đâđš Tareq Haddad: "Les mĂ©dias prennent (enfin) position sur Assange."
Ce compte rendu est terriblement inexact, et on ne peut qu'espérer que le mépris persistant des médias pour la vérité dans cette affaire ne causera pas plus de dégùts que ceux déjà infligés.
đâđš "Les mĂ©dias prennent (enfin) position sur Assange."
Salir la vérité.
đ° Par Tareq Haddad, le 9 dĂ©cembre 2022
Nous avons fait la connaissance de Tareq Haddad peu aprĂšs sa dĂ©mission de principe du bureau londonien de Newsweek en 2019, lorsque ses rĂ©dacteurs en chef ont censurĂ© un article sur des fuites Ă©mergeant de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques qui rĂ©vĂ©laient que ces prĂ©tendues attaques chimiques en Syrie Ă©taient fabriquĂ©es. Dans ce que le journaliste Alan Macleod a appelĂ© "OpĂ©ration Mockingbird 2.0", Haddad a ensuite rĂ©vĂ©lĂ© comment le DĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain manipule et dĂ©forme les salles de presse et la couverture mĂ©diatique dans le monde entier.
Nous sommes restĂ©s en contact amical avec Haddad ces derniĂšres annĂ©es. Il a Ă©tĂ© un observateur diligent et dĂ©vouĂ© de l'affaire Assange - un travail que nous avons beaucoup admirĂ©. Nous avons le plaisir de publier ici son analyse de la lettre ouverte rĂ©cemment publiĂ©e par quatre grands quotidiens et un hebdomadaire, dans laquelle ils demandent aux Ătats-Unis d'abandonner la plupart de leurs poursuites contre Assange.
â Patrick Lawrence
Tareq Haddad
Exactement 12 ans aprĂšs le 28 novembre 2010, date Ă laquelle WikiLeaks et ses partenaires mĂ©diatiques - le New York Times, le Guardian, Der Spiegel, Le Monde et El PaĂs - ont commencĂ© Ă publier et Ă rendre compte du quart de million de cĂąbles diplomatiques provenant de missions amĂ©ricaines dans le monde entier, ces cinq partenaires mĂ©diatiques ont publiĂ© la semaine derniĂšre une lettre ouverte commune exhortant le gouvernement amĂ©ricain Ă abandonner les poursuites engagĂ©es contre Julian Assange pour "publication de secrets".
Cette lettre est apparue de maniĂšre tout Ă fait inattendue Ă la fin du mois dernier, et constitue Ă premiĂšre vue une Ă©volution extrĂȘmement positive pour le fondateur de WikiLeaks, qui est incarcĂ©rĂ© depuis 2019 et qui a en fait perdu sa libertĂ© neuf jours aprĂšs la publication des premiers cĂąbles en 2010. Mais le document doit ĂȘtre soigneusement analysĂ© pour savoir ce qu'il dit et ne dit pas Ă ce moment critique de l'affaire Assange. AprĂšs un examen plus approfondi, il apparaĂźt rapidement qu'il ne rĂ©pond pas du tout aux attentes dĂ©jĂ trĂšs minces.
PremiĂšrement, les cinq mĂ©dias - quatre quotidiens et un hebdomadaire allemand - ne demandent pas l'abandon total de l'accusation. Cela suggĂšre qu'ils n'ont aucun problĂšme avec l'une des accusations. Ensuite, dans leur incurie, non seulement ils ne reconnaissent pas l'impact de cette derniĂšre accusation sur le journalisme, mais ils ne reconnaissent pas non plus que les preuves prĂ©sentĂ©es lors des audiences d'extradition d'Assange Ă Londres ont dĂ©montrĂ© que les procureurs amĂ©ricains ont trompĂ© les tribunaux britanniques sur l'allĂ©gation en question. Pire encore, aprĂšs des annĂ©es de reportages inexacts et malveillants sur Assange, les mĂ©dias continuent de dĂ©former les actions d'Assange et les tĂ©moignages plus gĂ©nĂ©raux contenus dans la lettre elle-mĂȘme - ce qui amĂšne Ă se demander s'ils ont en fait fait fait plus de mal que de bien dans cet effort mitigĂ©.
