv juge préoccupant. Cela soulève la question de savoir si ces tunnels ont encore une importance stratégique face aux progrès rapides de l'armement.
Comme l'explique Andreas Krieg, professeur adjoint au King's College de Londres, à The Cradle :
“Les tunnels construits par le Hezbollah au cours des 15 dernières années dans le sud du Liban ont une valeur tactique et opérationnelle, mais pas stratégique. En d'autres termes, alors que le système de tunnels est au cœur des préoccupations du Hamas à Gaza, le système de tunnels au Sud-Liban n'est qu'un facteur multiplicateur de résistance pour le Hezbollah, qui lui confère un avantage militaire par rapport à l'infanterie de Tsahal.”
Krieg explique qu'il existe différents types de tunnels : les tunnels de surface, utilisés pour déplacer des agents et du matériel, qui peuvent être détruits depuis les airs, et les tunnels plus profonds, renforcés de béton, qui servent de centres de commandement et d'entrepôts d'armes. Les tunnels les plus profonds, dont certains atteignent 60 mètres sous terre, sont quasi invulnérables aux frappes aériennes israéliennes, et ont été construits avec le soutien de la Corée du Nord et de l'Iran.
Il suggère que la capacité d'Israël à détruire ces tunnels dépendra de sa capacité à maintenir sa suprématie aérienne, comme en 2006. Toutefois, les progrès de la technologie des drones et des anti-drones pourraient venir lui compliquer la tâche. L'utilisation potentielle par le Hezbollah de la technologie iranienne pour abattre les drones israéliens pourrait équilibrer les compétences des deux parties en matière de renseignement.
Aujourd'hui, M. Krieg estime que la destruction des tunnels ne changera pas la donne :
“Sachant que les tunnels ne sont pas aussi cruciaux pour le Hezbollah qu'ils le sont à Gaza pour le Hamas, la destruction du système de tunnels ne posera pas le même problème au Hezbollah”.
Les multiples visages des tunnels du Hezbollah
Nicholas Blanford, un expert américain des opérations militaires du Hezbollah, explique à The Cradle que
“les tunnels sont toujours essentiels pour le Hezbollah, qu'il s'agisse de tunnels transfrontaliers ou de réseaux de tunnels et de bunkers construits dans le sud du Liban et ailleurs”.
“Ils restent une priorité stratégique”, poursuit-il. M. Blanford pense que les tunnels seront utilisés pour héberger et abriter des combattants, ainsi que pour infiltrer Israël afin d'y mener des attaques. Il suggère également que le Hezbollah pourrait reconfigurer ou étendre les tunnels pour servir différents objectifs tactiques en fonction de l'évolution des besoins.
Blanford souligne l'importance stratégique des tunnels dans l'infrastructure militaire du Hezbollah. Même avec la mise en œuvre potentielle de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui vise à servir de médiateur entre le Liban et Israël et à limiter les activités militaires du Hezbollah, en particulier au sud du fleuve Litani, les tunnels continueraient à jouer un rôle déterminant.
Ils pourraient par exemple permettre au Hezbollah de repérer des soldats ou des véhicules israéliens se dirigeant vers une position et d'attaquer immédiatement. Cela signifie que le Hezbollah est toujours déployé jusqu'à la “Ligne bleue” qui marque la frontière entre les deux pays, et qu'il peut réagir en temps réel aux mouvements israéliens.
Cela met également en lumière les pressions persistantes exercées par les États-Unis pour que le Hezbollah retire ses forces à au moins huit kilomètres de la frontière. Si cette mesure était appliquée, elle limiterait considérablement la présence et les activités militaires du Hezbollah dans la région.
Nécessaire, mais pas essentiel
Dans un entretien accordé au journal The Cradle, le journaliste militaire libanais Ali Jezzini note que l'utilité des tunnels fluctue avec la capacité du Hezbollah à perturber la puissance de feu israélienne. Pendant la guerre de 2006, les combattants du Hezbollah ont utilisé tunnels et tranchées pour résister avec acharnement aux forces israéliennes.
M. Jezzini estime que les tunnels demeureront essentiels, en particulier dans les zones désignées comme “réserves naturelles”, qui servent de forteresses souterraines et de positions défensives.
Il rappelle que ces tunnels ont constitué un obstacle majeur pour Israël lors de la guerre de 2006. Les combattants du Hezbollah à Maroun al-Ras et dans ses environs ont combattu les forces d'occupation israéliennes à partir de ces tranchées et ces galeries.
Jezzini souligne toutefois que l'importance des tunnels n'est pas uniquement liée à leur capacité à perturber les opérations des forces aériennes : les dédales souterrains resteront utiles pour des raisons indépendantes des opérations aériennes, par exemple en servant d'abris pour protéger les hommes et les équipements contre l'artillerie de l'État d'occupation.
D'une manière générale, les tunnels sont toujours aussi indispensables, d'autant que l'élément de surprise sera absent, contrairement aux opérations menées par le Hamas le 7 octobre.
En fin de compte, le rôle que joueront ces réseaux de tunnels dans tout conflit futur entre Israël et le Hezbollah reste incertain. Si leur importance stratégique est peut-être moindre qu'en 2006, ils pourraient néanmoins offrir de précieux avantages tactiques lors d'une guerre éventuelle.