👁🗨 Seymour Hersh : La mauvaise passe de Zelensky
“En vérité, si l'armée ukrainienne reçoit l'ordre de poursuivre l'offensive, elle se mutinera. Les soldats ne veulent plus mourir, mais ça ne cadre pas avec le mensonge de la Maison Blanche de Biden.”
👁🗨 La mauvaise passe de Zelensky
Le dirigeant ukrainien a recours aux mensonges et aux menaces alimentés par les mensonges de la Maison Blanche de Biden, au terme d'une contre-offensive vouée à l'échec.
Par Seymour Hersh, le 21 septembre 2023
Mardi prochain marquera l'anniversaire de la destruction par l'administration Biden de trois des quatre gazoducs Nord Stream 1 et 2. J'ai encore beaucoup à dire à ce sujet, mais cela devra attendre. Pourquoi ? Parce que la guerre entre la Russie et l'Ukraine, avec la Maison Blanche qui continue de rejeter toute idée de cessez-le-feu, atteint un tournant.
Des acteurs majeurs de la communauté américaine du renseignement, s'appuyant sur des rapports de terrain et des renseignements techniques, estiment que l'armée ukrainienne, démoralisée, a renoncé à vaincre les lignes de défense russes sur trois fronts, lourdement minées, et de pousser la guerre en Crimée et dans les quatre oblasts saisis et annexés par la Russie. En réalité, l'armée meurtrie de Volodymyr Zelensky n'a plus aucune chance de remporter la victoire.
Selon un fonctionnaire ayant accès aux renseignements actuels, la guerre ne se poursuit que parce que Zelensky insiste pour qu'elle se poursuive. Dans son quartier général ou à la Maison Blanche de Biden, il n'est pas question de cessez-le-feu, et on ne s'intéresse pas aux pourparlers qui pourraient mettre fin au massacre. “Ce ne sont que des mensonges”, a déclaré le fonctionnaire, en parlant des affirmations ukrainiennes sur la progression de l'offensive qui a subi des pertes massives, tout en gagnant du terrain dans quelques zones isolées que l'armée ukrainienne mesure en mètres par semaine.
“Pour être clair”, a déclaré le fonctionnaire. “Poutine a commis un acte stupide et autodestructeur en déclenchant la guerre. Il pensait disposer d'un pouvoir magique et que tout ce en quoi il aspirait allait s'arranger”. L'attaque initiale de la Russie, a ajouté le fonctionnaire, a été mal planifiée, a manqué d’effectif, entraînant de lourdes pertes inutiles. “Ses généraux lui ont menti, et il a débuté la guerre sans logistique, ni stratégie solide pour réapprovisionner ses troupes”. Bon nombre des généraux incriminés ont été sommairement démis de leurs fonctions.
“Oui”, a déclaré le fonctionnaire, “Poutine a fait quelque chose de stupide, quelle que soit la provocation, en violant la charte des Nations unies - et nous aussi”, à savoir la décision du président Biden de mener une guerre par procuration avec la Russie en finançant Zelensky et son armée. “Et maintenant, nous devons l’incriminer, avec l'aide des médias, afin de justifier notre erreur”. Il faisait référence à une opération secrète de désinformation visant à affaiblir Poutine, menée par la CIA en coordination avec des éléments des services de renseignement britanniques. Cette opération réussie a mené les principaux médias d'ici et de Londres à annoncer que le président russe souffrait de diverses maladies, notamment de troubles sanguins et d'un grave cancer. Selon un article souvent cité, Poutine serait traité à l'aide de fortes doses de stéroïdes. Mais tout le monde n'a pas été dupe. En mai 2022, le Guardian a rapporté avec scepticisme que les rumeurs “partaient dans tous les sens : Vladimir Poutine souffre d'un cancer ou de la maladie de Parkinson, selon des rapports non confirmés, et non vérifiés”. Mais de nombreux grands organes de presse ont mordu à l'hameçon. En juin 2022, Newsweek a publié ce qu'il a qualifié de scoop majeur, citant des sources anonymes selon lesquelles Poutine avait subi un traitement deux mois plus tôt pour un cancer de stade avancé : “L'emprise de Poutine est forte mais plus absolue. Les rivalités au sein du Kremlin n'ont jamais été aussi vives. Tout le monde sent que la fin est proche.”
