đâđš Russie & Chine - Deux contre un
Les Chinois se savent les prochains à bénéficier des bons soins de l'OTAN en tant qu'ennemi numéro 1 déclaré. Si les petits génies de Biden restent dans le déni, l'escalade est une quasi certitude.
đâđš Russie & Chine - Deux contre un
Par Ray McGovern, spécial Consortium News, le 17 mai 2024
Lâaccueil de Poutine par Xi Jinping hier Ă PĂ©kin consacre une coopĂ©ration stratĂ©gique toujours plus Ă©troite, fondamentalement incomprise Ă Washington.
L'accueil extrĂȘmement chaleureux rĂ©servĂ© au prĂ©sident Vladimir Poutine par le prĂ©sident chinois Xi Jinping, hier Ă PĂ©kin, a concrĂ©tisĂ© la formidable Ă©volution de la relation stratĂ©gique entre la Russie et la Chine. C'est un bouleversement tectonique de l'Ă©quilibre des forces dans le monde.
L'entente entre la Russie et la Chine sonne également le glas de toute velléité pour les néophytes de la politique étrangÚre américaine de diviser les deux pays. La relation triangulaire est devenue une relation à deux contre un, avec de sérieuses implications, en particulier pour la guerre en Ukraine. Si les petits génies de la politique étrangÚre du président américain Joe Biden restent dans le déni, l'escalade est presque une certitude.
Dans une interview accordĂ©e Ă Xinhua avant sa visite, M. Poutine a soulignĂ© le âniveau sans prĂ©cĂ©dent du partenariat stratĂ©gique entre nos paysâ. Xi et lui se sont rencontrĂ©s plus de 40 fois en personne ou virtuellement. En juin 2018, M. Xi a dĂ©crit M. Poutine comme âun ami de longue date du peuple chinoisâ et, personnellement, comme son âmeilleur amiâ.
Pour sa part, Poutine a notĂ© jeudi que lui et Xi sont âen contact permanent pour toutes les questions urgentes relatives Ă l'ordre du jour russo-chinois et international.â Poutine est accompagnĂ© par le ministre de la DĂ©fense, Andrey Belousov, ainsi que de personnalitĂ©s expĂ©rimentĂ©es comme le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Sergey Lavrov, et d'importants chefs d'entreprise.
Des déclarations qui comptent
Xi et Poutine ont cosigné jeudi une déclaration forte, comparable à la déclaration spéciale que les deux hommes avaient publiée le 4 février 2022 à Pékin. Ils y décrivent leur relation comme
âdĂ©passant les alliances politiques et militaires de l'Ă©poque de la guerre froide. L'amitiĂ© entre les deux Ătats n'a pas de limites, aucun domaine de coopĂ©ration ne nous est interdit [...]â.
La portĂ©e de cette dĂ©claration n'a Ă©tĂ© pleinement perçue que lorsque Poutine a lancĂ© l'opĂ©ration militaire spĂ©ciale dans le Donbass, trois semaines plus tard. La rĂ©action muette de la Chine a scandalisĂ© la plupart des experts, qui avaient Ă©cartĂ© la possibilitĂ© que Xi donne Ă son âmeilleur amiâ Poutine, en pratique, une dĂ©rogation Ă la politique fondamentale de non-ingĂ©rence de la Chine Ă l'Ă©tranger.
Dans les semaines qui ont suivi, les dĂ©clarations officielles chinoises ont clairement montrĂ© que les principes des TraitĂ©s de Westphalie avaient Ă©tĂ© relĂ©guĂ©s au second plan, au profit de la ânĂ©cessitĂ© pour chaque pays de dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts fondamentauxâ et de traiter chaque situation âsur la base de ses propres valeursâ.
