đâđš Trop, c'est trop, Ă Gaza comme pour Assange
Le sort dâAssange semble scellĂ© en cette annĂ©e d'Ă©lection prĂ©sidentielle, sauf si Trump rĂ©itĂšre son offre de plaider coupable (qu'Assange n'acceptera peut-ĂȘtre pas) et son slogan âJâadore Wikileaks !â
đâđš Trop, c'est trop, Ă Gaza comme pour Assange
Par Alison Broinowski, le 30 janvier 2024
La Cour internationale de justice a plutĂŽt mollement rĂ©agi Ă l'appel de l'Afrique du Sud Ă la Convention sur le gĂ©nocide. Dans moins d'un mois, on peut s'attendre Ă un rĂ©sultat similaire lorsque la Royal Courts of Justice britannique entendra le dernier recours de Julian Assange contre son extradition vers les Ătats-Unis.
L'une des affaires vise Ă protĂ©ger la vie et le bien-ĂȘtre de plus de deux millions de Palestiniens contre des gĂ©nĂ©rations d'IsraĂ©liens qui, depuis 1948, se sont progressivement emparĂ©s de leur patrie et les ont confinĂ©s dans la bande de Gaza Ă plusieurs reprises depuis 2007. L'autre affaire concerne la vie et le bien-ĂȘtre d'un citoyen australien dĂ©tenu Ă l'isolement, poursuivi par les gouvernements depuis 2010, et emprisonnĂ© depuis.
Ces deux affaires semblent avoir peu de choses en commun, si ce n'est leurs rĂ©sultats prĂ©visibles. Pourtant, elles se recoupent et impliquent toutes deux les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie.
Ces trois pays soutiennent IsraĂ«l, dans le passĂ© comme aujourd'hui, sur le plan politique et militaire. Aucun d'entre eux n'a dĂ©noncĂ© les intentions du gouvernement Netanyahu comme Ă©tant gĂ©nocidaires, ni exigĂ© un cessez-le-feu permanent Ă Gaza. Les dirigeants amĂ©ricains ont accusĂ© M. Assange d'espionnage, de conspiration et de terrorisme, et les responsables britanniques ont fait pression sur leurs homologues suĂ©dois pour qu'ils le poursuivent pour un prĂ©tendu dĂ©lit d'inconduite sexuelle. Les magistrats et les mĂ©dias britanniques l'ont dĂ©clarĂ© narcissique. Alors que la situation s'aggrave Ă la fois pour la population virtuellement emprisonnĂ©e Ă Gaza et pour le prisonnier solitaire placĂ© sous haute sĂ©curitĂ© Ă Belmarsh, les dirigeants politiques d'autres pays font des dĂ©clarations creuses appelant IsraĂ«l Ă la retenue et les Ătats-Unis et le Royaume-Uni Ă accepter la libĂ©ration d'Assange.
Le systĂšme est biaisĂ© Ă la fois contre lui et contre les Palestiniens. Un accord sur deux Ătats a favorisĂ© IsraĂ«l dĂšs le dĂ©part, tandis que le massacre de la Nakba de 1947-49 se rĂ©pĂšte aujourd'hui, comme le clament les dirigeants israĂ©liens eux-mĂȘmes, sans aucune retenue. La dĂ©cision de la CIJ sur les allĂ©gations de gĂ©nocide prendra des annĂ©es et ne pourra pas ĂȘtre appliquĂ©e. IsraĂ«l peut donc faire ce qu'il veut aussi longtemps qu'il le souhaite. Il en va de mĂȘme pour les Ătats-Unis lorsqu'ils extradent Assange. Les dispositions prises par la justice britannique dans l'affaire Assange ont toujours favorisĂ© les AmĂ©ricains, leur permettant d'introduire de nouveaux actes d'accusation Ă bref dĂ©lai, et n'entendant pas les objections des avocats d'Assange. AprĂšs tant d'annĂ©es, il est peu probable qu'un jugement inverse soit rendu.
Dans les deux cas, les contestations Ă©manant de l'extĂ©rieur du systĂšme biaisĂ© sont rejetĂ©es. IsraĂ«l dispose d'un mois pour faire rapport Ă la CIJ sur son respect de la prĂ©vention des actes de gĂ©nocide contre les Palestiniens, et il n'a pas perdu de temps pour lancer de nouvelles attaques et produire des allĂ©gations contre le personnel de l'UNRWA, auxquelles les Ătats-Unis n'ont pas fait objection. Le rapporteur spĂ©cial des Nations unies sur la torture a lancĂ© un appel aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni concernant le traitement d'Assange, tout comme sa famille et le public. Tous ces appels sont ignorĂ©s par les dirigeants politiques et la plupart des grands mĂ©dias.
