đâđš Selon la High Court, si Assange est extradĂ©, la CIA n'a plus de raison de projeter son assassinat
Selon la Cour, si le renseignement amĂ©ricain complote pour tuer un journaliste, c'est peut-ĂȘtre justifiĂ© sâil projette de fuir vers un pays considĂ©rĂ© comme Ă©tant un adversaire des Ătats-Unis.
đâđš Selon la High Court, si Assange est extradĂ©, la CIA n'a plus de raison de projeter son assassinat
Par Kevin Gosztola, le 28 mars 2024
La High Court of Justice britannique a refusĂ© de prendre en compte les ânouveaux Ă©lĂ©ments de preuveâ impliquant les plans prĂ©sumĂ©s de la CIA pour enlever ou tuer le fondateur de WikiLeaks.
Tout en reconnaissant que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, avait des raisons valables de demander son extradition vers les Ătats-Unis, la High Court of Justice britannique a refusĂ© de prendre en considĂ©ration les ânouveaux Ă©lĂ©ments de preuveâ impliquant la CIA.
Le 26 mars, la High Court a accordĂ© Ă Julian Assange un recours limitĂ©, mais a ajournĂ© la dĂ©cision afin que le gouvernement amĂ©ricain puisse prĂ©senter des âgarantiesâ relatives aux prĂ©occupations de la Cour.
La High Court a Ă©tonnamment dĂ©clarĂ© [PDF] que les âmesures extrĂȘmesâ envisagĂ©es par la CIA avaient pour but d'empĂȘcher M. Assange de fuir vers la Russie. S'il se trouvait âlĂ©galementâ dĂ©tenu par les Ătats-Unis aprĂšs lâextradition, il n'y aurait plus de risque que l'agence le kidnappe ou l'assassine.
En tirant une conclusion aussi absurde et trompeuse, la High Court dĂ©montre pourquoi elle aurait dĂ» admettre les nouveaux Ă©lĂ©ments de preuve. L'Ă©quipe juridique de M. Assange aurait pu aider les juges Ă mieux comprendre l'enchaĂźnement des Ă©vĂ©nements allĂ©guĂ©s, mais la Cour a lĂ©gitimĂ© les allĂ©gations âgravesâ afin d'Ă©viter une procĂ©dure entraĂźnant un impact nĂ©gatif sur les relations du Royaume-Uni avec un alliĂ© proche.
Les avocats de M. Assange ont fait valoir que l'extradition devait ĂȘtre rejetĂ©e car un article de Yahoo News datant de septembre 2021 a rĂ©vĂ©lĂ© que la CIA aurait complotĂ© pour enlever, empoisonner ou tuer M. Assange alors qu'il bĂ©nĂ©ficiait de l'asile diplomatique Ă l'ambassade de l'Ăquateur Ă Londres. Autoriser l'extradition serait une violation de son droit Ă la vie et de son droit Ă ne pas ĂȘtre soumis Ă la torture ou Ă des traitements inhumains et dĂ©gradants.
âSur la base de discussions avec plus de 30 anciens responsables amĂ©ricains - dont huit ont dĂ©crit les dĂ©tails des propositions de la CIA pour enlever Assangeâ, Yahoo News a rĂ©vĂ©lĂ© que le directeur de la CIA Mike Pompeo aurait âdĂ©fenduâ des propositions d'enlĂšvement d'Assange aprĂšs la publication par WikiLeaks du dossier âVault 7â en 2017.
Pompeo Ă©tait favorable Ă une opĂ©ration de restitution qui impliquerait de s'introduire dans l'ambassade de l'Ăquateur pour en faire sortir Assange et l'amener aux Ătats-Unis âvia un pays tiers.â
âUne version moins extrĂȘme de la proposition impliquait que des agents amĂ©ricains enlĂšvent Assange de l'ambassade et le livrent aux autoritĂ©s britanniquesâ, selon Yahoo News.
La High Court a soutenu que les allégations contre la CIA se rapprochaient des preuves dont la juge de district Vanessa Baraitser avait déjà été saisie lors de l'examen de la demande d'extradition. Et à supposer que Mme Baraitser ait eu connaissance des détails révélés, la Cour a déclaré qu'elle n'aurait pas statué différemment.