La guerre nucléaire
La dĂ©claration de jeudi exprime des inquiĂ©tudes quant aux ârisques stratĂ©giques accrus entre puissances nuclĂ©airesâ, en rĂ©fĂ©rence aux tensions croissantes entre l'Ukraine et la Russie, soutenues par l'OTAN. Elle condamne
âl'expansion des alliances militaires et la crĂ©ation de tĂȘtes de pont militaires prĂšs des frontiĂšres d'autres puissances nuclĂ©aires, en particulier avec le dĂ©ploiement avancĂ© d'armes nuclĂ©aires et de leurs vecteurs, ainsi que d'autres matĂ©rielsâ.
Poutine a sans aucun doute informĂ© Xi de la prĂ©sence de bases de missiles amĂ©ricains en Roumanie et en Pologne, qui peuvent lancer ce que les Russes appellent des âmissiles de frappe offensifsâ avec un temps de vol infĂ©rieur Ă 10 minutes jusqu'Ă Moscou. Poutine a certainement parlĂ© Ă Xi des incohĂ©rences des dĂ©clarations amĂ©ricaines concernant les missiles nuclĂ©aires Ă portĂ©e intermĂ©diaire.
Par exemple, Xi sait - tout autant que les consommateurs de mĂ©dias occidentaux - que lors d'une conversation tĂ©lĂ©phonique le 30 dĂ©cembre 2021, Biden a assurĂ© Ă Poutine que âWashington n'avait pas l'intention de dĂ©ployer d'armes de frappe offensives en Ukraineâ.
Le Kremlin s'est rĂ©joui en cette veille de Nouvel An, car la promesse de M. Biden Ă©tait le premier signe que Washington pouvait reconnaĂźtre les prĂ©occupations de la Russie en matiĂšre de sĂ©curitĂ©. En effet, M. Biden a abordĂ© cette question clĂ© dans au moins cinq des huit articles du projet de traitĂ© russe remis aux Ătats-Unis le 17 dĂ©cembre 2021. La joie russe a toutefois Ă©tĂ© de courte durĂ©e.
Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, M. Lavrov, a rĂ©vĂ©lĂ© le mois dernier que lorsqu'il a rencontrĂ© Antony Blinken Ă GenĂšve en janvier 2022, le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain a prĂ©tendu qu'il n'avait pas entendu parler de l'engagement de M. Biden envers M. Poutine le 30 dĂ©cembre 2021. Au contraire, M. Blinken a insistĂ© sur le fait que les missiles amĂ©ricains de moyenne portĂ©e pourraient ĂȘtre dĂ©ployĂ©s en Ukraine, et que les Ătats-Unis seraient peut-ĂȘtre disposĂ©s Ă en limiter le nombre, a dĂ©clarĂ© M. Lavrov.
Le pire des mauvais calculs
Lorsque Biden a pris ses fonctions en 2021, ses conseillers lui ont assuré qu'il pourrait jouer sur la peur (sic) que ressent la Russie à l'égard de la Chine et semer la discorde entre les deux pays. L'embarras devint manifeste lorsque Biden fit part de ce qu'il avait dit à Poutine lors de leur sommet de GenÚve, le 16 juin 2021.
Cette rencontre a confirmé à Poutine que Joe Biden et ses conseillers étaient coincés dans une évaluation terriblement dépassée des relations entre la Russie et la Chine.
Voici la façon étrange dont Biden a décrit son approche de la Chine avec Poutine :
âJe ne citerai pas [Poutine] - ce qui ne me semble pas appropriĂ© - mais permettez-moi de poser une question rhĂ©torique : Vous avez une frontiĂšre de plusieurs milliers de kilomĂštres avec la Chine. Et la Chine cherche Ă devenir l'Ă©conomie la plus puissante et l'armĂ©e la plus importante et la plus redoutable du mondeâ.
Le âcoup de pressionâ
Ă l'aĂ©roport, aprĂšs le sommet, les assistants de Joe Biden ont fait de leur mieux pour le pousser dans l'avion, mais n'ont pas rĂ©ussi Ă l'empĂȘcher de partager sa sagesse sur la Chine :
âLa Russie se trouve actuellement dans une situation trĂšs, trĂšs difficile. Elle est sous pression avec la Chineâ.
