đâđ¨ Scott Ritter : âAvant l'Ukraine, et aprèsâ.
Quand l'Europe rÊalisera-t-elle que l'OTAN est un faux prophète, que l'argent investi dans l'OTAN est de l'argent gaspillÊ, et qu'au lieu de poursuivre la guerre, elle devrait poursuivre la paix ?
đâđ¨ âAvant l'Ukraine, et aprèsâ.
Le point de vue de Scott Ritter.
Quand l'Europe rÊalisera-t-elle que l'OTAN est un faux prophète, que l'argent investi dans l'OTAN est de l'argent gaspillÊ, qu'au lieu de poursuivre la guerre, elle devrait poursuivre la paix ?
Scott Ritter, un ancien officier de renseignement des Marines qui s'est distinguĂŠ en tant qu'inspecteur en dĂŠsarmement, nous semble ĂŞtre l'un des analystes les plus pertinents pour analyser la guerre par procuration menĂŠe par les Ătats-Unis en Ukraine du point de vue de l'homme qui a un jour portĂŠ l'uniforme. Nous avons rĂŠcemment rencontrĂŠ M. Ritter Ă âMut zur Ethikâ, un forum organisĂŠ deux fois par an dans les environs de Zurich, et nous avons ĂŠtĂŠ sĂŠduits par sa vision de la guerre, et de sa signification plus large. Nous sommes heureux d'accueillir Ritter dans nos pages (et nous prĂŠvoyons de publier prochainement un entretien rĂŠalisĂŠ lors de notre sĂŠjour en Suisse). Nous reproduisons ici l'un des discours prononcĂŠs par Ritter, parmi plusieurs autres, lors de la rencontre Mut zur Ethik qui s'est tenue du 1er au 3 septembre.
-P. L. et C. M.
Scott Ritter
1er septembre - C'est un honneur et un privilège d'ĂŞtre ici et de pouvoir mâadresser Ă vous. J'aimerais que nous puissions ĂŠvoquer des sujets plus agrĂŠables. J'aimerais pouvoir parler d'aller de l'avant avec la conviction que le monde progresserait avec nous, mais nous vivons une ĂŠpoque difficile.
Aujourd'hui, on m'a demandĂŠ de parler de âgĂŠopolitique mondiale dans le contexte du conflit ukrainienâ. Je pense que lorsque les historiens se pencheront sur les ĂŠvĂŠnements qui se dĂŠroulent aujourd'hui, ils parleront de âBUâ et âAUâ de la mĂŞme manière que nous parlons de âBCâ [Avant JC : Before Christ] et âADâ [Après JC : Anno Domini]. âBUâ signifiant âAvant l'Ukraineâ [Before Ukraine], et âAUâ âAprès l'Ukraineâ. [After Ukraine] La guerre d'Ukraine, Mesdames et Messieurs, a tout changĂŠ.
Le monde actuel est fondamentalement diffĂŠrent de celui qui existait avant le dĂŠbut du conflit en Ukraine. Et quand je dis âle conflit en Ukraineâ, soyons clairs : en rĂŠalitĂŠ, le conflit en Ukraine dure depuis des dĂŠcennies. Mais le conflit dont je parle est celui qui s'est dĂŠroulĂŠ depuis la dĂŠcision de Vladimir Poutine d'envoyer les troupes russes en Ukraine le 24 fĂŠvrier 2022.
Deux fois par an, j'ai l'honneur et le privilège de conseiller un comitÊ composÊ de certaines des personnes les plus puissantes et les plus influentes au monde, et il s'agit bien sÝr de personnes qui travaillent dans l'industrie du pÊtrole et du gaz.
