👁🗨 Toujours en panne avec les Chinois, Blinken et Sullivan remettent le couvert.
Si vous considérez qu'il s'agit d'une réussite, c’est que vous avez placé la barre très bas. C'est pitoyable, mais la politique étrangère de Biden l'est aussi, après tout.
👁🗨 Blinken : Toujours en panne avec les Chinois, Blindent & Sillivan remettent le couvert.
Par Patrick Lawrence, le 20 juin 2023
19 JUIN - Voilà deux ans qu'Antony "Garde-fou" Blinken et Jake Sullivan se sont envolés pour Anchorage et ont, en l'espace de deux jours, admirablement compromis les relations de l'administration Biden avec la Chine. Pour le secrétaire d'État et le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, il s'agissait de leur première grande sortie depuis l'entrée en fonction du nouveau président, deux mois plus tôt, et de leur première rencontre avec des responsables chinois de premier plan en matière de politique étrangère. Une affaire importante et déterminante. Et un grand désastre.
Le “Garde-fous” et leur acolyte peu imaginatif entreprennent à présent leur dernier effort, parmi tant d'autres, pour réparer les dégâts qu'ils ont causés. Le haut diplomate de Joe Biden a achevé lundi deux jours de discussions à Pékin, qui se sont terminés par une rencontre de 35 minutes avec le président Xi Jinping. M. Sullivan propose désormais une stratégie si grandiose que certains d'entre nous l'ont baptisée "la doctrine Sullivan". Si vous me le permettez, j'aimerais réécrire cette phrase pour le simple plaisir qu'elle procure : La doctrine Sullivan. Voilà qui est dit.
Ce serait une grave erreur d'attendre quoi que ce soit de l'un ou l'autre de ces initiatives. Dans le cadre de la relation la plus fondamentale que les États-Unis auront à gérer au cours de ce siècle, Washington ne peut rien faire d'autre que de répéter des positions dont Pékin a déjà fait savoir qu'elles étaient inacceptables. La seule alternative - le choix de Binken cette semaine - est de ne rien dire et de considérer comme un succès le fait qu'un nouveau gâchis ait été évité. L'amère vérité est que les meilleurs et les plus brillants éléments de Joe Biden sont trop paralysés par l'idéologie de la primauté américaine pour proposer une seule et unique nouvelle idée sur la manière d'aborder les autres grandes puissances au moment où nous entrons dans une ère historiquement novatrice.
Blinken avait l'habitude de rencontrer ses homologues chinois avec l'intention avouée d'"apaiser les tensions" ou de construire ses fameux garde-fous afin que les Chinois comprennent que nous aspirons à la paix et à la liberté, et que les choses ne doivent pas trop déraper lorsque les États-Unis provoquent, provoquent et provoquent encore. Cette fois-ci, obtenir une invitation à Pékin et trouver quelqu'un pour lui parler à son arrivée semblent avoir constitué les limites des aspirations de notre diplomate en chef.
Blinken a eu son invitation, et a obtenu des Chinois qu'ils s'entretiennent à nouveau avec lui après de nombreux mois de refus. Dimanche, il a rencontré Qin Gang, le tout nouveau ministre des affaires étrangères, qui a commencé par faire remarquer que les relations sino-américaines "sont à leur point le plus bas depuis leur existence" - une attaque non subtile contre l'homme qui a ouvert la voie en descendant à la cave. Pour le reste de leurs entretiens, Qin et Blinken se sont mis d'accord ... pour parler. Lisez le compte rendu du ministère des affaires étrangères. De la saccharine à l'état pur.
Xi n'a fait savoir à Blinken qu'il recevrait le secrétaire américain qu'une heure avant l'entretien. Pour replacer cet aspect du protocole dans son contexte, M. Xi a récemment passé plusieurs jours avec le président français Emmanuel Macron ; Luiz Ignácio Lula da Silva, le dirigeant brésilien, s'est longuement entretenu avec M. Xi lors d'une visite de cinq jours le mois dernier. C'est ainsi que les Chinois mènent leur diplomatie après quelques millénaires d'expérience : parler n'est qu'un moyen, agir en est un autre. La leçon à en tirer est évidente.
L'échange de 35 minutes entre M. Blinken et M. Xi a été presque aussi limité sur le fond que ses entretiens avec M. Qin la veille. Mais pas tout à fait. Rien d'important, ou même rien d'insignifiant, n'a été fait. Mais les remarques générales de M. Xi contenaient une position claire. Extrait de la lecture chinoise :
“La planète Terre est assez grande pour accueillir le développement respectif et la prospérité commune de la Chine et des États-Unis. Les Chinois, comme les Américains, sont des gens dignes, fiables et autonomes. Ils ont tous deux le droit d'aspirer à une vie meilleure. Les intérêts communs des deux pays doivent être valorisés, et leur succès respectif est une opportunité plutôt qu'une menace pour l'autre”.
