đâđš Scott Ritter: La Russie redoute une attaque ukrainienne Ă la " bombe sale ".
Pour l'heure, les allĂ©gations russes semblent ĂȘtre tombĂ©es dans l'oreille d'un sourd, des analystes occidentaux renversant mĂȘme la vapeur, accusant la Russie de prĂ©parer une attaque sous faux drapeau.
đâđš La Russie redoute une attaque ukrainienne Ă la âbombe sale".
đ° Par Scott Ritter, SpĂ©cial Consortium News, le 25 octobre 2022
La Russie semble ĂȘtre lĂ©gitimement prĂ©occupĂ©e par la possibilitĂ© que l'Ukraine fabrique et utilise une "bombe sale", Ă tel point qu'elle a pris l'initiative sans prĂ©cĂ©dent de contacter plusieurs hauts responsables de la dĂ©fense occidentale.
En l'espace de quelques heures dimanche, les plus hautes autoritĂ©s de dĂ©fense russes - le ministre de la DĂ©fense Sergei Shoigu et le gĂ©nĂ©ral Gennady Gerasimov - ont appelĂ© leurs homologues aux Ătats-Unis, au Royaume-Uni, en France et en Turquie, avec le mĂȘme message: l'Ukraine se prĂ©pare Ă faire exploser une "bombe sale" - un matĂ©riel radiologique enveloppĂ© d'explosifs puissants, conçu pour contaminer de vastes zones avec des isotopes radioactifs mortels.
La Russie s'inquiĂšte non seulement de l'impact immĂ©diat de l'explosion d'une telle bombe sur la population et l'environnement, mais aussi de la possibilitĂ© que les alliĂ©s occidentaux de l'Ukraine utilisent cet Ă©vĂ©nement pour intervenir militairement dans le conflit en cours, Ă l'instar de ce qui s'est passĂ© en Syrie lorsque les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont utilisĂ© des allĂ©gations d'utilisation d'un agent neurotoxique sarin par le gouvernement syrien contre des civils pour justifier une attaque contre des cibles militaires et des infrastructures syriennes. (Il s'est avĂ©rĂ© que les allĂ©gations d'utilisation de gaz sarin Ă©taient fausses; la question de l'utilisation de chlore commercial comme arme n'a toujours pas Ă©tĂ© tranchĂ©e).
La Russie doit soulever la question au Conseil de sécurité de l'ONU mardi, selon Reuters.
En retour, les gouvernements occidentaux ont accusĂ© lundi la Russie de planifier le dĂ©ploiement d'une bombe sale. "Nous avons Ă©tĂ© trĂšs clairs avec les Russes (...) sur les graves consĂ©quences qui rĂ©sulteraient de l'utilisation du nuclĂ©aire", a dĂ©clarĂ© le porte-parole du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, Ned Price. "Il y aurait des consĂ©quences pour la Russie, qu'elle utilise une bombe sale ou une bombe nuclĂ©aire".
L'Ukraine demande Ă l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique (AIEA) d'envoyer une Ă©quipe en Ukraine pour enquĂȘter.
âȘïž Une rumeur persistante
Malgré toute l'attention accordée par la presse à l'éventualité de l'utilisation d'une "bombe sale" en Ukraine, l'histoire montre que, malgré le battage médiatique, une "bombe sale" n'est pas une arme facile à produire ou à obtenir, ni une arme qui provoque le genre de pertes massives espérées par ses partisans.
La peur actuelle de la "bombe sale" ne constitue pas la premiÚre confrontation de la Russie avec ce concept. En novembre 1995, une "bombe sale" composée d'explosifs puissants et de césium a été découverte dans le parc Ismailovsky de Moscou, et en décembre 1998, une autre cache de matériaux radioactifs a été trouvée attachée à une charge explosive prÚs d'une voie ferrée en Tchétchénie. Les deux dispositifs ont été désamorcés par les forces de sécurité russes.
En mai 2002, des agents du FBI ont arrĂȘtĂ© Jose Padilla, un citoyen amĂ©ricain converti Ă l'islam, alors qu'il rentrait aux Ătats-Unis aprĂšs un voyage qui l'avait conduit en Ăgypte, au Pakistan et finalement en Afghanistan, oĂč, en 1999-2000, il aurait rencontrĂ© Abu Zubaydah, le chef des opĂ©rations d'Oussama Ben Laden. Selon Zubaydeh, Padilla et lui auraient discutĂ© de la possibilitĂ© pour Padilla de construire et de faire exploser une "bombe sale" sur le territoire amĂ©ricain.
Alors qu'Al-QaĂŻda avait apparemment Ă©laborĂ© des plans pour la fabrication d'une telle arme - et avait en fait accumulĂ© des isotopes mĂ©dicaux radioactifs destinĂ©s Ă ĂȘtre utilisĂ©s dans une "bombe sale" (ces matĂ©riaux ont Ă©tĂ© saisis par l'ONU en 2002) - aucune de ces informations n'a Ă©tĂ© communiquĂ©e Ă Padilla, qui est arrivĂ© aux Ătats-Unis sans avoir conçu l'arme ni les moyens d'accomplir la tĂąche. Il a nĂ©anmoins Ă©tĂ© jugĂ© et condamnĂ©.
C'est en 1987 que le monde est passé le plus prÚs de la production et de l'utilisation d'une véritable "bombe sale", lorsque l'Irak a construit et testé quatre dispositifs conçus pour répandre un nuage de poussiÚre radioactive dans le but explicite de tuer des humains - en l'occurrence, des soldats iraniens (l'Irak était, à l'époque, engagé dans un long et sanglant conflit avec l'Iran).