On m'a demandĂŠ de parler de gĂŠopolitique et, depuis plusieurs annĂŠes, j'essaie de convaincre ces dirigeants de l'industrie mondiale que le monde ĂŠvolue et qu'il faut ĂŠvoluer avec lui, sous peine d'ĂŞtre dĂŠpassĂŠs. J'ai parlĂŠ du fait que le monde ĂŠvolue d'une amĂŠricanisation unilatĂŠrale vers une multipolaritĂŠ, oĂš l'AmĂŠrique n'est plus considĂŠrĂŠe par le monde comme l'hĂŠgĂŠmonie mondiale - oĂš, au contraire, l'AmĂŠrique devra apprendre Ă participer Ă une communautĂŠ mondiale d'ĂŠgaux. Ils ont rĂŠpondu : âNon, parce que cela exigerait que l'AmĂŠrique s'ĂŠcarte de l'ordre international fondĂŠ sur des règlesâ. Il s'agit, bien entendu, de règles que les Ătats-Unis ont ĂŠlaborĂŠes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour continuer Ă se donner les moyens d'agir.
L'ordre international fondĂŠ sur des règles s'ĂŠcarte nettement des principes, par exemple, de la Charte des Nations unies, qui parle de multipolaritĂŠ, d'ĂŠgalitĂŠ mondiale et de toutes ces absurditĂŠs. Quand je dis âabsurditĂŠâ, je veux dire d'un point de vue amĂŠricain, car nous ne croyons pas Ă tout cela, nous croyons au seul pouvoir des Ătats-Unis.
Nombre de ces chefs d'entreprise sont amĂŠricains. Ils dirigent des sociĂŠtĂŠs multinationales, mais ces dernières n'enrichissent pas les multinationales. Elles enrichissent les Ătats-Unis. Par consĂŠquent, ils ont besoin d'un ordre international fondĂŠ sur des règles pour continuer Ă exister, pour maintenir le système d'enrichissement mis en place au cours des 40, 50, 60, 70, 80 dernières annĂŠes.
Par ailleurs, je leur parlĂŠ de ceux qui croient que l'AmĂŠrique peut imposer sa volontĂŠ au monde, quoi qu'il arrive; et ne s'inquiètent pas de la situation. MĂŞme si nous rencontrons un problème ĂŠconomique, nous pourrons le rĂŠsoudre en notre faveur en projetant notre puissance militaire, qui est inĂŠgalĂŠe : personne dans le monde ne peut rivaliser avec les AmĂŠricains en termes de puissance militaire. Je leur ai rĂŠpondu : âCette ĂŠpoque est ĂŠgalement rĂŠvolueâ.
Ils ne voulaient pas l'entendre. Mais j'ai ĂŠvoquĂŠ la rĂŠalitĂŠ : vingt ans de guerre sans fin dans le cadre de la soi-disant guerre mondiale contre le terrorisme ont fondamentalement bouleversĂŠ la lĂŠtalitĂŠ de l'armĂŠe amĂŠricaine. Nous n'ĂŠtions plus entraĂŽnĂŠs, armĂŠs, ĂŠquipĂŠs ou prĂŠparĂŠs pour mener une guerre terrestre en Europe ou un conflit Ă grande ĂŠchelle dans le Pacifique. Au lieu de cela, nous avions brisĂŠ notre armĂŠe en Irak, en Afghanistan, en Syrie - nous n'avions plus les compĂŠtences nĂŠcessaires. Ils n'ont pas voulu entendre cela non plus. L'AmĂŠrique a des porte-avions, l'AmĂŠrique a des brigades blindĂŠes, l'AmĂŠrique est l'AmĂŠrique et le monde ne pourra jamais vaincre l'AmĂŠrique.