Et :
“Nos deux pays doivent agir avec un sens des responsabilités vis-à-vis de l'histoire, des peuples et du monde, et gérer correctement les relations entre la Chine et les États-Unis. De cette manière, ils peuvent contribuer à la paix et au développement dans le monde et faire en sorte qu'un monde changeant et turbulent devienne plus stable, plus sûr et plus constructif.”
Et :
“Le président Xi a souligné que la concurrence entre les grands pays ne représente pas la tendance de l'époque, et qu'elle ne pouvait pas non plus résoudre les problèmes de l'Amérique, ni les défis auxquels le monde est confronté. La Chine respecte les intérêts des États-Unis, et ne cherche pas à les défier ou à les supplanter. De même, les États-Unis doivent respecter la Chine et ne pas porter atteinte à ses droits et intérêts légitimes. Aucune des deux parties ne doit essayer de façonner l'autre à sa guise, et encore moins la priver de son droit légitime au développement.”
Mon interprétation en langage clair : Je n'étais pas très pressé de vous rencontrer, M. Blinken, mais tant qu'à être ici, sachez que la Chine s'attend à être traitée sur un pied d'égalité, et vous devriez accorder un peu plus d'attention à nos droits légitimes en tant que nation souveraine, car vos contrôles sur les exportations de technologies nuisent intentionnellement à notre développement, et vous devriez cesser de parcourir le monde pour dire aux autres comment ils doivent vivre.
Le message d'adieu de M. Xi, cité dans l'édition de lundi du New York Times, doit être paraphrasé. "Les interactions entre États devraient toujours être fondées sur le respect mutuel et la sincérité", a déclaré M. Xi. "J'espère qu'à travers cette visite, Monsieur le Secrétaire, vous apporterez davantage de contributions positives à la stabilisation des relations sino-américaines.”
Antony Blinken a réussi à faire parler les Chinois. Mais faire parler des gens qui ne vous font pas confiance ne relève pas de la politique. Si vous considérez qu'il s'agit d'une réussite, c’est que vous avez placé la barre très bas. Selon moi, ce que Blinken a obtenu des Chinois, c'est une indifférence subtile à sa présence, comme s'ils ne l'avaient reçu que par courtoisie, après des mois de harcèlement, et quelques rappels que, même s'ils souhaitent aller au-delà des relations hostiles, ils n'ont pas l'intention de flancher face à l'hostilité des Américains.
"Nous sommes tous deux d'accord sur la nécessité de stabiliser les relations", a déclaré M. Blinken à la presse, selon la BBC, à l'issue de son entretien lundi après-midi, heure de Pékin. Mais il s'est empressé de souligner "les nombreuses questions sur lesquelles nous sommes profondément, voire farouchement, en désaccord".
C'est une sacrée déclaration de la part de “Garde-fous”, compte tenu des circonstances. J'en déduis, ainsi que son incapacité apparente à répondre aux arguments généraux de la partie chinoise, que M. Blinken est rentré chez lui lundi soir avec les deux mêmes problèmes qu'à son arrivée à Pékin le week-end dernier. Premièrement, rien n'indique que les Chinois fassent confiance au régime représenté par Blinken pour affirmer une chose - et l'appliquer , plutôt que d'affirmer une chose et d'en appliquer une autre, ce qui est la pratique des diplomates et des responsables de la sécurité nationale de Biden depuis que Blinken et Sullivan ont passé ces jours fatidiques à Anchorage, il y a deux ans, au printemps.
Deuxièmement, même si Blinken avait plus d'imagination, d'initiatives et d'habileté diplomatique qu'il n'en manifeste, il n'a pas grand-chose à offrir aux Chinois pour réparer les dommages subis par les relations entre les deux pays et dont les États-Unis sont responsables. Toute reconnaissance substantielle de la position chinoise sur des questions telles que Taïwan, les semi-conducteurs, la sécurité en mer de Chine méridionale, ou toute autre question de fond provoquerait l'ire du Capitole, où règne un consensus bipartite pernicieux. Dès le lundi après-midi, des voix se sont élevées contre la déclaration directe et toujours vraie de M. Blinken : "Nous ne soutenons pas l'indépendance de Taïwan".
Antony Blinken a enfin pu passer pour un diplomate à Pékin. Et maintenant, où en sommes-nous ?
