👁🗨 Tu me manques tant, mon frère
J'ai cette vision de ton corps enfoui sous les décombres. Elle flotte dans mon esprit & fait chavirer mon cœur. Je voudrais tant te voir, tu sais. Te serrer une dernière fois dans mes bras.
👁🗨 Tu me manques tant, mon frère
Par Mahmoud Alyazji, le 25 mai 2024
Je n'aurais jamais pensé te perdre ainsi. J'aimerais te rejoindre. Je voudrais tant te voir, tu sais. Te serrer une dernière fois dans mes bras.
En m'endormant, j'ai cette vision de ton corps sous les décombres. Puis je prends mon téléphone et je regarde nos photos.
Aujourd'hui, j'ai mangé une glace. Cela faisait longtemps. Je sais que là où tu es, tout va mieux, mais je te voudrais ici, avec moi. T'offrir cette glace au chocolat que tu aimes, voilà mon cadeau.
Je voulais t'apporter le T-shirt de Barcelone que tu aimais, et des gants d'hiver épais parce que tu as toujours froid aux mains l'hiver en rentrant de mon programme d'échange aux États-Unis,.
J'essaie d’aller mieux, mon ami. Je fais de grandes marches. Au bout de la route, je te vois, debout. Mais tu n'as pas l'air heureux. Tu as cette expression spéciale lorsque tu te plaignais des moments difficiles vécus.
Pourquoi ton image s'estompe-t-elle ? Me voilà, j'arrive. Je cours plus vite. Je peux entendre ton “Jadah ya Hoda - tu es quelqu’un de fort et génial, Hoda”. Tu me l'as toujours dit.
En m’endormant, j'ai cette vision de ton corps enfoui sous les décombres. Elle flotte dans mon esprit et fait chavirer mon cœur. Puis je prends mon téléphone et je regarde nos photos.
Je te revois arriver à la plage avec une pastèque, souriant, dans l'espoir d'effacer l'image cruelle de ton corps froid enfoui sous les décombres. Mais j'ai le cœur serré. Je suis en colère. J'aimerais grimper sur le toit du monde et crier fort - assez fort pour être entendu aux quatre coins de la planète. Je veux leur crever les oreilles. Mon cri ferait écho à la souffrance, il dessinerait un arc-en-ciel de sang.
Mohammed, es-tu mort en tenant ta mère dans tes bras ? Ta mère cuisinait pour nous et tenait à ce que nous mangions. Ou dans les bras de ton père ? La dernière fois que nous avons préparé un barbecue ensemble, il m'a appris à le faire comme un pro, et il t'a appelé pour prendre une photo de moi à l'œuvre.
La semaine dernière, j'ai parlé de toi à mon frère Ahmed. En général, Ahmed ne pleure pas, mais il a pleuré au téléphone. Ma mère aussi a pleuré. Elle se souvient que tu aimais son mahashi. [légumes farcis] Toute ma famille t'aimait, même mon chat, Bsbs. Tu étais notre frère.
Tu étais cet ami sur qui on peut toujours compter, toujours là pour aider et donner. Un mois avant que je ne quitte Gaza, toi et les deux frères Khalid veniez chez moi tous les jours. Je vous disais en plaisantant de rentrer chez vous. “Je ne fais qu’un voyage, je ne vais pas mourir.” Mais vous avez insisté pour venir, et on bavardait, on plaisantait ensemble en buvant du thé et en mangeant des bzr [graines de tournesol].
Lorsque je t'ai appelé en ligne par vidéo, tu m'as dit : “Hoda, rien n'est plus pareil sans toi.” Je t'ai dit que je ne reviendrais que dans quelques mois. J'ai dit que nous irions manger des shawarma [kebab traditionnel] et des luqaimat [pâtisserie à base de pâte frite citronnée imbibée de sirop ou parfois de miel]. Je n'ai jamais pensé ne jamais te revoir.
Tu as fait spécialement une vidéo avant mon départ pour me dire à quel point j’allais te manquer. Je regarde chaque image, des larmes plein les yeux, le cœur brûlant, les mains tremblantes, alors que j'écris ces mots. Tu me manques, mon frère.
Je n'aurais jamais pensé te perdre ainsi. Je n'oublierai jamais qu’une frappe aérienne israélienne t’a tué, toi et ta famille sous le toit de votre grand-père.
Je voudrais te rejoindre. J'aimerais tant te voir, mon ami. Te prendre une dernière fois dans mes bras.
Tes rendez-vous pour une balade, juste pour parler et encore parler, vont me manquer. Jamais je ne me suis posé de questions avant de te dire quoi que ce soit, et je suis sûr que tu ne t'en posais pas non plus. Nous avons tant ri si souvent ensemble et personne ne savait pourquoi, à part nous deux. Tes merveilleuses traductions me manqueront. Tu étais si doué, si exigeant. Je n'oublierai jamais ton sourire, tes rêves, ta voix, ton optimisme, ta générosité et ta gentillesse. Toi et les tiens étiez une seconde famille pour moi.
Je t'aime tant, habibi Mohammed Zaher Hammo. Je t'aime, et tu resteras gravé dans ma mémoire jusqu'à ma dernière heure.
Allah Yerhamko - repose en paix.