Mais ça, c'ĂŠtait âavant l'Ukraineâ. Après l'Ukraine, une nouvelle rĂŠalitĂŠ s'est imposĂŠe. Avant l'Ukraine, les Ătats-Unis ont rĂŠussi Ă convaincre l'Europe que la Russie pouvait ĂŞtre sanctionnĂŠe et soumise. Je sais que nous en rions aujourd'hui, lorsque nous rĂŠflĂŠchissons Ă la nature ridicule de l'excès de confiance de ceux qui pensaient ainsi. Mais ceux qui ont la mĂŠmoire courte, c'est-Ă -dire deux ans en arrière, se souviennent qu'avant le conflit, les Ătats-Unis rĂŠpĂŠtaient sans cesse : âNous mettrons la Russie Ă genouxâ. âAvec l'Occident, nous sanctionnerons la Russie, nous briserons sa volontĂŠ. La Russie pliera. MĂŞme si la Russie entrait militairement en Ukraine, elle ne pourrait pas soutenir cette attaque parce que son ĂŠconomie s'effondrerait.â
Mesdames et Messieurs, l'ĂŠconomie russe est aujourd'hui plus forte qu'elle ne l'a jamais ĂŠtĂŠ, en grande partie grâce aux sanctions ĂŠconomiques : âAvant l'Ukraineâ, âAprès l'Ukraineâ. Mais il ne s'agit pas seulement du renforcement de l'ĂŠconomie russe. Il s'agit de la façon dont le monde perçoit l'AmĂŠrique : la spĂŠcificitĂŠ amĂŠricaine est rĂŠvolue.
La semaine dernière, l'organisation des BRICS - cinq ânations en dĂŠveloppementâ, comme nous les appelons - s'est rĂŠunie en Afrique du Sud. La Chine est-elle une nation en dĂŠveloppement ? L'Inde est-elle une nation en dĂŠveloppement ? Ce sont des nations dĂŠveloppĂŠes. Elles n'ont pas ĂŠtĂŠ en mesure de se rĂŠunir avant l'Ukraine. Il y avait des querelles internes : l'Inde et la Chine ne s'entendaient pas, l'ĂŠconomie russe n'ĂŠtait pas très florissante. Qui connaissait le BrĂŠsil ? Le continent africain ĂŠtait-il prĂŞt pour le dĂŠveloppement ? VoilĂ les questions qui ont ĂŠtĂŠ soulevĂŠes. On n'en parle plus. Avant la semaine dernière, les BRICS ĂŠtaient un concept prometteur. Aujourd'hui, les BRICS sont une rĂŠalitĂŠ qui a changĂŠ le monde. Remarquez que je n'ai pas dit âchangerâ le monde. J'ai dit âchangĂŠâ le monde.
Laissez-moi vous dire ce qui s'est passĂŠ lorsque les BRICS se sont rassemblĂŠs et se sont dĂŠveloppĂŠs. L'AmĂŠrique est passĂŠe de la première Ă la deuxième place. L'ĂŠpoque de lâhĂŠgĂŠmonie amĂŠricaine est rĂŠvolue. C'est du passĂŠ, c'est fait, c'est fini, c'est rĂŠvolu. Nous ne l'avons peut-ĂŞtre pas encore rĂŠalisĂŠ. Les AmĂŠricains peuvent toujours croire qu'ils sont les premiers, mais ce n'est plus le cas. Nous avons ĂŠtĂŠ court-circuitĂŠs par les BRICS. Vous direz : âAttendez une minute, Scott, il s'agit de plusieurs nations.â Selon vous, que signifie la multipolaritĂŠ, Mesdames et Messieurs ? Cela signifie que de nombreuses nations travaillent ensemble. Et la multipolaritĂŠ n'est plus une thĂŠorie : c'est une rĂŠalitĂŠ.
La rÊalitÊ des BRICS est telle que l'AmÊrique est passÊe numÊro deux. Et elle le restera à jamais parce qu'elle n'aura pas la puissance Êconomique nÊcessaire pour surpasser l'organisation multipolaire connue sous le nom de BRICS, qui se dÊveloppe en ce moment même. Il est intÊressant de noter que nous avons essayÊ d'Êcarter la Russie de l'ordre du jour des BRICS. Nous avons essayÊ d'empêcher Vladimir Poutine de participer à cette rÊunion. Il y a assistÊ par procuration avec son ministre des affaires Êtrangères, [Sergei] Lavrov. Il a assistÊ à la rÊunion par liaison vidÊo. Il a dominÊ les dÊbats, Mesdames et Messieurs. La Russie prÊsidera les BRICS à partir de janvier 2024. Lorsque les BRICS passeront de cinq à six membres, Vladimir Poutine sera à la tête des BRICS. Et lorsque les BRICS se rÊuniront à nouveau l'ÊtÊ prochain et qu'ils parleront d'accueillir dix nations, Vladimir Poutine sera à la tête des BRICS.