L'extradition peut sauver M. Assange de l'assassinat par la CIA
La High Court a déclaré que
âles allĂ©gations initiales Ă©taient (de loin) suffisamment sĂ©rieuses pour empĂȘcher l'extradition, si l'inconduite prĂ©sumĂ©e Ă©tait liĂ©e de quelque maniĂšre que ce soit Ă la procĂ©dure d'extradition. La conclusion dĂ©cisive du juge indique cependant que rien ne prouve que les agissements relatifs Ă l'ambassade Ă©taient liĂ©s Ă la procĂ©dure d'extradition. Les nouveaux Ă©lĂ©ments de preuve n'y changent rienâ.
âAu vu des allĂ©gations (sur la base des preuves prĂ©sentĂ©es au juge et des nouvelles preuves), la perspective de mesures extrĂȘmes Ă l'encontre du requĂ©rant (qu'il s'agisse d'un empoisonnement par exemple ou d'une restitution) Ă©tait une rĂ©ponse Ă la crainte que le requĂ©rant ne s'enfuie en Russie.â
âEn bref, la raison d'ĂȘtre d'un tel comportement n'a plus lieu d'ĂȘtre si le requĂ©rant est extradĂ©. L'extradition aurait pour consĂ©quence que [Assange] serait lĂ©galement dĂ©tenu par les autoritĂ©s amĂ©ricaines, et les motifs (si l'on peut les appeler ainsi) de restitution, d'enlĂšvement ou d'assassinat nâauraient plus raison dâĂȘtreâ, a ajoutĂ© la Haute Cour de justice.
Il est difficile de croire qu'un Ătat requĂ©rant autre que les Ătats-Unis serait autorisĂ© Ă extrader une personne si les services de renseignement ou de sĂ©curitĂ© de cet Ătat Ă©taient accusĂ©s de comploter en vue de l'enlever ou de la tuer.
La High Court a ignorĂ© la partie du reportage de Yahoo News dĂ©crivant les discussions de la CIA sur lâidĂ©e de faire embarquer Assange sur un vol de restitution, qui avaient semĂ© la panique parmi les fonctionnaires du ministĂšre de la Justice des Ătats-Unis.
Les procureurs chargĂ©s de l'affaire ne l'ont pas inculpĂ©, craignant que si le fondateur de WikiLeaks Ă©tait enlevĂ©, il arriverait aux Ătats-Unis sans aucune âbase juridiqueâ pour un procĂšs. Le ministĂšre de la Justice a donc accĂ©lĂ©rĂ© la formulation des inculpations, et un acte d'accusation scellĂ© a Ă©tĂ© dĂ©posĂ© en dĂ©cembre 2017.
Ou, pour ĂȘtre plus explicite, le gouvernement amĂ©ricain aurait demandĂ© l'extradition d'Assange parce que la CIA avait Ă©laborĂ© des plans pour kidnapper ou assassiner Assange. La demande d'extradition Ă©tait une rĂ©ponse Ă la criminalitĂ© d'Ătat.
Associer Ă tort les âmesures extrĂȘmesâ de la CIA aux projets de M. Assange de quitter l'ambassade
Une grande partie du reportage de Yahoo News traite de la âcrainteâ partagĂ©e par les responsables amĂ©ricains que M. Assange âpuisse s'enfuir en Russieâ. Pourtant, le rapport n'a jamais invoquĂ© cette crainte pour justifier les propositions illĂ©gales de la CIA, ce que la Haute Cour a fait.
âFin 2017, en plein dĂ©bat sur les enlĂšvements et autres mesures extrĂȘmes, les plans de l'agence ont Ă©tĂ© bouleversĂ©s lorsque des responsables amĂ©ricains ont recueilli ce qu'ils considĂ©raient ĂȘtre des rapports alarmants selon lesquels des agents du renseignement russe se prĂ©paraient Ă faire sortir clandestinement Assange du Royaume-Uni et Ă l'emmener Ă Moscouâ, selon lâarticle de Yahoo News.