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Pour sa part, Jake Sullivan a prononcé un discours important - enfin, qui était censé l'être - à la Brookings Institution à la fin du mois d'avril. Il l'a intitulé "Renouveler le leadership économique américain" - donc, un problème avant même qu'il ne commence - et y a appelé à "une autre forme de diplomatie américaine", ce qui soulève un autre problème : Sullivan ne préconise rien de tel. Ceux qui le suivent connaissent désormais son discours. Jusqu'à présent, notre politique était que 4 et 3 font 7, dira-t-il, mais c'est différent maintenant : 5 et 2 font 7. Et nous envisageons de changer radicalement de politique et d'annoncer bientôt que 6 et 1 font 7.
Il semble que ce soit le maximum que Sullivan puisse faire, étant donné les limites sévères que son dévouement à l'idéologie néolibérale impose à son intellect. Après que les électeurs ont envoyé Hillary Clinton au tapis en 2016 et qu'il s'est retrouvé au chômage pendant un certain temps, Sullivan a écrit un long essai pour The Atlantic, dans lequel il affirme que l'Amérique doit "sauver et récupérer" son exceptionnalisme afin de pouvoir diriger de nouveau le monde, malgré toutes les souffrances et les destructions que notre revendication d'exceptionnalisme impose au monde entier. C’est qu’avec ce gars-là, le sang coule à flots, voyez-vous. Pendant la campagne de 2020, Biden a qualifié Sullivan d'"esprit de génération". Cette idée me fascine depuis longtemps. Il est difficile d'identifier l'absurdité la plus grotesque que notre président ait essayé de vendre aux Américains, mais je pense que c'est un candidat de choix.
Lorsque Joe Biden est entré en fonction, Antony Blinken et Jake Sullivan étaient censés remédier à certains des dégâts prodigieux causés par le fanatique Mike Pompeo en tant que secrétaire d'État de Donald Trump - l'escalade inconsidérée des tensions dans le détroit de Taïwan et en mer de Chine méridionale, les tarifs douaniers et les sanctions commerciales draconiennes, le harcèlement constant du Parti communiste chinois en tant que source de tous les maux terrestres de notre époque. Faisons preuve de civisme dans nos relations avec la République populaire, faisons preuve de bon sens : telle était la publicité avant que Blinken et Sullivan n'arrivent en Alaska pour deux jours de discussions dans la salle de bal d'un hôtel - à l'hôtel Captain Cook, s'il vous plaît.
Ceux qui ont nourri de telles attentes se sont trompés. Les responsables de la sécurité nationale et de la politique étrangère de Biden ont hérité de la politique de Pompeo, et s'y sont pleinement livrés - en partie, je l'ai senti à l'époque, parce qu'ils ne pouvaient imaginer de politique alternative, et en partie parce que les cliques politiques démocrates ne se sont jamais vraiment opposées à la plupart des actions menées par les hommes de Trump.
À Anchorage, Blinken et Sullivan se sont employés à réprimander les Chinois sur tous les sujets - les droits de l'homme, la liberté de la presse, Taïwan, les Ouïgours, les manifestations de Hong Kong (soutenues par les États-Unis) et tout ce qui relève de la "liberté". Ils n'avaient rien à dire sur la suppression des droits de douane ou des sanctions de l'ère Trump, ni sur aucun autre changement de politique. Et c'est ainsi que les lumières se sont éteintes dans les relations entre les États-Unis et la Chine. J'ai longtemps considéré ces deux journées comme un tournant historique dans les relations bilatérales.
Au cours des deux années qui ont suivi, une succession de fonctionnaires de M. Biden se sont rendus en Chine pour réparer les dégâts. La formule, toujours la même, se résume à ce que j'appelle les trois "C" : la coopération sur les sujets les plus sensibles (climat, santé mondiale, criminalité internationale), la concurrence sur le plan commercial et la confrontation - avec les "garde-fous" de Tony, bien sûr - sur Taïwan, en mer de Chine méridionale et sur la sécurité à l'extrémité occidentale du Pacifique. Je ne sais plus combien de fois les responsables de la sécurité nationale de M. Biden se sont essayés aux trois "C". Et je me suis demandé combien de fois et avec quelle franchise les Chinois devaient dire "non" avant que le message ne passe.
Il semble que ce n’ait pas été assez souvent le cas. M. Blinken a évité de dire à peu près n'importe quoi lors de son séjour à Pékin cette semaine. Mais on en ressort avec l'impression que les trois "C" sont restés son modèle.
