đâđš Soutien massif des Australiens Ă Assange, mais la thĂšse de l'accord de plaidoyer pourrait ĂȘtre infondĂ©e.
Transgresser les lois territoriales pour faire taire ceux qui publient des informations censées menacer leur sécurité nationale, voilà ce qui, au-delà de la vie d'Assange, est désormais en jeu.
đâđš Le soutien des Australiens Ă Assange monte en flĂšche, mais les affirmations de l'ambassadeur amĂ©ricain sur lâaccord de plaidoyer pourraient ĂȘtre infondĂ©es.
Par Paul Gregoire, le 7 septembre 2023
Une délégation de six personnalités politiques australiennes de tous horizons se rendra à Washington à la fin du mois, a annoncé mercredi The Assange Campaign, pour tenter d'obtenir la libération immédiate du fondateur de Wikileaks, Julian Assange, de la prison londonienne de Belmarsh.
Le conseiller juridique de la campagne, l'avocat Greg Barns SC, a soulignĂ© que âles sondages montrent que neuf Australiens sur dix pensent que les poursuites contre Julian devraient ĂȘtre intĂ©gralement abandonnĂ©esâ, ce qui contraste fortement avec la situation d'il y a quatre ans, lorsque l'Ă©diteur a Ă©tĂ© initialement emprisonnĂ© sur la base d'accusations forgĂ©es de toutes piĂšces.
Le soutien local croissant reflĂšte une prise de conscience des injustices dont Assange est victime de la part de nos plus grands âalliĂ©sâ parmi les Australiens, puisque le gouvernement Albanese a manifestĂ© son soutien Ă son propre ressortissant, alors que Morrison [ancien Premier ministre australien] avait agi comme si son emprisonnement n'Ă©tait qu'un juste retour des choses.
Pour les partisans de longue date d'Assange, le contexte est plus confus. Depuis que le journaliste australien est entré dans l'ambassade équatorienne de Londres en juin 2012, ils ont constaté qu'il était détenu dans des conditions similaires depuis plus d'une décennie, son traitement ayant été reconnu comme étant de la torture au niveau international.
Le gouvernement Albanese a fait sienne la devise de son leader âTrop c'est tropâ en tant que politique officielle, et a assurĂ© publiquement Ă plusieurs reprises qu'il soulevait la question au niveau fĂ©dĂ©ral. Plus rĂ©cemment, l'ambassadrice amĂ©ricaine Caroline Kennedy a laissĂ© entendre qu'un accord pourrait ĂȘtre conclu.
La vérité, cependant, c'est qu'au niveau local, personne ne sait qui ou quoi croire.
Amadouer le public
Ă la mi-aoĂ»t, l'ambassadrice des Ătats-Unis, Mme Kennedy, a laissĂ© entendre au Sydney Morning Herald qu'un accord de plaidoyer pourrait ĂȘtre conclu pour le fondateur de WikiLeaks. Il s'agirait d'un accord Ă la David Hicks, en vertu duquel Julian Assange ne plaiderait pas coupable mais admettrait que l'accusation pourrait le condamner sur la base de preuves et qu'il purgerait sa peine en Australie.
Le frĂšre de Julian, Gabriel Shipton, a dĂ©clarĂ© que l'extradition de l'Ă©diteur vers les Ătats-Unis ne permettrait pas d'aboutir Ă un tel accord, car nombreux sont ceux qui ont suggĂ©rĂ© que l'Ă©tat de santĂ© de Julian Assange s'Ă©tait tellement dĂ©gradĂ© au cours de ses quatre annĂ©es d'isolement prolongĂ© qu'il ne survivrait pas au systĂšme carcĂ©ral amĂ©ricain.
Depuis juillet dernier, l'apparition de Mme Kennedy en Australie marque un changement dans les relations entre l'Australie et les Ătats-Unis. En effet, notre pays joue un rĂŽle stratĂ©gique de plus en plus dĂ©terminant pour les Ătats-Unis, qui s'y installent localement sur le plan militaire, et la capacitĂ© de l'Australie Ă agir de maniĂšre indĂ©pendante est de plus en plus limitĂ©e.
Toutefois, lors d'une interview accordĂ©e le 1er septembre sur la radio WBAI par l'ancien diplomate britannique Craig Murray, ce grand dĂ©fenseur d'Assange a soulignĂ© qu'il n'y avait eu aucune dĂ©marche officielle de la part de la Maison Blanche âindiquant une quelconque volontĂ© d'assouplir ou d'amĂ©liorer sa positionâ.
" L'administration Biden semble vouloir poursuivre encore et toujours Julian, le détruire et l'enfermer à vie pour avoir publié la vérité sur les crimes de guerre et pour avoir divulgué ces informations ", a déclaré Craig Murray à Randy Credico, de la WBAI. "Nous ne devons jamais oublier que Julian est l'éditeur.
L'ancien ambassadeur a ajoutĂ© qu'aucune crĂ©dibilitĂ© ne pouvait ĂȘtre accordĂ©e aux âbruitsâ qui courent. Mais alors que le soutien australien Ă la libĂ©ration de M. Assange ne cesse de croĂźtre, Mme Kennedy a fait cette suggestion dans le but de âcalmer l'opinion publique australienneâ.