âLes rapports des services de renseignement sur une possible Ă©vasion ont Ă©tĂ© jugĂ©s crĂ©dibles aux plus hauts niveaux du gouvernement amĂ©ricainâ, selon le reportage. âĂ l'Ă©poque, les autoritĂ©s Ă©quatoriennes auraient entrepris des dĂ©marches pour accorder Ă M. Assange un statut diplomatique dans le cadre d'un projet lui permettant de quitter l'ambassade et de s'envoler pour Moscou afin de servir les intĂ©rĂȘts russesâ.
La CIA et la Maison Blanche ont Ă©laborĂ© des âscĂ©nariosâ tout droit sortis d'un roman de Jack Ryan. Les fonctionnaires auraient prĂ©vu
une âfusillade avec des agents du Kremlin dans les rues de Londres, une collision avec le vĂ©hicule diplomatique russe transportant Assange et son enlĂšvement, ainsi que des tirs sur les pneus d'un avion russe transportant Assange avant qu'il ne dĂ©colle pour Moscou. (Les responsables amĂ©ricains ont demandĂ© Ă leurs homologues britanniques de tirer si cela s'avĂ©rait nĂ©cessaire, et les Britanniques ont acceptĂ©, selon un ancien haut fonctionnaire de l'administration)â.
Fait important, le rapport ne prĂ©tend pas que la CIA a complotĂ© l'enlĂšvement ou le meurtre d'Assange parce que ses responsables craignaient qu'il ne s'enfuie en Russie. En fait, il indique clairement que les responsables discutaient dĂ©jĂ d'un âenlĂšvement et d'autres mesures extrĂȘmesâ lorsque des ârenseignementsâ relatifs Ă une âpossible Ă©vasionâ ont Ă©tĂ© obtenus.
Mais l'interprĂ©tation trompeuse de l'article de Yahoo News par la High Court ne s'est pas arrĂȘtĂ©e lĂ . Les ârenseignementsâ montrant qu'Assange s'enfuirait en Russie ont apparemment Ă©tĂ© obtenus par l'intermĂ©diaire d'une sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© espagnole, UC Global, engagĂ©e dans une opĂ©ration d'espionnage soutenue par la CIA Ă l'encontre d'Assange.
Les contractants d'UC Global ont appris qu'Assange
ârecevrait un passeport diplomatique des autoritĂ©s Ă©quatoriennes, dans le but de quitter l'ambassade pour transiter vers un Ătat tiersâ.
MarĂa Fernanda Espinosa, alors ministre des Affaires Ă©trangĂšres de l'Ăquateur, a tentĂ© d'affecter Assange Ă l'ambassade de l'Ăquateur Ă Moscou
âAitor MartĂnez, avocat espagnol d'Assange qui a travaillĂ© en Ă©troite collaboration avec l'Ăquateur pour qu'Assange obtienne son statut de diplomateâ, a dĂ©clarĂ© Ă Yahoo News que âle ministre des Affaires Ă©trangĂšres Ă©quatorien a prĂ©sentĂ© cette mission en Russie Ă Assange comme [s'il n'avait pas le choix]-et qu'Assange, lorsqu'il en a entendu parler, a immĂ©diatement rejetĂ© l'idĂ©e.â
Quelques mois aprĂšs la publication du reportage de Yahoo News, M. MartĂnez a dĂ©clarĂ© Ă MintPress News que les services de renseignement amĂ©ricains avaient fait pression sur UC Global pour faire le lien entre M. Assange et la Russie.
âUC Global a rĂ©digĂ© des rapports gonflĂ©s et mensongers pour les AmĂ©ricainsâ, a dĂ©clarĂ© M. MartĂnez. â[Un lanceur d'alerte d'UC Global] a affirmĂ© devant un tribunal qu'ils avaient rĂ©digĂ© des rapports trĂšs exagĂ©rĂ©s juste pour alimenter les AmĂ©ricains en informations et montrer qu'UC Global joue un rĂŽle essentiel pour eux Ă l'ambassade. Si vous vĂ©rifiez les rapports d'UC Global, c'est trĂšs surprenant : tout est inventĂ©â.
M. Assange a envisagé d'obtenir un passeport diplomatique qui lui permettrait de s'enfuir en Bolivie, en Chine, à Cuba, en Serbie ou au Venezuela.
