👁🗨 The Guardian - “Publier n'est pas un crime": des groupes de presse demandent aux États-Unis d'abandonner les poursuites contre Julian Assange
The Guardian, The New York Times, Le Monde, Der Spiegel & El País: les premiers médias à avoir publié des documents de WikiLeaks s'unissent pour s'opposer à l'extradition qui menace Julian Assange.
👁🗨 “Publier n'est pas un crime" : des groupes de presse demandent aux États-Unis d'abandonner les poursuites contre Julian Assange
Les premiers médias à avoir publié des documents de WikiLeaks, dont le Guardian, s'unissent pour s'opposer aux poursuites.
📰 Par Jim Waterson, Rédacteur en Chef Media du Guardian 🐦@jimwaterson, le 28 novembre 2022
Le gouvernement américain doit mettre fin aux poursuites engagées contre le cofondateur de WikiLeaks, Julian Assange, car elles portent atteinte à la liberté de la presse, selon les organisations médiatiques qui l'ont aidé à publier les câbles diplomatiques divulgués.
Il y a douze ans aujourd'hui, The Guardian, The New York Times, Le Monde, Der Spiegel et El País ont collaboré pour publier des extraits de 250 000 documents obtenus par Assange dans le cadre de la fuite du "Cablegate". Ces documents, transmis à WikiLeaks par la soldate américaine Chelsea Manning, ont révélé les rouages de la diplomatie américaine dans le monde.
Les rédacteurs et éditeurs des médias les premiers à publier ces révélations se sont unis pour s'opposer publiquement aux procédures d'inculpation d'Assange en vertu d'une loi conçue pour poursuivre les espions de la Première Guerre mondiale.
"Publier n'est pas un crime", ont-ils déclaré, affirmant que ces poursuites constituent une attaque directe contre la liberté des médias.
Assange est détenu à la prison de Belmarsh, dans le sud de Londres, depuis son arrestation à l'ambassade d'Équateur à Londres en 2019. Il avait passé les sept années précédentes à vivre à l'intérieur des locaux diplomatiques pour éviter d'être arrêté après avoir failli à son obligation de se soumettre au contrôle judiciaire dans le cadre d'une affaire distincte.
La ministre britannique de l'Intérieur de l'époque, Priti Patel, a approuvé l'extradition d'Assange vers les États-Unis en juin, mais ses avocats font appel de cette décision.
Sous la direction de Barack Obama, le gouvernement américain a indiqué qu'il ne poursuivrait pas Assange pour cette fuite en 2010 en raison du précédent que cela créerait. Les médias demandent maintenant à l'administration du président Joe Biden - vice-président à l'époque - d'abandonner les poursuites.
▪️ Texte intégral de la lettre envoyée par les médias
Publier n'est pas un crime: le gouvernement américain doit mettre fin aux poursuites engagées contre Julian Assange pour avoir publié des secrets.
Il y a douze ans, le 28 novembre 2010, nos cinq médias internationaux - le New York Times, le Guardian, Le Monde, El País et Der Spiegel - ont publié, en coopération avec WikiLeaks, une série de révélations qui ont fait la une des journaux du monde entier.
Le "Cablegate", un ensemble de 251 000 câbles confidentiels du département d'État américain, a révélé la corruption, les scandales diplomatiques et les affaires d'espionnage à l'échelle internationale.
Selon le New York Times, ces documents racontent "l'histoire sans fard de la façon dont le gouvernement prend ses plus grandes décisions, celles qui coûtent le plus cher au pays en vies humaines et en argent". Aujourd'hui encore, en 2022, des journalistes et des historiens continuent de publier de nouvelles révélations en s'appuyant sur ce trésor unique de documents.
Pour Julian Assange, éditeur de WikLeaks, la publication du "Cablegate" et de plusieurs autres fuites connexes a eu les conséquences les plus graves. Le 12 avril 2019, Assange a été arrêté à Londres sur la base d'un mandat d'arrêt américain, et est maintenant détenu depuis trois ans et demi dans une prison britannique de haute sécurité habituellement lieu de détention pour terroristes et membres de groupes criminels organisés. Il risque l'extradition vers les États-Unis et une peine pouvant aller jusqu'à 175 ans dans une prison américaine de haute sécurité.
Ce groupe de rédacteurs et d'éditeurs, qui ont tous travaillé avec Assange, a ressenti le besoin de critiquer publiquement (1) sa conduite en 2011 lorsque des copies non expurgées des câbles ont été publiées, et certains d'entre nous sont préoccupés par les allégations contenues dans l'acte d'accusation selon lesquelles il aurait tenté d'aider à l'intrusion informatique d'une base de données classifiée. Mais nous nous réunissons aujourd'hui pour exprimer nos graves préoccupations quant à la poursuite de Julian Assange pour avoir obtenu et publié des documents classifiés.
L'administration Obama-Biden, en poste lors de la publication de WikiLeaks en 2010, s'est abstenue d'inculper Assange, expliquant qu'elle aurait dû inculper également des journalistes de grands médias. Cette position mettait l'accent sur la liberté de la presse, malgré ses conséquences désagréables. Sous Donald Trump cependant, la position a changé. Le DoJ s'est appuyé sur une vieille loi, l'Espionage Act de 1917 (conçue pour poursuivre les espions potentiels pendant la première guerre mondiale), à laquelle on n’a jamais eu recours pour poursuivre un éditeur ou un journaliste.
Cet acte d'accusation crée un dangereux précédent et menace de saper le Premier Amendement de l'Amérique, et la liberté de la presse.
Obtenir et divulguer des informations sensibles lorsque c’est nécessaire dans l'intérêt public est une part essentielle du travail quotidien des journalistes. Si ce travail est criminalisé, notre discours public et nos démocraties s'en trouvent considérablement affaiblis.
Douze ans après la publication du "Cablegate", il est temps que le gouvernement américain mette fin aux poursuites engagées contre Julian Assange pour avoir publié des secrets.
Publier n'est pas un crime.
Les rédacteurs et éditeurs du :
The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, & El País
(1) Ndlr: Il est intéressant de noter que les réserves émises par les 5 rédactions quant aux publications dans leur forme originale, sans rectifications dites de "caviardage", qui consistent à supprimer les noms de personnes susceptibles d'être mises en danger , sont précisément imputables à deux journalistes du Guardian - Luke Harding & David Leigh - qui ont publié en tête de chapitre un mot de passe de Wikileaks confié par Assange, donnant accès aux documents non expurgés.
https://www.theguardian.com/media/2022/nov/28/media-groups-urge-us-drop-julian-assange-charges