Une autorité en perte de vitesse
L'argument de M. Murray est Ă©tayĂ© par la position de la Maison Blanche, clairement Ă©noncĂ©e par le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain Anthony Blinken lors de la confĂ©rence de presse conjointe AUSMIN du 29 juillet. Et cette rĂ©union annuelle entre les ministres australiens et amĂ©ricains des affaires Ă©trangĂšres et de la dĂ©fense s'est prĂ©cisĂ©ment dĂ©roulĂ©e Ă Sydney.
Lorsqu'un journaliste a posĂ© la question du cas Assange aux quatre ministres, M. Blinken a dĂ©clarĂ© que le ministĂšre amĂ©ricain de la justice avait soulignĂ© Ă plusieurs reprises que M. Assange Ă©tait âaccusĂ© de dĂ©lits trĂšs gravesâ dans le cadre de âl'une des plus importantes compromissions d'informations classifiĂ©esâ de l'histoire des Ătats-Unis.
M. Blinken a fait sa dĂ©claration d'une maniĂšre qui lui confĂšre l'autoritĂ© suprĂȘme en la matiĂšre, ajoutant qu'âil est prĂ©sumĂ© avoir commis, risquĂ© de nuire trĂšs gravement Ă notre sĂ©curitĂ© nationale au profit de nos adversaires et fait courir un risque grave Ă des sources humaines nommĂ©esâ, y compris celui de subir des prĂ©judices et d'ĂȘtre incarcĂ©rĂ©.
âJe ne dis cela que parce que, tout comme nous comprenons les sentiments exprimĂ©s ici, il est important que nos amis en fassent autant avec les Ătats-Unisâ, a dĂ©clarĂ© le SecrĂ©taire d'Ătat au public australien.
La ministre australienne des affaires Ă©trangĂšres, Penny Wong, a rĂ©itĂ©rĂ© les dĂ©clarations faites en dĂ©but de mois, Ă savoir que les Ătats-Unis avaient fait savoir au plus haut niveau que le gouvernement considĂ©rait que l'affaire traĂźnait depuis trop longtemps, mais qu'il y avait des limites aux actions possibles.
âJ'ai Ă©galement dĂ©clarĂ© que, bien entendu, nous faisons ce que nous pouvons, de gouvernement Ă gouvernement, mais qu'il y a des limites tant que les procĂ©dures judiciaires de M. Assange sont encore ouvertesâ, a rĂ©affirmĂ© le ministre des affaires Ă©trangĂšres lors de la confĂ©rence AUSMIN.
Mme Wong a Ă©tĂ© nettement plus directe sur cette question que son patron, qui continue de se contenter d'affirmer que âTrop c'est tropâ.
Une parodie de justice internationale
La crucifixion de M. Assange se poursuit alors que son organisation, WikiLeaks, a publié des milliers de documents militaires et diplomatiques américains classifiés qui lui ont été transmis par l'officier de l'armée américaine Chelsea Manning, aujourd'hui en liberté en Amérique du Nord.
La Maison Blanche affirme que le natif de Townsville a publié les dossiers sans les expurger. Mais l'avocat et journaliste australien Mark Davis confirme qu'il était présent lors de l'une des plus importantes divulgations de documents, et qu'il a vu de ses yeux Julian effacer des milliers de noms.
âJulian n'est pas un lanceur d'alerteâ, a dĂ©clarĂ© M. Murray, soulignant que l'auteur de la fuite est considĂ©rĂ© comme un criminel dans le droit amĂ©ricain. âLe lanceur d'alerte Ă©tait Chelsea Manning. Julian n'est qu'un Ă©diteur, au mĂȘme titre que le Guardian, le New York Times et le Washington Post, qui ont publiĂ© les mĂȘmes informations.â
M. Assange a été inculpé de 17 délits d'espionnage au titre de la loi américaine de 1917 sur l'espionnage et d'un délit de piratage informatique, en vertu d'un acte d'accusation délivré en juin 2020 par le tribunal du district oriental de Virginie, siÚge des services de renseignement américains, ce qui implique la constitution d'un jury spécifique.
L'ensemble de ces chefs d'accusation est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'Ă 175 ans.
Les procĂ©dures d'extradition entre les Ătats-Unis et le Royaume-Uni ont ceci de grave que Washington a revendiquĂ© une compĂ©tence extraterritoriale lui permettant de faire fi des frontiĂšres pour arrĂȘter un ressortissant Ă©tranger sur la base de motifs douteux, pour des actes perpĂ©trĂ©s sur le sol de nations tierces.
Ainsi, ce n'est pas seulement sa libertĂ© et le risque d'ĂȘtre d'y laisser sa peau que ce courageux diseur de vĂ©ritĂ© encourt, mais aussi l'avenir des libertĂ©s de la presse dans le monde, car un prĂ©cĂ©dent se crĂ©e, dans lequel les gouvernements pourront se permettre de transgresser les lois territoriales pour faire taire ceux qui publient des informations censĂ©es menacer leur sĂ©curitĂ© nationale.