âBien sĂ»r, ces pays ne jouissant pas de bonnes relations avec les Ătats-Unis, ils pouvaient accepter de le recevoir. Mais la Russie n'a jamais figurĂ© sur cette liste. Il y a eu une Ă©norme thĂ©orie du complot aux Ătats-Unis avec le Russiagate, cela n'avait aucun sensâ, a dĂ©clarĂ© M. Martinez Ă MintPress News.
Comme l'indique le reportage de Yahoo News, les reprĂ©sentants du gouvernement amĂ©ricain n'ont pas Ă©tĂ© en mesure de prouver que WikiLeaks travaillait pour le compte du gouvernement russe. Cela a conduit la CIA Ă ârequalifierâ l'organisation mĂ©diatique en âservice de renseignement hostileâ afin de pouvoir continuer Ă faire pression sur M. Assange et sur toute personne associĂ©e Ă WikiLeaks.
Justifier les plans de la CIA en vue de tuer un journaliste
Malheureusement, ce n'est pas la premiĂšre fois qu'un tribunal britannique se plie en quatre pour rejeter des preuves impliquant la criminalitĂ© d'Ătat. Le juge Vanessa Baraitser a rejetĂ© l'argument pourtant fondĂ© selon lequel Assange a fait l'objet d'une âpoursuite Ă motivation politiqueâ en soulignant que âles responsables amĂ©ricains considĂ©raientâ qu'Assange âconstituait toujours un risque pour leur SĂ©curitĂ© nationale.â
Baraitser a fait rĂ©fĂ©rence Ă un reportage de CNN du 15 juillet 2019, qui s'appuyait sur des rapports de sĂ©curitĂ© d'UC Global que MartĂnez a qualifiĂ©s de mensongers et exagĂ©rĂ©s. CNN a accusĂ© Assange de transformer l'ambassade de l'Ăquateur Ă Londres en un âposte de commandement d'ingĂ©rence Ă©lectoraleâ.
âBien que confinĂ© Ă l'ambassade alors qu'il tentait de rejoindre l'Ăquateur en toute sĂ©curitĂ©, M. Assange a rencontrĂ© des Russes et des pirates informatiques de renommĂ©e mondiale Ă des moments cruciaux, souvent pendant des heuresâ, affirme le rapport, sans preuves solides. âIl a Ă©galement obtenu du matĂ©riel informatique performant et bĂ©nĂ©ficie dâun rĂ©seau puissant pour faciliter les transferts de donnĂ©es quelques semaines avant que WikiLeaks reçoive des documents piratĂ©s par des agents russes.â
La faute professionnelle des mĂ©dias a Ă©tĂ© amplifiĂ©e par l'affirmation infondĂ©e de CNN selon laquelle l'enquĂȘte du conseiller spĂ©cial Robert Mueller avait âĂ©tabli comment WikiLeaks aurait aidĂ© les Russes Ă saboter les Ă©lections amĂ©ricainesâ. En fait, Mueller manquait de preuves pour accuser Assange et d'autres associĂ©s de WikiLeaks de crimes pour avoir publiĂ© des informations vĂ©ridiques sur la campagne prĂ©sidentielle dĂ©mocrate d'Hillary Clinton.
AprĂšs la publication de la dĂ©cision d'appel de la High Court, Stella Assange a dĂ©clarĂ© que la Cour n'a pas reconnu les preuves selon lesquelles la CIA a complotĂ© pour tuer son mari, car âsi elle les reconnaĂźt, elle ne peut Ă©videmment plus lâenvoyer aux Ătats-Unisâ.
Ce qu'a fait la High Court est sans doute encore plus sordide. Un tribunal censĂ© respecter l'ordre Ă©tabli par les rĂšgles a conclu que les allĂ©gations Ă©taient sĂ©rieuses, mais sans rĂ©elle importance. Selon la Cour, si des agents des services de renseignement ou du gouvernement des Ătats-Unis complotent pour tuer un journaliste qui tente d'Ă©chapper Ă la persĂ©cution, c'est peut-ĂȘtre comprĂ©hensible si ce journaliste projette de fuir vers un pays considĂ©rĂ© comme Ă©tant un adversaire des Ătats-Unis.
https://thedissenter.org/uk-high-court-extradition-removes-cia-rationale-assassinating-assange/