Et bien entendu, le systĂšme accepte les mensonges, ne les remet pas en cause et les perpĂ©tue. Les compĂ©tences des IsraĂ©liens dans le dĂ©ploiement de la hasbara ont Ă©tĂ© affinĂ©es au fil des (nombreuses) annĂ©es, en particulier l'affirmation qu'IsraĂ«l serait en droit de se dĂ©fendre (ce qui n'est pas le cas de Gaza). Les reprĂ©sentants d'IsraĂ«l, sans dĂ©tour, ont dĂ©clarĂ© Ă la CIJ que les forces de dĂ©fense israĂ©liennes mettaient tout en Ćuvre pour Ă©viter les pertes civiles. Trois prĂ©sidents d'universitĂ©s amĂ©ricaines ont Ă©tĂ© contraints de dĂ©missionner face aux attaques sionistes (maccarthystes) du CongrĂšs. Entre-temps, le grand dĂ©fenseur d'Assange et rĂ©vĂ©lateur des mensonges officiels, John Pilger, est mort, laissant une poignĂ©e de reprĂ©sentants politiques australiens, de sympathisants et de mĂ©dias indĂ©pendants poursuivre le combat.
Avec ce systĂšme, les observateurs indĂ©pendants ne peuvent entrer Ă Gaza que lorsqu'il y a un cessez-le-feu, de sorte que rien de ce que dit IsraĂ«l ne peut ĂȘtre vĂ©rifiĂ©. Les journalistes palestiniens sont pris pour cible et tuĂ©s, et seuls quelques reporters israĂ©liens critiquent la ligne du gouvernement Netanyahou. CNN en IsraĂ«l vĂ©rifie ses reportages auprĂšs d'une agence officielle. Dans le cas d'Assange, une sĂ©rie de livres, de films et des milliers d'articles rĂ©digĂ©s par des collĂšgues jaloux et hostiles ont fait du fondateur de WikiLeaks, autrefois considĂ©rĂ© comme un hĂ©ros, un âterroriste high-techâ (sĂ©nateur Joe Biden). Son sort est ainsi plus ou moins scellĂ© en cette annĂ©e d'Ă©lection prĂ©sidentielle, Ă moins que Trump ne rĂ©itĂšre son offre de plaider coupable (qu'Assange n'acceptera peut-ĂȘtre pas) et son affirmation âJâadore WikiLeaks !â.
Le systĂšme permet aux forts de traiter les faibles avec mĂ©pris. IsraĂ«l assassine les dirigeants successifs du Hamas, alors qu'aucun homme politique israĂ©lien ne figure parmi les 1200 IsraĂ©liens morts le 7 octobre. Pour les quelque 120 otages israĂ©liens encore dĂ©tenus par le Hamas, plus de 26 000 Palestiniens sont morts depuis et beaucoup d'autres sont blessĂ©s, malades ou affamĂ©s. Dans sa derniĂšre offre, le Hamas n'a pas mentionnĂ© la libĂ©ration de quelque 5 000 Palestiniens dĂ©tenus dans les prisons israĂ©liennes, souvent sans inculpation, alors que la CIJ a requis la libĂ©ration de tous les otages israĂ©liens. Quant Ă Assange, physiquement et mentalement malade, sa libĂ©ration d'une prison britannique ou amĂ©ricaine est aussi improbable que le jour oĂč IsraĂ«l laissera les Palestiniens sortir de leur enfermement Ă Gaza.
L'Australie, sous l'Ă©gide du parti travailliste, s'est rapprochĂ©e d'un soutien Ă la crĂ©ation d'un Ătat palestinien et Penny Wong souhaite une trĂȘve humanitaire dans la bande de Gaza. Mais comme la CIJ, elle n'appelle pas Ă un cessez-le-feu permanent et n'exhorte pas les alliĂ©s de l'Australie Ă cesser de livrer des armes Ă IsraĂ«l. Elle prĂ©cise que l'Australie ne l'a pas fait depuis novembre, peut-ĂȘtre parce que le gouvernement pourrait ĂȘtre accusĂ© de crimes de guerre (comme au YĂ©men). Elle dĂ©plore la situation des Palestiniens, mais souhaite la libĂ©ration des otages et affirme la âsolidaritĂ© de l'Australie avec IsraĂ«lâ. Anthony Albanese, qui a dit un jour âTrop c'est tropâ pour Assange, n'a rien obtenu de Washington ni de Londres.
Le systĂšme Ă deux vitesses fonctionne en Australie, en IsraĂ«l et aux Ătats-Unis, des colonies de peuplement qui feraient bien de rĂ©gir aux situations, comme c'est le cas de lâAfrique du Sud. Le systĂšme est hostile Ă ceux qui dĂ©voilent ses failles. Dans un tribunal britannique, Assange s'est entendu dire que âpersonne n'est au-dessus de la loiâ. Aujourd'hui, Ă Gaza, un haut responsable du Hamas a dĂ©clarĂ© que la dĂ©cision de la CIJ montrait qu'âaucun Ătat n'est au-dessus de la loiâ. Attendons de voir.
* Alison Broinowski AM est une ancienne diplomate, auteur et universitaire. Elle est membre de l'association Australians for War Powers Reform (Australiens pour la réforme des pouvoirs de guerre).
https://johnmenadue.com/enough-is-enough-for-gaza-and-assange/