👁🗨 Trump va-t-il entraver l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ?
L'objectif de Trump : geler la guerre & créer une zone tampon avec présence américaine & britannique selon le modèle Corée du Nord/Corée du Sud. Quelque chose que Poutine n'acceptera pas, a priori.
👁🗨 Trump va-t-il entraver l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ?
Par Sonja van den Ende, le 14 novembre 2024
Les politiques de l'administration Trump ont souvent semblé en contradiction avec la rhétorique du président.
Le président élu Trump s'est vanté pendant sa campagne électorale de pouvoir résoudre le conflit ukrainien en 24 heures une fois installé à la Maison-Blanche. La fanfaronnade de Trump est, bien entendu, irréaliste. Aucune guerre ne peut être stoppée en 24 heures. Il faut des pourparlers de paix et, surtout, un traité pour sécuriser le territoire et les personnes.
Et qu'en est-il de l'épineuse question de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ? Pour que la Russie parvienne à une paix durable, ce point doit être résolu. Trump va-t-il entraver l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ?
Le Sénat américain doit approuver l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, tout comme les 31 autres États membres de l'Alliance. La Russie refuse catégoriquement de laisser l'Ukraine rejoindre le bloc militaire dirigé par les États-Unis. Mais voyons comment les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN pourraient tenter d'obtenir l'adhésion de l'Ukraine sur le plan procédural.
La politique “America First” de Trump aura des conséquences pour l'OTAN. À ce stade, on ne sait même pas si un nouveau Congrès à majorité républicaine votera sur l'admission de l'Ukraine à l'OTAN.
Les récentes élections américaines montrent que le peuple américain a choisi de changer de cap, mais ce changement sera-t-il toléré par les pouvoirs en place ? Qu'importe le parti, Démocrates ou Républicains, qui siège au Congrès et gouverne l'Amérique ? Les va-t-en-guerre vont-ils encore gagner ?
Trump n'est pas encore à la Maison Blanche. Il n'y sera pas avant le 20 janvier, et l'administration Biden sortante pourrait réserver des surprises au cours ces deux prochains mois.
Le président Biden peut accélérer le processus d'admission de l'Ukraine au sein de l'OTAN, et le Congrès actuel ou un futur Congrès se prononcer sur cette adhésion, même après la fin du mandat du président Biden. Le Sénat américain pourrait également voter sur un traité approuvant l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN dès les prochaines semaines, même s'il lui faudra des années pour devenir un membre à part entière. Les Démocrates et certains Républicains ont bon espoir que cette solution permette à l'Ukraine d'adhérer à l'OTAN. Beaucoup de gens oublient, dans la “fièvre électorale” de ces dernières semaines et le battage autour de Donald Trump, que Démocrates comme Républicains soutiennent la guerre par procuration contre la Russie, et aimeraient voir l'Ukraine rejoindre l'OTAN.
On a récemment appris que les Républicains de la Chambre des représentants - qui président les commissions de Sécurité nationale - ont officiellement déposé une requête faisant pression sur le président Biden pour qu'il lève les restrictions restantes quant à l'utilisation par l'Ukraine des missiles à longue portée ATACMS (Army Tactical Missile Systems) fournis par les États-Unis.
Bien que le fils de Trump, Donald Jr, ait récemment déclaré que le nouveau gouvernement exclut les “faucons de guerre”, des personnalités pro-Ukraine occuperont probablement des postes au sein du cabinet. Cela inclut le sénateur Lindsey Graham, membre éminent du GOP et grand soutien de Trump, qui pourrait se voir confier un poste ministériel.
M. Graham a ouvertement déclaré à CNN et CNBC que le Donbass regorge de ressources minières sur lesquelles l'Amérique aimerait mettre la main et que l'accès à ces richesses naturelles est au cœur du conflit.
Le sénateur fanatique a également déclaré, - et ne vous y trompez pas, c'est un grand ami politique de Trump et il aura beaucoup d'influence dans la prochaine administration - que “Trump accordera à l'Ukraine de nombreux moyens de pression pour mettre un terme à la guerre”.
Alors, les Américains se font-ils encore avoir ? En croyant que maintenant que Trump est élu, la guerre par procuration contre la Russie va s'achever rapidement... pour que les bellicistes américains déclenchent une autre guerre, disons, contre l'Iran.
Pourtant, la fin du conflit en Ukraine ne sera ni facile ni rapide. Trump peut certes réduire des accords à néant, comme il l'a fait lors de sa première présidence avec le traité sur le nucléaire iranien, mais pourrait-il en conclure d'autres ? Pour élaborer, par exemple, un traité de sécurité impliquant la Russie dotée de la puissance nucléaire, l'alliance encombrante de l'OTAN et le régime fasciste corrompu de Kiev.
La situation est complexe. Tout d'abord, le sommet de Bucarest en 2008 a vu tous les membres de l'OTAN accepter que l'Ukraine rejoigne l'Alliance. Ils ont également convenu que la prochaine étape pour l'Ukraine sur la voie de l'adhésion passerait par le plan d'action pour l'adhésion (MAP), le programme de réformes politiques, économiques, de défense, de ressources, de sécurité et juridiques de l'OTAN pour les pays candidats.
