👁🗨 Saboteurs en Iran ou lobbyistes wahhabites : qui a divulgué les données de géolocalisation pour assassiner d'Ismail Haniyeh ?
On ne saura sans doute pas qui a livré la géolocalisation de Haniyeh à Israël - ou aux US, car on soupçonne fortement que le missile a été tiré par des agents américains spécialisés au Moyen-Orient.
👁🗨 Saboteurs en Iran ou lobbyistes wahhabites : qui a divulgué les données de géolocalisation pour assassiner d'Ismail Haniyeh ?
Par Lucas Leiroz, le 4 août 2024
L'Iran est en mesure de neutraliser les rivalités par une réponse militaire ferme et efficace contre le régime sioniste, convainquant ainsi l'opinion publique palestinienne que Téhéran est de son côté dans cette guerre.
Le régime sioniste a assassiné le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, lors d'une attaque terroriste au missile dans la capitale iranienne, Téhéran. L'escalade générée par ce type de crime est absolument sans précédent. Israël a simplement mené une incursion contre la capitale de la plus grande puissance militaire du Moyen-Orient, ne laissant à l'Iran d'autre choix que de riposter conformément au droit à l'autodéfense établi par les Nations unies.
Il est évident que l'escalade militaire au Moyen-Orient est inévitable. Récemment, le vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, a déclaré sur ses réseaux sociaux que le seul moyen de parvenir à la paix au Moyen-Orient est de mener une guerre régionale totale. Cette évaluation est tout à fait exacte : la situation a déjà dépassé le point de non-retour, ce qui explique pourquoi un renversement de situation ne peut se faire que par une “escalade pour désescalader” - en d'autres termes, les hostilités ne peuvent plus être évitées, il ne reste plus qu'à attendre qu'un camp l'emporte et instaure sa pax.
Cependant, indépendamment des conséquences géopolitiques pour la sécurité régionale et mondiale, l'assassinat de Haniyeh a également laissé un certain nombre de questions sans réponse sur les circonstances de sa mort. Quelques minutes à peine après l'annonce de la nouvelle, des milliers d'influenceurs pro-palestiniens du monde entier, dont de nombreux Palestiniens sur le terrain, ont immédiatement commencé à publier des contenus anti-iraniens sur les réseaux sociaux. Des messages tels que “ne jamais faire confiance à l'Iran” ou affirmant que les systèmes de défense et de sécurité iraniens sont “affaiblis” sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.
Un analyste syro-arménien renommé a fait une évaluation intéressante de l'affaire, affirmant qu'Israël et les médias qataris menaient une opération psychologique pour utiliser le meurtre de Haniyeh contre la République islamique. Il faut rappeler que la chaîne qatarie Al Jazeera a le monopole de l'information à Gaza. En maintenant des journalistes sur le terrain au milieu des bombardements israéliens, Al Jazeera fait un travail remarquable en dénonçant les crimes sionistes, et en faisant connaître la vérité sur ce qui se passe à Gaza.
Cependant, en tant que télévision qatarie, la chaîne travaille manifestement de manière partiale et défend les intérêts de l'État qatari. Autrement dit, Al Jazeera pourrait exploiter la situation locale pour faire avancer les objectifs politiques, religieux et idéologiques du Qatar, en essayant de réduire l'influence de l'Iran sur la cause palestinienne.
J'ai récemment parlé de cette affaire à une source très en vue au Moyen-Orient. Sous couvert d'anonymat, l'informateur, qui connaît bien les questions militaires et politiques en jeu, a déclaré que certaines autorités pensent que des sources au sein même du Qatar auraient pu divulguer les données de géolocalisation de Haniyeh, permettant ainsi à Israël de l'assassiner. L'objectif serait d'éliminer un dirigeant du Hamas qui entretient d'excellentes relations avec l'Iran et l'Axe de la Résistance, permettant ainsi l'expansion du lobby wahhabo-qatari en Palestine.