DĂšs les premiers instants de la lettre, les choses tournent mal. Si les Ă©diteurs reconnaissent finalement, implicitement du moins, qu'ils ont eux aussi publiĂ© les mĂȘmes secrets et qu'ils auraient dĂ», en thĂ©orie, faire face aux mĂȘmes accusations qu'Assange, ils s'abstiennent de dĂ©clarer que les accusations devraient ĂȘtre complĂštement abandonnĂ©es. Cette prĂ©cision est essentielle pour comprendre leur vĂ©ritable prise de position dans cette affaire.
Les médias tentent également de justifier pourquoi ils ont collectivement mis si longtemps à prendre la défense d'Assange, bien que certains aient déjà publié des éditoriaux individuels s'opposant aux poursuites, écrivent-ils:
"Ce groupe de rédacteurs et d'éditeurs, qui ont tous travaillé avec Assange, a ressenti le besoin de critiquer publiquement sa conduite en 2011 lorsque des copies non expurgées des cùbles ont été publiées, et certains d'entre nous sont préoccupés par les allégations de l'acte d'accusation selon lesquelles il a tenté de contribuer à l'intrusion informatique d'une base de données classifiée. Mais nous sommes réunis aujourd'hui pour exprimer nos graves préoccupations quant à la poursuite de Julian Assange pour avoir obtenu et publié des documents classifiés."
Cependant, ce groupe des meilleurs et des plus brillants journalistes ne mentionne pas l'allĂ©gation de conspiration en vue de commettre une intrusion informatique, ce qui indique qu'ils n'ont aucune objection Ă ce qu'Assange soit accusĂ© de ce dĂ©lit. On peut leur pardonner de penser que cela rĂ©duirait les accusations d'Assange de 18 Ă une seule, ce qui Ă©liminerait 17 accusations en vertu de la Loi sur l'espionnage, chacune Ă©tant passible d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement. Ce qu'on ne peut leur pardonner, en revanche, c'est de ne pas savoir que le chef d'accusation restant, passible de cinq ans, est le moins solide de tous et qu'il aurait dĂ» ĂȘtre combattu avec la mĂȘme intensitĂ©.
On peut également pardonner aux rédacteurs d'ignorer le nouveau livre de Ralph Engelman et Carey Shenkman, A Century of Repression : The Espionage Act and Freedom of the Press (University of Illinois Press, 2022), qui rapporte que le Computer Fraud and Abuse Act, la derniÚre loi qu'Assange est accusé d'avoir violée,
"incorpore le langage et perpĂ©tue les dĂ©fauts du Espionage Act. Le CFAA souffre de la mĂȘme combinaison d'ampleur et de langage ambigu pour criminaliser les divulgations tirĂ©es des bases de donnĂ©es restreintes et des bases de donnĂ©es exploitĂ©es par le gouvernement ou ses contractants."
Là encore, on ne peut laisser les cinq signataires s'en tirer à bon compte pour avoir si mal examiné et rendu compte de la lutte juridique d'Assange contre son extradition vers l'Amérique dans les mois précédents qu'ils semblent totalement ignorer que les allégations de conspiration en vue de commettre une intrusion informatique dont Assange est accusé ont été complÚtement démenties lors des procédures judiciaires.
Une tache sombre dans l'histoire.
Faisant partie de la poignĂ©e de journalistes britanniques qui ont assistĂ© Ă la grande majoritĂ©, sinon Ă la totalitĂ©, des procĂ©dures contre Assange au cours des trois derniĂšres annĂ©es, avec mes collĂšgues journalistes indĂ©pendants Mohammed El Maazi et James Doleman, j'Ă©tais bien sĂ»r prĂ©sent pour assister Ă la pagaille lors de la premiĂšre journĂ©e de la procĂ©dure d'extradition Ă H.M.P. Belmarsh le 24 fĂ©vrier 2020, dans une salle d'audience situĂ©e Ă l'intĂ©rieur de la prison Ă sĂ©curitĂ© maximale oĂč Assange est dĂ©tenu.
Les journalistes du Guardian, du Wall Street Journal et de l'Associated Press, entre autres, ont tous brandi le nom de leur publication pour obtenir le premier accÚs aux 30 siÚges alloués à la presse dans la salle d'audience; les 100 autres journalistes présents, dont je faisais partie, ont été relégués dans le froid d'une annexe située à l'autre bout du complexe tentaculaire, regardant, sur deux flux télévisés de mauvaise qualité sonore, des avocats qui ne parvenaient pas à parler plus d'une minute dans leur micro. Des centaines de personnes s'étaient rassemblées devant le bùtiment en scandant "Libérez Julian Assange". à plus d'une occasion, la juge de district Vanessa Baraitser a dû attendre qu'ils baissent d'un ton.