AprĂšs ces remarques, Poutine et Xi ont passĂ© le reste de l'annĂ©e 2021 Ă essayer de dĂ©tromper Biden sur la âpression chinoiseâ prĂ©tendument exercĂ©e sur la Russie : il ne s'agissait pas de pressions, mais bel et bien de relations fraternelles. Cette dĂ©marche mutuelle a abouti Ă un sommet virtuel Xi-Poutine le 15 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e.
La vidéo de la premiÚre minute de leur conversation a été reprise par le New York Times, et par d'autres. Pourtant, la plupart des commentateurs ont semblé ne pas en saisir l'importance :
Poutine :
âCher ami, cher prĂ©sident Xi Jinping.
En fĂ©vrier prochain, j'espĂšre que nous pourrons enfin nous rĂ©unir en personne Ă PĂ©kin, comme convenu. Nous pourrons Ă©changer nos points de vue et participer Ă la cĂ©rĂ©monie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver. Je vous remercie de m'avoir invitĂ© Ă assister Ă cet Ă©vĂ©nement historique.â
Xi :
âCher prĂ©sident Poutine, mon ami de toujours. J'ai le plaisir de vous rencontrer en fin de cette annĂ©e par vidĂ©oconfĂ©rence, pour la deuxiĂšme fois cette annĂ©e, notre 37e rencontre depuis 2013. Vous avez saluĂ© [...] les relations sino-russes en tant que modĂšle de collaboration internationale au XXIe siĂšcle, en soutenant fermement la position de la Chine sur la prĂ©servation de ses intĂ©rĂȘts fondamentaux, en vous opposant fermement aux tentatives de diviser nos deux pays. Je l'apprĂ©cie grandementâ.
M. Biden n'est-il toujours pas au courant ? Ses conseillers lui ont-ils dit que la Russie et la Chine n'ont jamais été aussi proches, avec ce qui s'apparente à une alliance militaire quasi totale ?
Les Ă©lections
Poutine a dĂ©clarĂ© qu'il Ă©tait bien conscient que la politique de Washington Ă l'Ă©gard de la Russie âest principalement influencĂ©e par la politique intĂ©rieureâ. La Russie et la Chine comprennent trĂšs bien que la politique de M. Biden Ă l'Ă©gard de l'Ukraine va dĂ©pendre de l'impĂ©ratif politique d'ĂȘtre perçu comme un adversaire de la Russie.
Si les tĂȘtes brĂ»lĂ©es des pays de l'OTAN envoient des âformateursâ en Ukraine, la perspective d'un affrontement militaire reste d'actualitĂ©. Ce que Biden doit savoir, c'est qu'en cas d'hostilitĂ©s dĂ©clarĂ©es entre la Russie et l'Occident, il risque d'ĂȘtre confrontĂ© Ă plus quâun simple cliquetis de sabre en mer de Chine mĂ©ridionale - plutĂŽt au spectre d'une guerre sur deux fronts.
Les Chinois savent qu'ils seront les prochains à bénéficier des bons soins de l'OTAN/Est. Ce n'est d'ailleurs un secret pour personne que le Pentagone considÚre la Chine comme l'ennemi numéro 1. Selon la stratégie de sécurité nationale du ministÚre de la Défense,
âles prioritĂ©s de la DĂ©fense consistent d'abord Ă dĂ©fendre la patrie, face Ă la menace multidisciplinaire grandissante que reprĂ©sente la RĂ©publique populaire de Chineâ.
Le Pentagone sera le dernier à entonner un requiem pour le précieux monde unipolaire disparu. Que la raison l'emporte.
* Les relations sino-soviétiques ont été le premier champ d'action de Ray McGovern en tant qu'analyste de la C.I.A.. En 1963, les échanges commerciaux entre les deux pays s'élevaient à 220 millions de dollars. En 2023, ils se montaient à 227 milliards de dollars. Faites le calcul.
https://consortiumnews.com/2024/05/17/ray-mcgovern-russia-china-two-against-one/