Tout cela s'est retournÊ contre nous. Tout ce que nous entreprenons se retourne contre nous. Et pas uniquement sur le plan Êconomique. Sur le plan militaire : antÊ-Ukraine, avant l'Ukraine, BU - j'essaie d'introduire ce concept dans l'esprit des gens - avant l'Ukraine, les gens craignaient l'armÊe amÊricaine. à juste titre. Nous partions souvent en guerre. Ce que nous entreprenions est synonyme de mort. En Europe, l'OTAN Êtait convaincue d'être une alliance militaire puissante. L'OTAN pensait que lorsqu'elle faisait jouer ses muscles, les gens l'Êcoutaient - avant l'Ukraine. Après l'Ukraine, l'OTAN s'est rÊvÊlÊe être un tigre de papier. Un tigre de papier.
L'OTAN n'a aucune capacitÊ militaire. L'OTAN n'a pas la capacitÊ de projeter une puissance militaire significative au-delà des frontières de l'Europe. L'OTAN ne peut pas mener une guerre comme celle qui se dÊroule aujourd'hui en Ukraine. Ne me croyez pas, croyez plutôt le gÊnÊral Christopher Cavoli, gÊnÊral amÊricain quatre Êtoiles, commandant des forces amÊricaines, commandant suprême des forces alliÊes. Il a dÊclarÊ lors d'un forum suÊdois sur la dÊfense en janvier dernier (2022), que l'OTAN ne pouvait pas imaginer la portÊe et l'ampleur de la violence qui a lieu en Ukraine aujourd'hui. Pensez-y.
Que font les militaires ? Ils prĂŠparent l'avenir. Nous prĂŠparons l'avenir sur la base de ce que nous imaginons. Nous imaginons quelque chose, nous crĂŠons des moyens pour rĂŠpondre Ă ce que nous imaginons. Si nous n'avons pas anticipĂŠ la portĂŠe et l'ampleur des violences qui ont lieu en Ukraine aujourd'hui, cela signifie que nous ne sommes pas prĂŞts Ă y faire face. Nous ne nous sommes pas entraĂŽnĂŠs, nous ne nous sommes pas ĂŠquipĂŠs, nous ne nous sommes pas organisĂŠs. Nous ne pouvons pas la combattre. Et c'est un fait.
Une contre-offensive est actuellement en cours en Ukraine. L'armĂŠe ukrainienne dispose de trois brigades qui tentent de prendre la ville, le village de Robotyne. Trois brigades. Cela reprĂŠsente 15 000 hommes. Imaginez que l'OTAN engage trois brigades en ce moment mĂŞme. Ils ne peuvent pas. L'OTAN ne peut pas mettre trois brigades sur le terrain. Mais imaginez qu'ils le fassent : ils ont attaquĂŠ le village, ils ont ĂŠtĂŠ repoussĂŠs par les Russes. Trois brigades sont donc retirĂŠes et trois autres entrent en jeu, dans le cadre d'un passage de lignes complexe. L'OTAN n'a jamais procĂŠdĂŠ Ă un passage de lignes Ă six brigades. Et l'Ukraine le fait sous le feu de l'ennemi. Ils ĂŠchouent, mais ils le font. (Note de la rĂŠdaction : depuis le 8 septembre, Moscou a reconnu avoir retirĂŠ ses forces de Robotyne).
