👁🗨 Sarafand al-Kharab, ou comment le Royaume-Uni a pavé la voie aux massacres en Palestine
Les massacres sont l'un des outils et méthodes mis en œuvre par le génocide colonial, agin de démanteler le tissu social des peuples colonisés.
👁🗨 Sarafand al-Kharab, ou comment le Royaume-Uni a pavé la voie aux massacres en Palestine
Par Lama Ghosha, Source : Al Mayadeen Net, le 28 mars 2024 à 13:02
Les massacres sont l'un des outils et des méthodes mis en œuvre par le génocide colonial, agin de démanteler le tissu social des peuples colonisés. En quoi le massacre de Sarafand al-Kharab [ville du Liban dans le district de Saida, dans la Mohafazah du Liban-Sud] a-t-il ouvert la voie à la Nakba en Palestine ? Et quel est le lien avec le massacre à Gaza ?
Entre les massacres de Sarafand al-Kharab (Sarafand, ville du Liban dans le district de Saida, au sud du Liban, ville aujourd’hui en ruine) en 1918, Deir Yassin en 1948, Kafr Qasim en 1956, et Gaza depuis octobre 2023, on découvre le déroulement et les méthodes du génocide colonial sioniste, qui partagent tous le même principe de base : le démantèlement du tissu social du peuple palestinien à travers la perpétration de massacres.
Ce qui se passe aujourd'hui dans la bande de Gaza, depuis l'opération “Al-Aqsa Flood”, est un massacre sioniste alimenté par la vengeance, qui s'est ensuite mué en un massacre délibéré avec un objectif politique consistant à mettre la guerre au service du démantèlement de la présence collective du peuple palestinien. Ainsi, les Palestiniens vivant actuellement à Jérusalem occupée ou en Cisjordanie ne sont pas censés être en mesure de résister à une situation aussi grave et dangereuse que celle qui prévaut à Gaza, et c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui.
Les massacres à petite échelle, comme les massacres israéliens de Sarafand al-Kharab, Deir Yassin, Tantura et d'autres, ont pour but de briser la vie communautaire de telle ou telle ville, et les exemples de ce type se sont accumulés au fil du temps, pour aboutir au massacre au grand jour (et à grande échelle) auquel nous assistons aujourd'hui à Gaza . Ce génocide vise l'ensemble du peuple palestinien, où qu'il se trouve, perturbant son mode de vie et creusant un abîme entre la vie qu'il menait auparavant, et celle qui suivra.
C'est ce qui a incité le chercheur palestinien Khaled Odetallah à comparer le massacre de Sarafand al-Kharab en 1918 avec le massacre de Gaza, en cours depuis le 8 octobre 2023, car, selon lui,
“revenir en arrière et interroger l’histoire est toujours, d'abord et avant tout, un acte qui nourrit la conscience politique”.
Sur cette base, Odetallah a étudié le massacre commis par les forces coloniales britanniques le 10 décembre 1918, lorsqu'elles ont attaqué la ville de Sarafand al-Kharab, à l'ouest d'al-Ramla, brûlant les maisons des habitants et les assassinant. Le massacre a fait des dizaines de victimes, la ville a été totalement détruite et les personnes encore en vie ont été déplacées de force. Odetallah a basé son étude sur un certain nombre de sources principales, notamment la mémoire collective palestinienne et les archives britannico-sionistes, sans oublier les correspondances et les photographies aériennes.
Hajj Hassan Oueini, né en 1928, originaire de Sarafand al-Kharab, raconte :
“Cette ville s'étendait sur de vastes étendues de terre. En 1882, les Turcs ont donné aux Juifs une partie de ces terres, sur lesquelles ils ont construit la colonie de ‘Rishon LeTsiyon’, ou Uyun Qara en arabe, à 3 km au nord de Sarafand al-Kharab. Au sud du village, ils construisent en même temps la colonie de ‘Nezz Ziona’, suivie de la colonie de ‘Be'er Ya'akov’ à environ 2 km à l'est, dénommée à l'époque al-Jiftlik, ce qui signifie ‘pour le sultan’”.
Que s'est-il passé à Sarafand al-Kharab ?
L'un des premiers habitants de la ville, Jabr Salim Mohammad, a raconté au chercheur palestinien Akram Zuaiter, en 1932, comment l'autorité martiale britannique a mené un raid dans la ville de Sarafand al-Jadida (New Sarafand) à l'époque.
Il raconte la présence d'un camp militaire britannique autour de la ville, en plus de trois campements juifs, où les Juifs britanniques allaient s'enivrer. Ces soldats rentraient au camp en traversant la ville, ivres, obligeant les habitants à se défendre et à défendre leurs familles en accrochant des cloches dans les magasins de la communauté, pour les faire sonner à chaque fois qu'un soldat entrait dans la ville.
Souvent, des bagarres et des échauffourées éclataient entre les habitants et les soldats ivres, qui finissaient par être chassés de la ville. Un jour, cependant, le gouvernement d'occupation britannique prétendit qu'un soldat avait été retrouvé assassiné et qu'il avait été tué à Sarafand al-Kharab. Selon Jabr Salim Mohammad, les habitants de la ville n'avaient rien à voir avec ce meurtre. Après quoi, un contingent de l'armée britannique a pris d'assaut la ville en plein jour, confisquant les couteaux, les matraques en bois et tout ce qui pouvait être utilisé à des fins d'autodéfense, laissant les habitants de la ville sans moyens de protection.
Cette nuit-là, les soldats ont ratissé la ville. Les cloches ont sonné, incitant les habitants à se rassembler et à défendre leur commune, même s'ils n'étaient pas armés. Ils ont caché les femmes et les enfants dans un vieux bâtiment connu des seuls habitants de la ville. Les hommes affrontèrent les soldats, certains survécurent, d'autres furent arrêtés, et les autres furent tués avant que l'armée britannique ne mette le feu à toute la ville.
Au matin, l'armée s'est retirée, laissant derrière elle des ruines incendiées, les hommes gisant morts sur les routes, et les autres n'ayant plus rien, puisqu'il ne restait à peine du pain à manger. Certains sont morts après de longues souffrances, d'autres sont restés infirmes à vie.
Le massacre de Sarafand al-Kharab et le rôle de Gaza
En fouillant les ruines de ce qui subsiste aujourd'hui du massacre de Sarafand al-Kharab, Odetallah s'est rendu compte que toute trace de ce massacre avait été effacée. Même la fosse commune où les habitants de la ville ont été enterrés a été transformée en parc, alors que les tombes des soldats britanniques sont restées intactes, et se trouvent toujours en Palestine, y compris la tombe du soldat dont le meurtre fut à l'origine du massacre, selon l'histoire coloniale.
Mais le plus important, selon Odetallah, est que
“le massacre n'aurait pas eu lieu si Gaza n'avait pas été soumise et prise d'assaut par l'armée britannique, qui a utilisé pour la première fois des armes chimiques contre elle, chassant les forces ottomanes, aidées par ce que l'on appelait le “Bureau juif”, qui fournissait cartes et informations aux Britanniques”.
Odetallah souligne le rôle joué par Gaza dans le passé, le présent de la Palestine, et ses perspectives d'avenir. Elle s'est toujours opposée à l'envahisseur et son projet de faire disparaître l'ensemble de la Palestine occupée. En témoigne la résistance toujours vivace contre l'armée la plus brutale du monde moderne depuis plus de cinq mois.