Une fois que les problĂšmes techniques ont Ă©tĂ© rĂ©solus et que l'accusation au nom des Ătats-Unis a fait l'essentiel de ses dĂ©clarations liminaires avant la pause dĂ©jeuner, un spectacle a cependant Ă jamais entachĂ© les livres d'histoire du journalisme, si tant est qu'ils soient Ă©crits avec exactitude. Les journalistes de la plupart des grandes publications ont rĂ©digĂ© leurs articles sur l'accusation amĂ©ricaine, puis sont partis. On n'en a revu qu'une poignĂ©e. AprĂšs le dĂ©jeuner, les huissiers ont commencĂ© Ă faire entrer les journalistes de l'annexe dans la salle d'audience. Le mardi, tous ceux qui voulaient avoir accĂšs Ă la salle d'audience en ont eu la possibilitĂ©, mĂȘme si certains ont choisi de ne pas y aller.
Ce scĂ©nario s'est rĂ©pĂ©tĂ© lors de la partie probatoire des audiences, qui a durĂ© quatre semaines, au mois de septembre suivant, cette fois Ă l'Old Bailey de Londres. Au moins Ă cette occasion, les journalistes ne pouvaient pas invoquer l'excuse de l'Ă©loignement de leur rĂ©daction. Cependant, Ă cette Ă©poque, la pandĂ©mie de COVID-19 ne faisait que commencer, et la plupart des journalistes ont optĂ© pour le lien en ligne. NĂ©anmoins, aprĂšs quelques jours, la plupart ont quand mĂȘme abandonnĂ©.
Si les journalistes du New York Times, du Guardian, de Der Spiegel, du Monde et d'El PaĂs Ă©taient restĂ©s, ils auraient peut-ĂȘtre appris, et mĂȘme rapportĂ©, que l'allĂ©gation de complot d'intrusion informatique Ă laquelle Assange fait face reposait sur une fausse reprĂ©sentation des faits qui, selon sa dĂ©fense, constituait un abus de procĂ©dure de la part des procureurs.
Comme l'indique la lettre collective, il s'agit de la premiĂšre affaire de libertĂ© de la presse de notre Ă©poque, qui "crĂ©e un dangereux prĂ©cĂ©dent et menace de saper le Premier Amendement de l'AmĂ©rique et la libertĂ© de la presse". Ces mots auraient peut-ĂȘtre eu plus de poids si les publications avaient agi de la sorte pendant les annĂ©es de procĂ©dures judiciaires en cours.
Omettre les preuves.
Par exemple, les journalistes ont nĂ©gligĂ© le tĂ©moignage de Patrick Eller - un vĂ©tĂ©ran de 20 ans de l'armĂ©e amĂ©ricaine qui, de 2012 Ă 2019, a occupĂ© le poste d'examinateur judiciaire numĂ©rique Ă son quartier gĂ©nĂ©ral du Commandement des enquĂȘtes criminelles Ă Quantico, en Virginie. Il a tĂ©moignĂ© que la transcription de la cour martiale de Chelsea Manning, l'ancienne analyste de l'armĂ©e qui, en 2011, a Ă©tĂ© poursuivie pour avoir fourni les cĂąbles Ă Assange, n'Ă©tait pas reprĂ©sentĂ©e avec prĂ©cision dans le dossier du gouvernement pour allĂ©guer qu'Assange a conspirĂ© pour violer la CFAA [Computer Fraud and Abuse Act].
Manning, qui a été condamnée à 35 ans d'emprisonnement pour 19 chefs d'accusation en 2013, avant de voir sa peine commuée par l'ancien président Barack Obama en 2017, a déclaré que seule sa propre conscience l'a poussée à divulguer les documents, et non un quelconque encouragement d'Assange ou de WikiLeaks.
Pourtant, dans le premier acte d'accusation d'Assange par le ministĂšre de la Justice, divulguĂ© en 2018, les procureurs amĂ©ricains font valoir qu'en mars 2008, "Assange a acceptĂ© d'aider Manning Ă craquer un mot de passe stockĂ© sur des ordinateurs du ministĂšre de la DĂ©fense des Ătats-Unis connectĂ©s au rĂ©seau de protocole Internet secret, SIPRNet, un rĂ©seau du gouvernement des Ătats-Unis utilisĂ© pour les documents et les communications classifiĂ©s."