Cette guerre qui se dĂŠroule actuellement Ă Zaporizhzhia, Ă Kherson, Ă Luhansk, Ă Donetsk, est une guerre que l'OTAN ne peut pas combattre. Et le monde entier le sait dĂŠsormais. L'OTAN est un tigre de papier. Le monde sait que c'est un tigre de papier. Ils savent que les Ătats-Unis ne peuvent pas rĂŠpondre Ă leur volontĂŠ dĂŠclarĂŠe de renforcer l'Europe de manière appropriĂŠe. L'Ukraine a perdu 400 000 hommes au combat, dont 40 000 Ă 50 000 au cours des dernières semaines. Il a fallu dix ans Ă l'AmĂŠrique pour perdre 58 000 hommes au ViĂŞt Nam, et cela nous a brisĂŠ les reins. Pouvez-vous imaginer une situation oĂš l'on demanderait Ă l'armĂŠe amĂŠricaine de sacrifier 40 000 hommes en deux semaines ? Pouvez-vous imaginer une situation oĂš l'on demanderait Ă n'importe quelle armĂŠe europĂŠenne de sacrifier 40 000 hommes en deux semaines ? Le fait est que nous ne pouvons pas gagner une guerre aujourd'hui : nous ne pouvons pas gagner de guerre aujourd'hui en Europe. Nous ne sommes plus les premiers. Nous ne sommes plus le numĂŠro deux. Nous pourrions bien ĂŞtre le numĂŠro trois.
C'est une rĂŠalitĂŠ. Ce n'est pas seulement en Europe que nous ne pouvons pas l'emporter. C'est aussi le cas dans le Pacifique. Si vous ne me croyez pas, croyez le lieutenant-gĂŠnĂŠral Samuel Clinton Hinote. Il ĂŠtait le chef d'ĂŠtat-major adjoint de l'armĂŠe de l'air amĂŠricaine. Il vient de prendre sa retraite. Son travail consistait Ă ĂŠlaborer des stratĂŠgies. Et ce qu'il a fait ces quatre dernières annĂŠes, c'est simuler tous les scĂŠnarios possibles de conflit entre les Ătats-Unis et la Chine dans le Pacifique. RĂŠcemment, avant de prendre sa retraite, il s'est rendu au Pentagone et Ă la Maison Blanche, et a dĂŠclarĂŠ ce qui suit : ArrĂŞtez et renoncez Ă vos politiques qui nous poussent Ă une confrontation militaire potentielle avec la Chine. Car en cas de combat physique entre les Ătats-Unis et la Chine, il n'y a pas de scĂŠnario gagnant pour nous, nous perdons Ă tous les coups. Nous perdons Ă chaque fois. Et il n'y a rien que nous puissions faire dans l'avenir immĂŠdiat pour changer ce rĂŠsultat. Nous devons modifier notre façon d'interagir avec la Chine.
C'est pourquoi Tony Blinken s'est rendu en Chine en juillet. Vous vous souvenez de ce voyage ? Il est allĂŠ - il a dĂť passer devant trente fonctionnaires chinois avant d'arriver Ă Xi Jinping - pour une leçon d'humilitĂŠ de trente minutes. La raison pour laquelle il a dĂť se rendre lĂ -bas est que les Ătats-Unis devaient marquer une pause dans leur politique Ă l'ĂŠgard de la Chine : il fallait stopper la voie de la confrontation. Nous venions de vivre une situation dans le dĂŠtroit de TaĂŻwan oĂš un navire amĂŠricain a failli ĂŞtre ĂŠperonnĂŠ par un navire chinois. Le Pentagone s'est alors dit : âS'ils nous touchent, qu'est-ce qu'on fait ? On les coule ?â Et c'est lĂ que les scĂŠnarios commencent : si nous les coulons, ils ripostent, nous ripostons, comment cela va-t-il se terminer ? Eh bien, le gĂŠnĂŠral Samuel Clinton Hinote a dit qu'il n'y a qu'une seule issue Ă chaque fois : l'AmĂŠrique perdra.