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"L'ordre économique international qui a émergé dans la seconde moitié du XXe siècle", a déclaré M. Sullivan à son auditoire de Brookings le 27 avril, "ne sert plus tous les Américains aussi efficacement qu'il le devrait". Il voulait dire qu'il ne sert plus les ambitions hégémoniques des cliques politiques du Beltway, bien sûr, mais ne nous attardons pas sur les détails. L'Amérique commence à être en perte de vitesse. Le monde est en train de dépasser son paradigme post Seconde Guerre mondiale : tel était le point de départ de Sullivan lorsqu'il l'a exprimé dans un anglais trop simpliste pour être prononcé par quelqu'un dans la position de Sullivan.
Sullivan et les autres responsables de la politique étrangère, de la politique économique et de la sécurité nationale de M. Biden sont en retard sur cette prise de conscience, pour énoncer une lapalissade, mais ils sont enfin sur la bonne voie. La détermination de la Chine à construire un "nouvel ordre mondial", la méfiance croissante à l'égard des motivations et des intentions des États-Unis, le réseau de plus en plus dense de partenariats économiques et d'alliances entre les puissances non occidentales, l'émergence éclair d'organisations telles que les BRICS et l'Organisation de coopération de Shanghai, l'OCS - tout cela a été difficile à manquer au cours de l'année écoulée.
Ce qui est étrange dans le discours de Sullivan et dans la "doctrine" qu'il préconise - et c'est vraiment étrange - c'est que le responsable de la sécurité nationale de Biden est capable d’admettre que la roue de l'histoire a tourné, et le monde avec elle, pour ensuite penser que l'Amérique doit reprendre sa position de leader, comme si le monde attendait que les États-Unis se remette en selle comme leader mondial. Cela vaut la peine d'être noté, parce que c'est la quintessence de l'irrationalité régnante parmi les planificateurs politiques de Washington. Des gens comme Sullivan semblent penser qu'ils peuvent s'asseoir dans les bureaux de Washington et imaginer de tels plans sans avoir besoin de se référer à ce que les gens peuvent penser ailleurs - des gens comme, oh, je ne sais pas, Xi Jinping, au hasard.
La doctrine - et un "d" minuscule pour toi, Jake - se compose de deux parties. Sullivan propose "d'intégrer plus profondément la politique intérieure et la politique étrangère". L'élément principal est un appel désormais familier à la reconstruction de la classe moyenne américaine, afin de rétablir la compétitivité du pays. Ne vous levez pas de votre canapé, chers lecteurs : M. Sullivan ne cite aucune mesure politique spécifique pour soutenir cette cause. Il souhaite également associer les "partenaires de l'Amérique dans le monde" à ce projet. "Ce moment exige que nous forgeons un nouveau consensus", déclare-t-il.
Il s'agit là d'une déclaration très indélicate, compte tenu de ses échos dans les triomphales années 1990, lorsque le consensus néolibéral de Washington régnait en maître, et que la majeure partie du monde asphyxiait de ressentiment lorsque les Américains l'imposaient. Sullivan, qui a compris cela, se couvre comme suit :
“L'idée qu'un "nouveau consensus de Washington", comme certains l'ont appelé, représente en quelque sorte l'Amérique seule, ou l'Amérique et l'Occident à l'exclusion des autres, est tout simplement erronée. Cette stratégie permettra de construire un ordre économique mondial plus juste et plus durable, dans notre intérêt et dans celui des peuples du monde entier.”
Un monde plus juste pour le bénéfice de tous ? Je ne peux pas prendre Sullivan au sérieux lorsqu'il profère de telles choses, car il n'y a rien pour étayer cette affirmation. Mais ce que je pense n'est pas le problème de Sullivan. Son problème, c'est que le reste du monde ne le prendra pas non plus au sérieux. Les responsables américains seront de plus en plus contraints de tenir de tels propos, compte tenu des profonds bouleversements de l'ordre mondial qui caractérisent notre époque. Mais peu de gens sont susceptibles d'accorder une quelconque confiance à ce type de rhétorique (qui n'est rien d'autre que de la rhétorique). C'est toujours le problème de l'idéologue, et il est indéniable que Sullivan en est un : tout le monde sait que les idéologues ne peuvent pas changer face à de nouvelles circonstances.
Gardez bien cette idée en tête lorsque vous lirez le résumé de la stratégie économique proposée par M. Sullivan :
“Les États-Unis, sous la direction du président Biden, poursuivent une stratégie industrielle et d'innovation moderne, à la fois sur leur territoire et avec leurs partenaires dans le monde entier. Une stratégie qui investit dans les sources de notre propre force économique et technologique, qui promeut des chaînes d'approvisionnement mondiales diversifiées et résilientes, qui fixe des normes élevées pour tout ce qui concerne le travail et l'environnement, la technologie de confiance et la bonne gouvernance, et qui déploie des capitaux pour fournir des biens publics tels que le climat et la santé.”