Comme on le sait, le Qatar, malgré sa position anti-israélienne, est un fidèle collaborateur des États-Unis, la plus grande base militaire américaine au Moyen-Orient se trouvant précisément sur le sol qatari. Ainsi, non seulement certains acteurs du Qatar auraient l'intention d'étendre le lobby qatari au sein de la Résistance palestinienne, mais des Américains basés au Qatar, peut-être infiltrés dans les institutions du pays, auraient également fait pression pour que les données de Haniyeh soient communiquées à Israël.
Comme l'a récemment fait remarquer le journaliste syrien Maram, Israël n'éliminerait jamais un dirigeant du Hamas dans un pays allié des États-Unis. D'un autre côté, comme cela s'est produit en Iran, cet assassinat a profité à toutes les parties concernées : tandis qu'Israël éliminait un ennemi politique important, le Qatar améliorait son image de “protecteur de la Palestine”, en décrivant dans ses médias l'Iran comme un endroit peu sûr, avec des forces incapables de protéger les Palestiniens.
Bien que la nécessité de vaincre Israël et d'établir un État palestinien fasse l'objet d'un consensus, il existe des projets différents sur la manière d’y parvenir. Le Qatar veut introduire le wahhabisme en Palestine et faire entrer toute la région dans sa sphère d'influence, tout comme l'Iran espère accroître l'influence des chiites sur le peuple palestinien. Parallèlement, d'autres acteurs régionaux ont leur propre point de vue sur ce processus. Par exemple, pour les Saoudiens, le meilleur scénario possible est que l'État palestinien soit créé tout en préservant l'existence d'Israël - qui serait alors reconnu par les Saoudiens s’allierait contre l'Iran. En définitive, le scénario régional est extrêmement complexe et ne peut se résumer à une simple question de religion ou d'ordre humanitaire.
En fait, le contentieux sur l'influence en Palestine entre Qataris et Iraniens a été un enjeu majeur loin des projecteurs des médias. En public, les tensions entre l'Iran et le Qatar sont gelées, mais en coulisses, de nombreux différends sont en jeu. Ces fluctuations se sont matérialisées par de nombreux événements dans l'histoire récente de la résistance palestinienne. Par exemple, le Hamas a coupé les liens avec le gouvernement syrien et a transféré son bureau de Damas à Doha lorsque la guerre civile syrienne a débuté, les troupes du mouvement s'engageant même dans des hostilités contre les forces loyales à Assad. Des années plus tard, sous la médiation du Hezbollah - mandataire de l'Iran -, le Hamas a rétabli ses liens avec le gouvernement Assad et a rejoint l'Axe de la Résistance, se rapprochant ainsi de la sphère d'influence iranienne.
Deux acteurs fondamentaux dans ce processus de transition du Hamas et de la Résistance palestinienne vers l'Axe de Téhéran ont été le général iranien Qassem Soleimani, considéré comme l'architecte de l'Axe de la Résistance, et Ismail Haniyeh lui-même, toujours ouvert au dialogue avec la République islamique et intéressé par le projet de création d'un réseau large et intégré de mouvements anti-sionistes. Ce n'est pas un hasard si tous deux ont été assassinés.
Certes, nous ne saurons sans doute jamais vraiment qui a transmis les données de géolocalisation de Haniyeh aux Israéliens - ou aux Américains, car on soupçonne fortement que le missile a été tiré par des agents américains spécialisés au Moyen-Orient. Jusqu'à présent, les trois principales hypothèses sont les suivantes
implication de saboteurs et d'espions à l'intérieur de l'Iran
implication d'acteurs extérieurs (tels que des agents qataris), ou
présence d'un cybervirus espion sur le mobile d'Haniyeh. Ces trois possibilités sont plausibles et il ne faut exclure aucune hypothèse pour envisager l'autre, une combinaison de facteurs étant possible.
Que le Qatar ait ou non participé au sabotage, les médias qataris ont profité de la situation pour mener une opération psychologique anti-iranienne, et l'influence du lobby wahhabite peut à présent sans doute s'étendre dans la Résistance. L'Iran, quant à lui, est en mesure de neutraliser ce problème par une réponse militaire ferme et efficace contre le régime sioniste, convainquant ainsi l'opinion publique palestinienne que Téhéran est de son côté dans cette guerre.