👁🗨 UC Global a espionné Assange & les réunions de Rafael Correa avec les anciens présidents de l'Argentine, du Brésil & de l'Uruguay pour le compte de la CIA.
Morales a fait programmer [l’espionnage d’Assange] de manière à ce que les Équatoriens "ne voient que ce qui les intéresse, & non pas qui génère le plus de connexions, ou qui se connecte au système."
👁🗨 UC Global a espionné Assange & les réunions de Rafael Correa avec les anciens présidents de l'Argentine, du Brésil & de l'Uruguay pour le compte de la CIA.
Par José Maria Urijo, le 18 juillet 2023
Morales a demandé à ses employés de programmer la diffusion [de l’espionnage d’Assange] de manière à ce que les Équatoriens "ne voient que ce qui les intéresse [...] et non pas qui génère le plus de connexions, ou qui s’est connecté au système".
Le patron de la société qui espionnait également Julian Assange conservait dans son coffre-fort des photos intimes d'un membre du corps diplomatique équatorien.
David Morales, propriétaire de la société de sécurité espagnole UC Global, S.L., qui a espionné Julian Assange alors que le fondateur de Wikileaks vivait réfugié à l'ambassade d'Équateur à Londres, aurait également espionné pour le compte de la CIA les réunions tenues en 2018 par l'ancien président de l'Équateur, Rafael Correa (2007-2017), avec d'anciens présidents de l'Argentine, Brésil et Uruguay - Cristina Fernández de Kirchner, Luiz Inácio Lula da Silva, Dilma Rousseff et José Mujica - selon un nouvel examen de son ordinateur portable MacBook ordonné par le juge espagnol Santiago Pedraz, qui enquête sur Morales depuis trois ans.
L'ancien officier militaire avait été engagé par le gouvernement Correa pour assurer la sécurité de l'ambassade d'Équateur, où Assange avait trouvé refuge. M. Morales a chargé ses employés d'espionner les réunions d'Assange avec ses avocats, mais il a fait de même avec M. Correa, surtout après son départ du pouvoir, pour transmettre des informations à son successeur et adversaire politique, M. Lenín Moreno.
Les ordinateurs de Sofía et Anne, les filles de Correa, ont été infectés à deux reprises par des chevaux de Troie (virus déguisés en logiciels authentiques) de la société Tradesegur, installés sur leurs téléphones portables - deux iPhone 5 livrés par l'entreprise espagnole en 2014 - alors que leur père était encore président. Les chevaux de Troie permettaient un contrôle total de leurs messages et de leurs conversations alors que les jeunes femmes étudiaient en France.
Selon la nouvelle analyse de l'ordinateur portable de Morales, saisi par la police après son arrestation en 2019, le nom "CIA" apparaît plusieurs fois sur un disque dur externe sur lequel il a classé les projets et les opérations auxquels UC Global a participé. Selon ces informations, auxquelles EL PAÍS a eu accès, Correa et son attaché de presse Amauri Chamorro Venegas étaient accompagnés par des employés d'UC Global travaillant comme gardes du corps lors d'un voyage entre le 18 et le 24 mars 2018, qui ont enregistré le détail des réunions de l'ancien président. Le service de protection présidentielle de l'Équateur était tenu d'assurer la sécurité des anciens présidents, et a fait appel aux services de la société espagnole, qui avait déjà travaillé pour l'ambassade de l'Équateur dans la capitale britannique.
L'enquête a révélé qu'en plus des rapports écrits sur le voyage de 2018, Morales en a rédigé d'autres en anglais sur les réunions privées de Correa à son domicile de Bruxelles, où il s'est installé après avoir quitté la présidence. Correa a mis fin à sa relation avec UC Global en mai 2019, lorsqu'un de ses gardes du corps lui a confié que Morales leur avait demandé de rédiger des rapports sur ses réunions et ses activités personnelles et politiques.
Interrogé par les avocats d'Assange sur le pourquoi de ces courriels et autres documents rédigés en anglais, l'ancien Marine a déclaré au tribunal qu'il essayait "d'améliorer l'anglais de ses employés." Parmi les documents saisis au siège d'UC Global figurent des vidéos de l'ancien président équatorien lors de réunions avec des tiers.
L'enquête judiciaire montre que M. Morales a voulu se couvrir en vendant les informations au plus offrant. Parmi ces nouvelles révélations, il s’avère que le gouvernement de Lenín Moreno (2017-2021), successeur de Correa, figurait parmi ses clients.
Lorsque le gouvernement de Moreno a résilié son contrat de la sécurité de l'ambassade équatorienne à Londres, où vivait Assange, Morales s'est senti trahi, et a avoué au cadre d'UC Global en Équateur qu'il avait transmis les informations privées de Correa à son ennemi politique. Correa a intenté une action en justice contre Morales auprès de la Haute Cour espagnole.