L'objectif principal de cette conspiration criminelle, selon le dossier du gouvernement amĂ©ricain, "Ă©tait de faciliter l'acquisition et la transmission par Manning d'informations classifiĂ©es liĂ©es Ă la dĂ©fense nationale des Ătats-Unis afin que WikiLeaks puisse diffuser publiquement ces informations sur son site Web..... Dans le cadre de la conspiration, Assange et Manning ont utilisĂ© le service de discussion en ligne 'Jabber' pour collaborer Ă l'acquisition et Ă la diffusion des documents classifiĂ©s, et pour conclure l'accord visant Ă craquer le hachage des mots de passe stockĂ©s sur les ordinateurs du ministĂšre de la DĂ©fense des Ătats-Unis connectĂ©s au SIPRNet."
L'acte d'accusation ajoute :
Manning, qui avait accÚs aux ordinateurs dans le cadre de son statut d'analyste du renseignement, utilisait également ces ordinateurs pour télécharger des documents classifiés à transmettre à WikiLeaks. Le rÚglement de l'armée interdisait à Manning de tenter de contourner ou d'éviter les mécanismes de sécurité des systÚmes d'information fournis par le gouvernement et de partager des comptes personnels et des authentifiants, tels que des mots de passe.
La partie du mot de passe que Manning a donnĂ© Ă Assange pour qu'il le dĂ©chiffre Ă©tait stockĂ©e sous forme de "valeur de hachage" dans un fichier informatique auquel seuls les utilisateurs disposant de privilĂšges dâadmin avaient accĂšs. Manning n'avait pas cette autorisation, et a utilisĂ© un logiciel spĂ©cial, Ă savoir un systĂšme d'exploitation Linux, pour accĂ©der au fichier informatique et obtenir la partie du mot de passe fournie Ă Assange.
Le dĂ©chiffrage du mot de passe aurait permis Ă Manning de se connecter aux ordinateurs sous un nom d'utilisateur qui ne lui appartenait pas. Une telle mesure aurait rendu plus difficile pour les enquĂȘteurs d'identifier Manning comme la source des divulgations d'informations classifiĂ©es.
Ce que l'accusation ne mentionne pas, comme l'a soulignĂ© le mĂ©decin lĂ©giste Keller dans son tĂ©moignage, c'est que non seulement le gouvernement n'a pas pu prouver en quoi cette conversation Jabber visant Ă craquer le mot de passe Ă©tait effectivement le fait d'Assange lui-mĂȘme - seulement un compte pseudonyme nommĂ© Nathaniel Frank - mais, plus important encore, qu'il n'y avait aucune indication qu'Assange ait jamais rĂ©ussi Ă craquer, ou mĂȘme tentĂ© de craquer, le mot de passe en question.
Dans son affidavit, Keller a noté :
Dans le cadre de son travail d'analyste du renseignement avec une habilitation top secret, Manning avait dĂ©jĂ un accĂšs lĂ©gitime Ă toutes les bases de donnĂ©es Ă partir desquelles elle tĂ©lĂ©chargeait des donnĂ©es. Se connecter Ă un autre compte d'utilisateur local ne lui aurait pas donnĂ© plus d'accĂšs qu'elle n'en possĂ©dait dĂ©jĂ , ni mĂȘme un accĂšs anonyme Ă ces bases de donnĂ©es.
Il a également démontré que Manning avait déjà téléchargé et transmis des cùbles américains à WikiLeaks des mois avant que la conversation sur le piratage du mot de passe n'ait lieu, ainsi que d'autres documents disponibles ailleurs sur le SIPRNetwork, notamment les rapports sur la guerre en Irak et en Afghanistan, ainsi que les dossiers d'évaluation des détenus de Guantånamo - tous déjà en possession de WikiLeaks.
Ainsi, non seulement les journalistes ne tiennent pas compte de ces preuves, mais ne reconnaissent pas non plus que le comportement dont Assange est accusĂ© pour avoir prĂ©tendument conspirĂ© en vue de commettre une intrusion n'est pas diffĂ©rent de ce que tout journaliste sensĂ© aurait fait en communiquant avec une source gouvernementale: lâinciter Ă fournir davantage de documents tout en essayant de mettre en Ćuvre des mĂ©thodes pour les protĂ©ger de la dĂ©tection.