Deuxièmement, lors du récent Sommet de Washington en 2024, s'appuyant sur les décisions prises au Sommet de Madrid en 2022 et au Sommet de Vilnius en 2023, les alliés de l'OTAN ont réaffirmé que l'avenir de l'Ukraine passe par l'OTAN, et qu'ils continueront à soutenir le pays dans son parcours irréversible vers une intégration euro-atlantique à part entière à l'OTAN.
Trump peut-il simplement arrêter ce processus massivement engagé ? En théorie, oui, mais les 31 autres États protesteront vigoureusement, en particulier les États russophobes d'Europe de l'Est, et une déclaration de nullité de ces accords doit être approuvée à l'unanimité.
En réalité, il est peu probable que Trump sorte simplement de l'OTAN, selon des entretiens avec d'anciens responsables de la sécurité nationale de Trump et des experts de la défense susceptibles de servir dans un second mandat de Trump.
Mais même s'il quitte officiellement l'organisation, les membres de l'OTAN ont renforcé leurs troupes en Pologne, en Lettonie, en Lituanie et en Roumanie depuis des mois, voire des années. Récemment, de nombreux navires transportant du matériel militaire américain sont arrivés aux Pays-Bas, pays de transit de l'OTAN.
Ensuite, un autre scénario se profile : le nouveau secrétaire général de l'OTAN, l'ex-Premier ministre néerlandais Mark Rutte, est un va-t-en-guerre pur et dur que la catastrophe du vol MH17, imputée sans fondement à la Russie, a radicalisé. Rutte affirme qu'avec ou sans Trump, l'OTAN est bien préparée à la menace prétendument posée par la Russie. En outre, M. Rutte souhaite discuter avec le président élu Donald Trump d'une réponse commune à la menace croissante présumée de la Russie, de la Chine, de l'Iran et de la Corée du Nord.
M. Rutte cherche à s'attirer les faveurs de Donald Trump en encensant ses velléités de faire dépenser plus aux pays de l'OTAN en matière de défense, au-delà de l'objectif actuel de 2 % du PIB.
Pour Trump, semble-t-il, les ennemis prioritaires sont l'Iran et la Chine. Mark Rutte, avec son parler facile et ses talents de persuasion, pourrait convaincre Trump que la Russie et la Corée du Nord sont les pires menaces, et que la Corée du Nord possède des missiles nucléaires à longue portée qui peuvent également frapper l'Amérique. M. Rutte affirme que la Russie fournit la technologie nécessaire permettant à la Corée du Nord de cibler les États-Unis.
Serions-nous en train d'assister à une renaissance de la souveraineté européenne ? L'administration Trump sera-t-elle le facteur déclencheur d'une consolidation de l'Europe en tant que bloc indépendant ? Les anciens pays du Pacte de Varsovie, tels que les États baltes, la République tchèque et la Pologne, aux prises avec le risque de radicalisation, semblent tous résolument hostiles à la Russie.
On a longtemps pensé que l'OTAN ne pouvait exister sans l'Amérique, mais est-ce vrai ? Les dépenses militaires ont augmenté de façon vertigineuse ces dernières années, en partie grâce aux avoirs volés à la Russie pour l'achat d'armes en Ukraine. Le nouveau mode de guerre est axé sur les drones et l'intelligence artificielle (IA), si bien que le manque d'effectifs dont souffrent les pays de l'OTAN n'est pas un facteur contraignant.
La levée des sanctions imposées à la Russie est un autre problème. Celles-ci ont été imposées sous la première administration de Trump (2016-2020), quand la Russie a fait l'objet du plus grand nombre de sanctions dans l'histoire d'après-guerre de l'Amérique. La politique de l'administration Trump a souvent semblé en décalage avec la rhétorique du président. Les livraisons d'armes à l'Ukraine ont également commencé sous sa première administration : en 2017, les États-Unis ont livré des armes antichars létales à l'Ukraine pour l'aider à lutter contre les séparatistes soutenus par la Russie.
Trump n'a pas non plus fait reculer la loi Magnitsky [loi de sanction vis-à-vis des autorités de la fédération de Russie- 14 décembre 2012/Obama]. L'Europe a fidèlement appliqué toutes les mesures prises par les États-Unis, a imposé des sanctions et fourni des “armes pour la paix” à l'Ukraine.
Trump va-t-il revenir sur tout cela ? Je ne crois pas. Trump a été élu avant tout pour mettre en œuvre le principe “America First”, et cela coûte de l'argent, beaucoup d'argent. L'objectif de la nouvelle administration Trump est de geler la guerre et de créer une zone tampon avec des soldats américains et britanniques selon le modèle mis en place en Corée du Nord et Corée du Sud. Quelque chose que le gouvernement russe n'acceptera pas, a priori.
Le président russe Vladimir Poutine a déjà déclaré qu'il s’opposerait à cette solution. Et Trump ne se retirera pas de l'Otan, ce qui risque sans doute d'entraîner la poursuite des hostilités.
https://strategic-culture.su/news/2024/11/14/will-trump-stop-ukraine-from-joining-nato/