“Dans les premiers jours de l'offensive de juin, il y a eu quelques percées ukrainiennes”, a déclaré le fonctionnaire, “au niveau ou à proximité” de la première des trois formidables barrières de défense en béton de la Russie, lourdement piégée, “et les Russes ont battu en retraite pour les surprendre. Et ils ont tous été tués”. Après des semaines de pertes massives et de faible progression, ainsi que de pertes effroyables en chars et en véhicules blindés, des unités de premier plan de l'armée ukrainienne ont virtuellement annulé l'offensive, sans le déclarer. Les deux villages dont l'armée ukrainienne a récemment revendiqué la prise “sont si petits qu'ils ne pourraient pas tenir entre deux panneaux Burma-Shave [marque américaine de crème à raser]”, en référence aux panneaux d'affichage qui semblaient se trouver sur toutes les autoroutes américaines après la Seconde Guerre mondiale.
L'hostilité primaire de l'administration Biden à l'égard de la Russie et de la Chine - illustrée par les remarques du secrétaire d'État Tony Blinken, qui a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'accepterait pas de cessez-le-feu en Ukraine - a eu pour effet de diviser considérablement la communauté du renseignement. Les National Intelligence Estimates, qui définissaient les paramètres de la politique étrangère américaine depuis des décennies, en ont été les premières victimes. Certains services clés de la CIA ont refusé, dans de nombreux cas, de participer au processus des NIE en raison d'un profond désaccord avec la politique étrangère agressive de l'administration. Un échec récent concerne une NIE planifiée qui traitait des conséquences d'une attaque chinoise sur Taïwan.
J'ai évoqué pendant de nombreuses semaines le désaccord de longue date entre la CIA et d'autres éléments de la communauté du renseignement sur le pronostic de la guerre actuelle en Ukraine. Les analystes de la CIA ont toujours été beaucoup plus sceptiques que leurs homologues de la Defense Intelligence Agency (DIA) quant à la perspective d'un succès en Ukraine. Les médias américains ont ignoré le différend, mais pas The Economist, dont le siège est à Londres et dont les journalistes bien informés ne bénéficient pas d'une signature en bas de page. Un signe de la tension interne au sein de la communauté américaine est apparu dans l'édition du 9 septembre du magazine, lorsque Trent Maul, responsable des analyses de la DIA, a accordé une interview extraordinaire à The Economist, dans laquelle il a défendu les rapports optimistes de son agence sur la guerre en Ukraine et sa contre-offensive troublée. Comme l'a fait remarquer The Economist dans son titre, il s'agissait d'une “interview unique”. Elle est également passée inaperçue dans les plus grands journaux américains.
M. Maul a reconnu que la DIA s'était “trompée” dans son rapport sur la “volonté de combattre” des alliés de l'Amérique lorsque les armées formées et financées par les États-Unis en Irak et en Afghanistan se sont “effondrées presque du jour au lendemain”. Mais M. Maul a contesté les accusations de la CIA - bien que l'agence n'ait pas été citée nommément - concernant l'absence de compétences des dirigeants militaires ukrainiens et leurs tactiques dans le cadre de la contre-offensive actuelle. Il a déclaré à The Economist que les récents succès militaires de l'Ukraine étaient “significatifs”, et donnaient à ses troupes une probabilité de 40 à 50 % de percer les lignes de défense de la Russie sur trois fronts d'ici la fin de l'année. Il a toutefois prévenu que “les carences en munitions et la détérioration des conditions météorologiques rendront cette tâche ‘très difficile’”.
Dans un entretien avec The Economist publié une semaine plus tard, Zelensky a reconnu qu'il avait détecté - comment aurait-il pu ne pas le faire - ce que le magazine citait comme étant “un changement de tendance chez certains de ses partenaires”. M. Zelensky a également reconnu que ce qu'il a appelé les “récentes difficultés” de son pays sur le champ de bataille étaient considérées par certains comme de bonnes raisons d'entamer des négociations sérieuses avec la Russie en vue de la fin de la guerre. Il a qualifié cette situation de “mauvaise passe”, car la Russie “voit les choses de la même façon”. Mais il a de nouveau précisé que les pourparlers de paix n'étaient pas à l'ordre du jour, et il a adressé une nouvelle menace aux dirigeants des pays voisins qui accueillent des réfugiés ukrainiens et qui souhaitent, comme la CIA l'a fait savoir à Washington, la fin de la guerre. Zelensky a lancé un avertissement dans son interview, comme l'a rapporté The Economist : “On ne peut pas prédire comment les millions de réfugiés ukrainiens dans les pays européens réagiraient à l'annonce de l'abandon de leur pays”. M. Zelensky a déclaré que les réfugiés ukrainiens “se sont bien comportés [...] et sont reconnaissants” envers ceux qui les ont hébergés, mais que ce ne serait pas une “bonne affaire” pour l'Europe si une défaite ukrainienne “poussait les gens dans leurs retranchements”. Il s'agit ni plus ni moins d'une menace d'insurrection interne.