Les journalistes qui ont prĂȘtĂ© peu d'attention aux preuves ont Ă©galement dĂ» manquer le tĂ©moignage de Christian Grothoff, professeur d'informatique Ă la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e de Berne. Ses deux dĂ©clarations de tĂ©moin sont ici et ici. Grothoff a dĂ©montrĂ© que si WikiLeaks avait Ă©tĂ© le premier Ă placer les cĂąbles amĂ©ricains sur Internet avec le nom de fichier "xyz_z.gpg" - le fichier n'a Ă©tĂ© dupliquĂ© qu'en rĂ©ponse aux attaques par dĂ©ni de service dĂ©centralisĂ© lancĂ©es sur le site de WikiLeaks, ce qui a amenĂ© les soutiens Ă en faire des sites "miroirs" sur des dizaines de serveurs situĂ©s ailleurs.
Cependant, ce fichier xyz_z.gpg, une base de donnĂ©es chiffrĂ©e, Ă©tait totalement inutile Ă moins de disposer de la clĂ© correspondante pour le dĂ©verrouiller. Et si le fait suivant a Ă©tĂ© couvert par The Press Association, puis reproduit dans le Canberra Times, il a peut-ĂȘtre Ă©chappĂ© au Guardian et Ă d'autres grandes publications, car Grothoff a poursuivi en dĂ©montrant que les journalistes du Guardian eux-mĂȘmes Ă©taient bien responsables de la mise Ă disposition de cĂąbles amĂ©ricains non expurgĂ©s dans le domaine public - cet incident honteux, mais jamais mentionnĂ©, lorsque les journalistes David Leigh et Luke Harding ont publiĂ© la clĂ© requise en tĂȘte de chapitre, malgrĂ© les assurances donnĂ©es Ă Assange qu'elle resterait secrĂšte. Pourtant, quelques mois plus tard, elle Ă©tait lĂ , noir sur blanc : "ACollectionOfDiplomaticHistorySince_1966_ToThePresentDay#" - Assange avait mĂȘme insistĂ© pour qu'elle ne soit transcrite que fractionnĂ©e, et jamais dans son intĂ©gralitĂ©.
Rater la cible.
C'est essentiellement pour cette raison que la lettre commune des cinq publications d'information est si peu Ă la hauteur. Non seulement leur manque de rigueur signifie qu'ils n'Ă©taient pas informĂ©s des implications de l'accusation de CFAA, de l'impact de celle-ci sur le journalisme, et du fait qu'Assange n'avait mĂȘme pas violĂ© la loi dont il est accusĂ©, sans parler du fait que les procureurs amĂ©ricains ont dĂ©formĂ© les faits de l'affaire. Pire encore, alors que les journaux blanchissent leur propre sale histoire, ils continuent Ă diffamer et Ă dĂ©naturer Assange, et Ă suggĂ©rer qu'il devrait quand mĂȘme ĂȘtre poursuivi.
La citation originale se lit comme suit :
Ce groupe de rédacteurs et d'éditeurs, qui ont tous travaillé avec Assange, a ressenti le besoin de critiquer publiquement sa conduite en 2011 lorsque des copies non expurgées des cùbles ont été publiées, et certains d'entre nous sont préoccupés par les allégations de l'acte d'accusation selon lesquelles il a tenté d'aider à l'intrusion informatique d'une base de données classifiée. Mais nous nous réunissons aujourd'hui pour exprimer nos graves préoccupations quant à la poursuite de Julian Assange pour avoir obtenu et publié des documents classifiés.
Ce compte rendu est terriblement inexact, et les cinq médias auraient dû faire beaucoup mieux. Les procédures judiciaires britanniques devant reprendre au début de la nouvelle année, on ne peut qu'espérer que le mépris persistant des médias pour la vérité dans cette affaire ne causera pas plus de dommages que ceux qui ont déjà été infligés.
-T.H.
Lettre du 28 novembre dans son intégralité:
Le gouvernement américain devrait mettre fin aux poursuites engagées contre Julian Assange pour publication de secrets
Il y a douze ans, le 28 novembre 2010, nos cinq mĂ©dias internationaux - le New York Times, The Guardian, Le Monde, El PaĂs et Der Spiegel - ont publiĂ©, en coopĂ©ration avec WikiLeaks, une sĂ©rie de rĂ©vĂ©lations qui ont fait la une des journaux du monde entier.