Des photos intimes conservées dans un coffre-fort
Des images intimes impliquant un membre de la mission diplomatique en poste à l'ambassade d'Équateur à Londres ont également été découvertes parmi les nouvelles preuves, sur une clé USB cachée dans un coffre-fort, au siège de la société à Jerez de la Frontera, dans le sud de l'Espagne. Malgré leur caractère incriminant, ces images ne faisaient pas partie des éléments remis par la police au juge Pedraz lors de la première perquisition des appareils de M. Morales.
L'un des trois témoins protégés, qui ont déposé dans le cadre de la plainte déposée par Assange contre Morales, a remis au juge un rapport contenant des photographies intimes du diplomate. Elles ont été extraites d'un disque dur privé appartenant au diplomate, qui a été copié par un employé d'UC Global. Ces documents ont été remis par Morales à Quito à Bolívar Garcés, directeur du Senain [Secretaría Nacional de Inteligencia], le service national du renseignement équatorien aujourd'hui dissous, lorsqu'il a été informé que son contrat de sécurité à l'ambassade de Londres allait prendre fin. Les conversations WhatsApp entre M. Morales et ses employés semblent indiquer qu'il avait l'intention d'utiliser les photographies comme moyen de chantage afin de ne pas perdre le contrat, attribué à une société équatorienne. "Je vais utiliser les images et les diffuser. Au fait [...] as-tu le rapport qui a été fait sur elle [...] J’imagine que tu l'as détruit, non ?", écrit-il dans un message. M. Morales a justifié la possession de ces images en invoquant une découverte fortuite lors d'une "analyse de sécurité" de l'ordinateur du diplomate, et a déclaré que, en découvrant leur contenu, il avait décidé d'en parler à M. Garcés.
Le diplomate qui apparaît sur les images a engagé des poursuites contre Morales, et a déclaré que ces images se trouvaient sur un disque dur qu'il avait laissé dans son bureau de l'ambassade et qu'il l'avait effacé. "Je l'ai effacé il y a de nombreuses années. C'était sur un disque externe ; il était chez moi. J'ai installé le disque dans mon bureau à l'ambassade pendant quelques jours parce que je devais enregistrer certaines choses", a déclaré la victime. Dans sa déclaration, le plaignant a indiqué qu'il avait été informé de la découverte des données par Garcés, qui a déclaré que Morales avait tenté de le racketter. Cette tentative d'extorsion présumée a été faite "non seulement aux dépens du colonel Garcés, mais aussi du général responsable de Senain, et à d'autres fonctionnaires, comme le vice-ministre des affaires étrangères de mon gouvernement", affirme la victime.
De nouveaux indices sur la surveillance d'Assange
Les nouvelles données extraites de l'ordinateur portable de Morales ont fourni de nouveaux indices sur la transmission présumée à la CIA des enregistrements entre Assange et ses avocats lorsqu’il vivait à l'ambassade d'Équateur à Londres. En décembre 2017, Morales a envoyé un courriel à ses employés depuis l'hôtel The Venetian à Las Vegas, dans lequel il disait avoir reçu des instructions pour programmer la diffusion des enregistrements audio et vidéo du fondateur de Wikileaks. Il leur a dit qu'il fallait programmer la diffusion de manière à ce que les Équatoriens "ne voient que ce qui les intéresse [...] et non pas qui génère le plus de connexions, ou qui s’est connecté au système". Les instructions en anglais pour créer un deuxième utilisateur afin d'accéder aux caméras ont été découvertes dans un fichier PowerPoint joint à ce courriel.
La nouvelle investigation dans les archives de l'entreprise de Morales a été effectuée à la demande de la défense d'Assange, et sur ordre du juge Pedraz. La différence de taille ou de volume entre les deux copies - l'originale prélevée par la police sur les ordinateurs, les clés USB et les appareils électroniques de M. Morales - et la recherche la plus récente, représente 213,1 Go, soit 551 616 fichiers et 973 fichiers de courrier électronique. La police affirme avoir utilisé, lors de la première saisie, un système de traitement automatique des données permettant d'extraire les types de fichiers recherchés.
* Jose Maria Irujo est responsable de la recherche. Spécialiste du terrorisme de l'ETA et djihadiste, il a travaillé à El Globo, Cambio 16 et Diario 16. Pour ses enquêtes, notamment l'affaire Roldán, il a reçu de nombreux prix, dont le prix Ortega y Gasset et le prix international du roi d'Espagne. Il a publié cinq livres, dont le dernier, "El Agujero", sur le 11-M.