Le message adressé cette semaine par M. Zelensky à l'Assemblée générale annuelle des Nations unies à New York ne contenait pas grand-chose de nouveau et, selon le Washington Post, il a reçu l'“accueil chaleureux” de rigueur de la part de l'assistance. Mais, note le Post, “il a prononcé son discours devant une salle à moitié vide, de nombreuses délégations ayant refusé de se présenter et d'écouter ce qu'il avait à dire”. Les dirigeants de certains pays émergents, ajoute le rapport, étaient “frustrés” par le fait que les innombrables milliards dépensés sans justification sérieuse par l'administration Biden pour financer la guerre en Ukraine avaient réduit le soutien à leurs propres luttes pour faire face “au réchauffement climatique, à la pauvreté et à une vie plus stable pour leurs citoyens”.
Le président Biden, dans son discours précédent à l'Assemblée générale, n'a pas abordé la position périlleuse de l'Ukraine dans la guerre avec la Russie, mais a renouvelé son soutien catégorique à l'Ukraine, et a insisté sur le fait que “la Russie porte seule la responsabilité de cette guerre” - ignorant, à l’inverse des leaders de nombreux pays émergents, trois décennies d'expansion de l'OTAN vers l'est et l'implication occulte de l'administration Obama dans le renversement d'un gouvernement pro-russe en Ukraine en 2014.
Le président a peut-être raison sur le fond, mais le reste du monde se souvient, ce qui n'est pas le cas de la Maison Blanche, que c'est l'Amérique qui a choisi de faire la guerre en Irak et en Afghanistan sans se soucier du bien-fondé de ses motivations.
Le président n'a pas parlé de la nécessité d'un cessez-le-feu immédiat dans une guerre qui ne peut plus être gagnée par l'Ukraine, et qui contribue à aggraver la pollution à l'origine de la crise climatique qui engloutit actuellement la planète. M. Biden, avec le soutien du secrétaire d'État Blinken et du conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan - mais avec des appuis de moins en moins nombreux ailleurs en Amérique - a fait de son indéfectible contribution financière et morale à la guerre en Ukraine une question de survie pour sa réélection.
Pendant ce temps, l'implacable Zalensky, dans une interview accordée la semaine dernière à un correspondant de 60 Minutes, autrefois le summum du journalisme agressif américain, a dépeint Poutine comme un nouvel Hitler et a faussement soutenu que l'Ukraine avait pris le contrôle de sa guerre actuelle contre la Russie, qui va en s'affaiblissant.
Interrogé par le correspondant de CBS, Scott Pelley, qui lui demandait s'il pensait que “la menace d'une guerre nucléaire était derrière nous”, Zelensky a répondu :
“Je pense qu'il va continuer à menacer. Il attend que les États-Unis faiblissent. Il pense que cela se produira pendant les élections américaines. Il cherchera l'instabilité en Europe et aux États-Unis d'Amérique. Il exploitera le risque d'utilisation d'armes nucléaires pour l'alimenter. Les menaces vont perdurer”.
L'agent de renseignement américain avec lequel je me suis entretenu, qui a passé les premières années de sa carrière à lutter contre l'agression et l'espionnage soviétiques, respecte l'intelligence de Poutine, mais condamne sa décision d'entrer en guerre avec l'Ukraine et d'initier la mort et la destruction que la guerre engendre. Mais, a-t-il ajouté, “la guerre est terminée. La Russie a gagné. Il n'y a plus d'offensive ukrainienne, mais la Maison Blanche et les médias américains continuent d’alimenter leurs mensonges.”
“La réalité, c'est que si l'armée ukrainienne reçoit l'ordre de poursuivre l'offensive, elle se mutinera. Les soldats ne sont plus prêts à mourir, mais cela ne cadre pas avec les mensonges de la Maison Blanche de Biden”.