đâđš Six mois de gĂ©nocide, mais Gaza est toujours debout
Au cĆur de chaque dĂ©fi germe la graine de l'espoir, et chaque tragĂ©die fait rejaillir rĂ©silience & courage. En chacun des habitants de Gaza rĂ©side un dĂ©sir dâavenir qui lui rende sa beautĂ© & sa paix.
đâđš Six mois de gĂ©nocide, mais Gaza est toujours debout
Par Mohammed Abu Shamala, le 5 avril 2024
Je vous écris aujourd'hui aprÚs un semestre de dévastation à Gaza, au rythme des violations commises contre ses habitants restés sur place, des déplacements massifs et de l'impossibilité de communiquer en raison des actions délibérées de l'occupation pour nous maintenir confinés dans un petit espace sous le contrÎle arbitraire d'Israël.
Au fil de ces journées éprouvantes, on a assisté à de nombreuses scÚnes déchirantes de faim, de soif, et d'humiliation.
Le nombre de nos victimes s'Ă©lĂšve Ă ce jour Ă plus de 33 000, dont prĂšs de 14 000 enfants et plus de 9 000 femmes, sans parler des membres de la protection civile, des ambulanciers, des travailleurs humanitaires, du personnel de l'ONU et des anciens.
Chacun d'entre eux raconte une histoire hĂ©roĂŻque, incarnant des familles qui vivaient autrefois dans la paix et l'espoir. AprĂšs le 7 octobre, l'occupation a mis sa menace Ă exĂ©cution, anĂ©antissant le bonheur, les aspirations et les rĂȘves.
Je me souviens de mon cher voisin Ibrahim al-Madhoon, 90 ans, qui avait l'habitude de boire chaque matin sur le pas de sa porte une tasse de thé que lui préparait sa femme Nisreen. J'avais l'habitude de les regarder, dans leurs moments de joie, souriant instinctivement à leur vue.
Leur maison a été bombardée et tous deux ont été tués. La tasse de thé a été brisée, et les rires qui animaient le quartier se sont tus.
Je me souviens de mon ami Hazem, qui nourrissait les pauvres. Il était trÚs généreux.
AprÚs le 7 octobre, j'ai trouvé Hazem abattu et malheureux, malade à cause de la rareté de la nourriture à Gaza et de la consommation d'eau contaminée, qui a maintenant un goût d'égout. Il faisait la queue pour recevoir l'aide humanitaire, un repas insuffisant pour une personne, fourni tous les trois jours pour toute la famille.
J'ai Ă©tĂ© dĂ©placĂ© loin de ma maison, qui me semble aujourd'hui un palais, le 13 octobre, pour rejoindre Khan Younis, dans le sud du pays. Cette dĂ©cision m'a Ă©tĂ© imposĂ©e par les forces d'occupation israĂ©liennes, qui ont dĂ©clarĂ© que le sud Ă©tait une zone humanitaire oĂč il n'y aurait pas de bombardements.
De la maison Ă la tente
Le 26 octobre, cependant, ma perception de cette nouvelle réalité s'est éclaircie. J'étais dans la rue pour aller acheter du pain lorsqu'un bloc entier du quartier que je venais de quitter a été bombardé.
J'ai failli devenir une victime statistique. L'explosion Ă©tait si proche et si forte que j'ai perdu l'ouĂŻe et la parole pendant 20 minutes, en essayant de comprendre ce qui se passait.
J'ai vu les habitants du quartier courir et crier des mots que je pouvais Ă peine comprendre - âmortâ, âsortez les survivants des dĂ©combresâ - et j'ai couru aussi vite que j'ai pu, sans savoir oĂč aller, avec juste ces quelques mots qui me venaient Ă l'esprit : nous ne sommes plus nulle part en sĂ©curitĂ©.
J'ai ensuite consultĂ© les actualitĂ©s et les rĂ©seaux sociaux pour dĂ©couvrir que de nombreux gouvernements dans le monde Ă©taient contre nous, sur ce petit territoire plein d'histoires, de rĂȘves et de bonheur au travers de toutes ses rues. J'ai perdu l'espoir que ce gĂ©nocide se termine bientĂŽt, et j'ai rĂ©alisĂ© que telle serait dĂ©sormais notre vie - oscillant entre angoisse et terreur.
Nous avons encore été déplacés plus au sud. Les militaires génocidaires nous ont forcés à nous rendre à la périphérie de Khan Younis, la décrivant à nouveau comme une zone humanitaire sûre.
Nous n'avions pas d'autre choix que de suivre les instructions de l'armĂ©e, en espĂ©rant que cela nous sauverait de la mort, tout en sachant trĂšs bien que non, il nây plus dâendroit sĂ»r.
Nous sommes passés d'une maison à une tente. Nos nouvelles conditions de vie n'offrent pas la moindre protection, que ce soit contre le froid et la pluie, ou contre les roquettes et les obus.
Les habitants de Gaza sont devenus des habitants sous la tente, sans intimité ni sécurité.
Les interrogations autour du ramadan
Le mois du ramadan a suscité de nombreuses questions.
Le ramadan sous la tente ?
Le ramadan en temps de guerre ?
OĂč trouverons-nous de quoi manger ?
Comment rompre le jeûne pour le compenser ?
Toutes ces questions se bousculent dans l'esprit des gens affamés, malades, déplacés et sans abri.
Je n'entends aucun rire nulle part, je n'entends que des pleurs à la mémoire des morts et de la ville de Gaza.
Je vois des enfants qui pleurent de douleur parce qu'ils ont faim, et des femmes qui attendent de recevoir des médicaments et des traitements pour leurs enfants atteints de maladies de peau, d'infections gastro-intestinales et d'hépatite. J'ai vu un enfant souffrir et sa famille incapable de faire quoi que ce soit faute de médicaments ou de personnel médical pour le soigner.
à Gaza, si vous tombez malade, soit vous attendez la miséricorde de Dieu, soit vous attendez la mort. Il n'y a que peu ou pas de traitement.
Si tous les Palestiniens de Gaza racontaient les pertes et les souffrances qu'ils ont subies, la mer s'assécherait avant que ces histoires ne se terminent. Nous avons perdu nos villes et nos villages, leurs souvenirs, leurs rues, leurs écoles, leurs mosquées et leurs églises.
L'histoire et le prĂ©sent de Gaza sont en train d'ĂȘtre anĂ©antis.
Au cĆur de chaque dĂ©fi germe la graine de l'espoir, et chaque tragĂ©die fait rejaillir la force de la rĂ©silience et du courage. MalgrĂ© toutes les blessures, l'histoire de Gaza est empreinte de tendresse, de volontĂ© et d'espoir.
Gaza a Ă©tĂ© confrontĂ©e aux conditions les plus atroces, mais elle n'a jamais abdiquĂ© et n'a jamais cessĂ© de rĂȘver d'un avenir meilleur. En chacun de ses habitants rĂ©side le courage de lutter et le dĂ©sir de construire un avenir qui redonne Ă Gaza sa beautĂ© et sa paix.
La résilience et la volonté de vivre dans la dignité brûlent en nous. Avec chaque jour qui passe, l'espoir demeure et la volonté d'aller de l'avant se renforce en dépit de toutes les épreuves.
* Mohammed Abu Shamala a grandi dans le camp de rĂ©fugiĂ©s de Khan Younis, Ă Gaza. Sa famille est originaire de Beit Daras, oĂč les villageois ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s de force par les milices sionistes en 1948.
https://electronicintifada.net/content/six-months-genocide-gaza-hasnt-surrendered/45586