Telle est la rĂŠalitĂŠ aujourd'hui. Nous perdons parce que nous n'avons pas la capacitĂŠ nĂŠcessaire. Mais avant l'Ukraine, personne ne comprenait cela. Personne n'y croyait. Tout le monde croyait que l'AmĂŠrique ĂŠtait la puissance militaire suprĂŞme dans le monde. Aujourd'hui, les oeillères sont tombĂŠes. Sur le plan ĂŠconomique, nous sommes le numĂŠro deux. Peut-ĂŞtre pourrons-nous conserver cette position, peut-ĂŞtre pas. Sur le plan militaire, nous sommes le numĂŠro trois. Et qui sait oĂš nous irons avec cela. Car notre armĂŠe n'est pas un système performant. Nous avons dĂŠpensĂŠ des centaines de milliards de dollars pour un système qui ne produit rien de bĂŠnĂŠfique pour la dĂŠfense des Ătats-Unis. Sans parler de la dĂŠfense de ses alliĂŠs. Comment pouvez-vous dĂŠpenser 900 milliards de dollars par an et dire que nous ne pouvons pas nous battre et l'emporter dans une guerre terrestre en Europe contre l'armĂŠe russe qui dĂŠpense 68 milliards de dollars par an ? C'est parce que notre système est dĂŠfaillant. Mais c'est une autre question.
L'Ukraine a tout changÊ. Avant l'Ukraine, l'AmÊrique Êtait numÊro un, du moins en termes de perception. Après l'Ukraine, l'AmÊrique est numÊro à la 2è place sur le plan Êconomique, numÊro trois sur le plan militaire, et c'est une rÊalitÊ que le monde est en train de rÊaliser. Ce n'est pas Scott Ritter qui dit cela dans une communautÊ fermÊe de cadres du secteur du pÊtrole et du gaz. C'est Scott Ritter qui le dit alors que le reste du monde le reconnaÎt. La Russie le sait. La Russie ne craint plus l'armÊe amÊricaine. Ce n'est pas qu'elle veuille entrer en guerre contre l'armÊe amÊricaine, mais la Russie connaÎt ses capacitÊs. Elles ont ÊtÊ testÊes. La Chine le sait Êgalement.
Quand l'Europe s'en rendra-t-elle compte ? Quand l'Europe rÊalisera-t-elle que l'OTAN est un faux prophète ? Quand l'Europe se rendra-t-elle compte que l'argent que vous investissez dans l'OTAN est de l'argent gaspillÊ ? Quand l'Europe rÊalisera-t-elle qu'au lieu de poursuivre la guerre, elle devrait poursuivre la paix ? Il est temps que l'Europe se rÊveille. Parce que si elle ne le fait pas, si elle continue à croire au mythe de l'hÊgÊmonie amÊricaine, au mythe de la suprÊmatie amÊricaine - parce que c'est un mythe, il n'est plus rÊel, il existe dans l'esprit des politiciens amÊricains, mais il n'existe plus dans la façon dont le monde fonctionne aujourd'hui. L'Europe doit dÊcider : veut-elle devenir prisonnière d'une cage qu'elle a elle-même crÊÊe ? Car c'est prÊcisÊment ce qui est en train de se produire. Le monde contourne l'AmÊrique. Le monde poursuit sa vie collective. Et le modèle amÊricain est dans le rÊtroviseur, de plus en plus ÊloignÊ de la rÊalitÊ.
Je vous remercie de votre attention.
* Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines et auteur de Disarmament in the Time of Perestroika : Arms Control and the End of the Soviet Union (Clarity, 2023). Il a servi en Union soviĂŠtique en tant qu'inspecteur chargĂŠ de la mise en Ĺuvre du traitĂŠ FNI, a fait partie de l'ĂŠtat-major du gĂŠnĂŠral Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et, de 1991 Ă 1998, a ĂŠtĂŠ inspecteur en chef des armements pour les Nations unies en Irak. Outre ses ĂŠcrits sur la maĂŽtrise des armements et la non-prolifĂŠration, M. Ritter rĂŠdige actuellement des commentaires et des analyses sur la sĂŠcuritĂŠ internationale, les affaires militaires, la Russie et le Moyen-Orient. Son bulletin d'information Substack peut ĂŞtre consultĂŠ ici.