Selon les documents remis par l'Irak aux inspecteurs des Nations unies, l'engin en question - une bombe larguĂ©e par avion mesurant 3,6 mĂštres de long et pesant plus d'une tonne - Ă©tait destinĂ© Ă ĂȘtre larguĂ© sur des zones occupĂ©es par des troupes, des centres industriels, des aĂ©roports, des gares, des ponts et "toute autre zone dĂ©crĂ©tĂ©e par le commandement".
Selon le document, la bombe était destinée à provoquer des maladies dues aux radiations qui "affaibliraient le personnel des unités ennemies, et infligeraient des pertes difficiles à expliquer, entraßnant éventuellement un impact psychologique" La mort, précise le document, surviendrait "dans un délai de deux à six semaines."
Les Irakiens ont choisi le zirconium comme source radioactive. Les Irakiens disposaient en effet de grandes quantitĂ©s de zirconium en raison de son utilisation dans les armes incendiaires. En irradiant des paillettes de zirconium dans le rĂ©acteur nuclĂ©aire irakien situĂ© Ă Tuwaitha, les Irakiens ont produit l'isotope radioactif Zirconium 95, dont la durĂ©e de vie Ă©tait de 75,5 jours, ce qui signifie que la bombe devait ĂȘtre utilisĂ©e peu de temps aprĂšs sa fabrication.
L'arme a Ă©tĂ© testĂ©e trois fois en 1987, y compris un test final impliquant deux vĂ©ritables "bombes sales" larguĂ©es par un avion. Les armes ont Ă©tĂ© un Ă©chec, perdant leurs propriĂ©tĂ©s radioactives peu aprĂšs la dĂ©tonation. En fait, il fallait se tenir Ă moins de trois mĂštres du point de dĂ©tonation de la bombe pour absorber une dose mortelle de radiation, ce que la charge explosive de la bombe elle-mĂȘme rendait inutile. Le projet a Ă©tĂ© abandonnĂ©.
Les résultats irakiens ont été reproduits par Israël qui, entre 2010 et 2014, a effectué 20 essais d'explosion de véritables "bombes sales" dans le désert du Néguev. Les recherches ont montré que les radiations étaient dispersées de telle maniÚre que le danger posé aux humains n'était pas substantiel, concluant que "le principal impact d'une telle attaque serait psychologique."
âȘïž Faux drapeau, ou fausse alerte ?
Les Russes prennent au sérieux la menace que représente la possibilité d'une "bombe sale" ukrainienne. Bien que l'histoire des "bombes sales" n'indique pas une menace à l'échelle ou à la portée d'une arme nucléaire réelle, on peut imaginer un scénario du "pire" qui prévoit la possibilité de pertes importantes en vies humaines et en biens matériels en raison des retombées radioactives qu'une telle arme pourrait produire. Un tel résultat serait une catastrophe que la Russie et, vraisemblablement, les alliés occidentaux de l'Ukraine voudraient éviter.
Jusqu'Ă prĂ©sent, les allĂ©gations russes semblent ĂȘtre tombĂ©es dans l'oreille d'un sourd, l'Ukraine les rejetant comme absurdes, et des analystes occidentaux non affiliĂ©s Ă un gouvernement renversant la vapeur, accusant la Russie de prĂ©parer une attaque sous faux drapeau contre l'Ukraine en utilisant une "bombe sale" de sa propre fabrication.
Mais la rĂ©alitĂ© est que la Russie prend trĂšs au sĂ©rieux ses liaisons entre militaires de haut rang et ses homologues occidentaux, Ă©tant donnĂ© le rĂŽle que ces contacts jouent dans le type de coopĂ©ration en matiĂšre de dĂ©confliction qui empĂȘche les incidents de faible ampleur de dĂ©gĂ©nĂ©rer en guerre. La possibilitĂ© que la Russie corrompe dĂ©libĂ©rĂ©ment ce canal de communication par de la dĂ©sinformation est hautement improbable. La Russie semble ĂȘtre lĂ©gitimement prĂ©occupĂ©e par la possibilitĂ© que l'Ukraine fabrique et utilise une "bombe sale", Ă tel point qu'elle a pris l'initiative sans prĂ©cĂ©dent de contacter plusieurs hauts responsables de la dĂ©fense occidentale pour empĂȘcher qu'un tel Ă©vĂ©nement ne se produise.
Si, en fin de compte, les appels tĂ©lĂ©phoniques appropriĂ©s sont passĂ©s par l'Occident et que l'Ukraine fait marche arriĂšre, alors la Russie aura rĂ©ussi. Et s'il s'avĂšre que les informations russes sont erronĂ©es, l'effort n'aura pas Ă©tĂ© vain. Toutefois, si la Russie a raison et que l'Ukraine non seulement se prĂ©pare Ă utiliser une "bombe sale", mais en fait exploser une, et que l'Occident n'a rien fait pour l'en empĂȘcher, la Russie sera reconnue pour avoir averti l'Occident comme il se doit.
* Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines des Ătats-Unis qui a servi dans l'ancienne Union soviĂ©tique pour la mise en Ćuvre des traitĂ©s de contrĂŽle des armements, dans le golfe Persique pendant l'opĂ©ration TempĂȘte du dĂ©sert et en Irak pour superviser le dĂ©sarmement des ADM. Son dernier livre est Disarmament in the Time of Perestroika, publiĂ© par Clarity Press.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2022/10/25/scott-ritter-russias-dirty-bomb-scare/