Le "Cablegate", un ensemble de 251 000 cĂąbles confidentiels du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, a rĂ©vĂ©lĂ© la corruption, les scandales diplomatiques et les affaires d'espionnage Ă l'Ă©chelle internationale.
Selon le New York Times, ces documents racontaient "l'histoire sans fard de la façon dont le gouvernement prend ses plus grandes décisions, celles qui coûtent le plus cher au pays en vies humaines et en argent." Aujourd'hui encore, en 2022, des journalistes et des historiens continuent de publier de nouvelles révélations en s'appuyant sur ce trésor unique de documents.
Pour Julian Assange, Ă©diteur de WikiLeaks, la publication du "Cablegate" et de plusieurs autres fuites connexes a eu les consĂ©quences les plus graves. Le 12 avril 2019, Assange a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă Londres sur la base d'un mandat d'arrĂȘt amĂ©ricain, et est maintenant dĂ©tenu depuis trois ans et demi dans une prison britannique de haute sĂ©curitĂ© habituellement conçue pour les terroristes et les membres de groupes criminels organisĂ©s. Il risque l'extradition vers les Ătats-Unis, et une peine pouvant aller jusqu'Ă 175 ans dans une prison amĂ©ricaine de haute sĂ©curitĂ©.
Ce groupe de rédacteurs et d'éditeurs, qui ont tous travaillé avec Assange, a ressenti le besoin de critiquer publiquement sa conduite en 2011 lorsque des copies non expurgées des cùbles ont été publiées, et certains d'entre nous sont préoccupés par les allégations de l'acte d'accusation selon lesquelles il a tenté de contribuer à l'intrusion informatique d'une base de données classifiée. Mais nous sommes réunis aujourd'hui pour exprimer nos graves préoccupations quant à la poursuite de Julian Assange pour avoir obtenu et publié des documents classifiés.
L'administration Obama-Biden, en poste lors de la publication de Wikileaks en 2010, s'est abstenue d'inculper Assange, expliquant qu'elle aurait alors dĂ» inculper Ă©galement des journalistes de grands mĂ©dias. Leur position privilĂ©giait la libertĂ© de la presse, malgrĂ© ses consĂ©quences dĂ©sagrĂ©ables. Sous Donald Trump cependant, lâattitude a changĂ©. Le DOJ s'est appuyĂ© sur une vieille loi, l'Espionage Act de 1917 (conçue pour poursuivre les espions potentiels pendant la PremiĂšre Guerre mondiale), qui n'a jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e pour poursuivre un Ă©diteur ou un diffuseur.
Cet acte d'accusation crée un dangereux précédent et menace de saper le Premier Amendement de l'Amérique, et la liberté de la presse.
Rendre les gouvernements responsables fait partie de la mission essentielle d'une presse libre dans une dĂ©mocratie. Obtenir et divulguer des informations sensibles lorsque cela est nĂ©cessaire dans l'intĂ©rĂȘt du public est une partie essentielle du travail quotidien des journalistes. Si ce travail est criminalisĂ©, notre discours public et nos dĂ©mocraties s'en trouvent considĂ©rablement affaiblis.
Douze ans aprÚs la publication du "Cablegate", il est temps que le gouvernement américain mette fin aux poursuites engagées contre Julian Assange pour avoir publié des secrets.
Publier n'est pas un crime.
[Les rédacteurs et éditeurs de :
The Guardian
The New York Times
Le Monde
Der Spiegel
El PaĂs
* Tareq Haddad est un journaliste indĂ©pendant basĂ© Ă Londres. Il a commencĂ© Ă documenter les poursuites judiciaires engagĂ©es par les Ătats-Unis contre Julian Assange. Depuis la dĂ©mission de ce dernier de Newsweek. Tout en Ă©crivant un livre du mĂȘme sujet, il est Ă©galement le coordinateur de Speak Up for Julian Assange, un collectif de journalistes, de lanceurs d'alerte et de professionnels des mĂ©dias prenant la parole pour dĂ©fendre l'Ă©diteur de WikiLeaks depuis 2019.
https://open.substack.com/pub/thescrum/p/media-take-a-stand-at-last-on-assange