Sur le plan intérieur, M. Sullivan préconise de rétablir l'équilibre économique afin que la classe moyenne puisse se remettre des ravages des dernières décennies, de domestiquer ou de sécuriser les chaînes d'approvisionnement, d'investir massivement dans les infrastructures, l'innovation et les technologies énergétiques propres, et de protéger les "technologies fondamentales", au premier rang desquelles figurent les semi-conducteurs. Sur le plan politique, M. Sullivan lance un appel tout ce qu’il y a de plus bidon au "partenariat bipartite du Congrès [...] pour soutenir cette vision".
De tels propos ne peuvent être tenus qu'à condition de planer à 10 000.
Bien que je ne sois pas réductionniste, le programme de M. Sullivan, dans ses dimensions nationales et internationales, semble être dans une large mesure une réponse aux avancées économiques et technologiques de la Chine, ainsi qu'au projet de Pékin de rééquilibrage de l'économie mondiale. Le principal conseiller de M. Biden en matière de sécurité propose "des restrictions nécessaires sur certaines exportations de technologies, en particulier vers la Chine, tout en cherchant à éviter un blocus technologique pur et simple". Plus loin dans ses remarques, M. Sullivan déclare : "L'administration a l'intention de maintenir une relation commerciale substantielle avec la Chine, en s'efforçant d'instaurer une concurrence et une coopération responsables dans des domaines tels que le changement climatique, la sécurité sanitaire et la sécurité alimentaire".
C'est ce que nous appelons aujourd'hui le “de-risking” ["l'élimination du risque"]. Comme le souligne M. Sullivan, il s'agit d'une expression d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission de l'Union européenne, et nous y trouvons trois défauts. Premièrement, le "de-risking" n'est rien d'autre que l'aveu déguisé que le “de-coupling” ["dé-couplage"], le terme précédemment en vogue, n'a jamais été plus qu'un rêve impossible entretenu par des idéologues géopolitiques incapables de comprendre l'économie du 21ème siècle et les réalités de la production mondialisée.
Deuxièmement, dans tout cela, Sullivan ne mentionne absolument pas la question de Taiwan, les efforts de Washington pour priver la Chine de technologies essentielles à son développement, les tarifs douaniers, les vagues de sanctions, et ainsi de suite. De quelle doctrine s'agit-il ? Il faut dire que Sullivan manie très bien sa brosse à reluire.
Trois, nous revoilà face aux trois "C", non ? En fait, nous sommes bien plus loin. Qu'est-ce que le discours de Sullivan sur le "Renouvellement du leadership économique américain" si ce n'est un appel à rendre à l'Amérique sa grandeur d'antan ? Une fois de plus, les Chinois devront dire "Non, merci", bien que leur patience à l'égard de l'administration Biden se soit considérablement amoindrie ces deux dernières années, et qu'ils ne le disent pas avec autant de courtoisie ces derniers temps. Lors du dialogue Shangri-La* qui vient de s'achever, et qui réunit chaque année les ministres de la défense des pays riverains du Pacifique à Singapour, Li Shangfu, le ministre chinois de la défense, a pratiquement claqué la porte de sa chambre d'hôtel au nez de Lloyd Austin, lorsque le secrétaire américain à la défense a suggéré une conversation en marge de la réunion.
Antony Blinken vient d'éviter un nouveau désastre dans la capitale chinoise, mais seulement en éludant plus ou moins tout ce qui compte entre la Chine et les États-Unis. Jake Sullivan a l'air de se contenter de poursuivre son petit bonhomme de chemin qui ne mène à rien d'intéressant ou d'utile. Comment cette administration va-t-elle s'y prendre dans cette relation des plus vitales ? Peut-être que parler pour parler, avec un garde-fou occasionnel, représente la meilleure option pour M. Biden et ses collaborateurs. C'est pitoyable, mais la politique étrangère de Biden l'est aussi, après tout.
* Shangri-La est un lieu imaginaire décrit dans le roman Lost Horizon [Les Horizons perdus], écrit par James Hilton en 1933, et adapté au cinéma par Frank Capra en 1937. Lost Horizon narre l'histoire des rescapés d'un accident d'avion qui réussissent à atteindre une lamaserie utopique, appelée « Shangri-La », aux confins du Tibet. Il s'agit d'un lieu fermé dans lequel on voit de merveilleux paysages et où le temps est suspendu dans une atmosphère de paix et tranquillité.