đâđš Un anniversaire que l'Occident aimerait oublier
La âdĂ©nazificationâ est le maillon faible de lâopĂ©ration militaire russe, compte tenu des ancrages entre lâAllemagne & les groupes nĂ©onazis ukrainiens Ă Kiev dans la pĂ©riode prĂ©-coup d'Ătat de 2014.
đâđš Un anniversaire que l'Occident aimerait oublier
Par M.K. Bhadrakumar, le 26 janvier 2024
La pertinence contemporaine de l'effort nazi pour exterminer les Russes par la famine forcée pendant le siÚge de Leningrad.
Samedi, un anniversaire marquant des annales de l'histoire moderne reste enraciné dans la psyché russe. Le siÚge de Leningrad, sans doute l'épisode le plus effroyable de la Seconde Guerre mondiale, a duré 900 jours et a finalement été levé par l'Armée rouge soviétique le 27 janvier 1944, il y a 80 ans.
Le siÚge a touché plus de 3 millions de personnes, dont prÚs de la moitié sont mortes, pour la plupart au cours des six premiers mois, lorsque la température est tombée à 30° au-dessous de zéro.
Ce fut un Ă©vĂ©nement apocalyptique. Les civils sont morts de faim, de maladie et de froid. Pourtant, la victoire fut hĂ©roĂŻque. Les habitants de Leningrad n'ont jamais tentĂ© de se rendre, mĂȘme si les rations alimentaires Ă©taient rĂ©duites Ă quelques tranches de pain mĂ©langĂ©es Ă de la sciure de bois, et que les habitants se nourrissaient de colle, de rats - et mĂȘme de leurs semblables - alors que la ville Ă©tait privĂ©e d'eau, d'Ă©lectricitĂ©, de carburant, de moyens de transport et qu'elle Ă©tait bombardĂ©e jour aprĂšs jour.
C'est le 22 juin 1941 que les armées allemandes ont franchi les frontiÚres russes. En l'espace de six semaines, le corps d'armée Nord de la Wehrmacht, les forces armées du TroisiÚme Reich, s'est retrouvé à moins de 50 kilomÚtres de Leningrad dans une fantastique guerre éclair et s'est enfoncé de 650 km dans le territoire soviétique.
Un mois plus tard, les Allemands avaient pratiquement achevé de boucler la ville, seule une route périlleuse traversant le lac Ladoga, à l'est, reliait Leningrad au reste de la Russie. Mais les Allemands ne sont pas allés plus loin. Et 900 jours plus tard débutait leur retraite.
Le siÚge épique de Leningrad a été le plus long enduré par une ville depuis les temps bibliques, et les citoyens sont devenus des héros - artistes, musiciens, écrivains, soldats et marins qui ont obstinément résisté à l'intrusion des balles dans leurs ùmes.
TĂ©tanisĂ©s par la perspective d'une reddition Ă l'Union soviĂ©tique, les nazis prĂ©fĂšrent dĂ©poser les armes devant les forces alliĂ©es occidentales, mais le gĂ©nĂ©ral Dwight Eisenhower, commandant suprĂȘme du Corps expĂ©ditionnaire alliĂ© en Europe, ordonne que l'honneur de la victoire revienne Ă l'ArmĂ©e rouge.
C'est lĂ que rĂ©side l'un des plus grands paradoxes de la guerre et de la paix des temps modernes. Aujourd'hui, l'anniversaire du siĂšge de Leningrad est certainement devenu un Ă©vĂ©nement dont les Ătats-Unis et nombre de leurs alliĂ©s europĂ©ens prĂ©fĂ©reraient ne pas se souvenir. Pourtant, sa pertinence contemporaine ne doit pas ĂȘtre minimisĂ©e.
Morts de faim
Les dirigeants nazis avaient pour objectif d'exterminer toute la population de Leningrad par une famine forcée. La mort par la faim était un acte délibéré de la part du Reich allemand.
Selon Joseph Goebbels, Adolf Hitler
âavait l'intention de faire disparaĂźtre des villes comme Moscou et Saint-PĂ©tersbourgâ. C'Ă©tait âindispensableâ, Ă©crit-il en juillet 1941, âcar si nous voulons dĂ©couper la Russie en plusieurs parties", elle ne doit "plus avoir de pĂŽle spirituel, politique ou Ă©conomiqueâ.
Hitler lui-mĂȘme a dĂ©clarĂ© en septembre 1941 :
âNous n'avons aucun intĂ©rĂȘt Ă maintenir ne serait-ce qu'une partie de la population mĂ©tropolitaine dans cette guerre existentielleâ. Toute idĂ©e de reddition de la ville doit ĂȘtre ârejetĂ©e, car nous ne pouvons pas rĂ©soudre le problĂšme posĂ© par la prĂ©servation et l'alimentation de la populationâ.
En d'autres termes, on a laissĂ© la population de Leningrad mourir de faim, tout comme les millions de prisonniers de guerre soviĂ©tiques dĂ©tenus par la Wehrmacht. L'historien Jörg GanzenmĂŒller a Ă©crit plus tard que cette forme de meurtre de masse Ă©tait rentable pour Berlin, car il s'agissait d'un âgĂ©nocide par non-interventionâ.
âUn gĂ©nocide par non-interventionâ. Ces mots glaçants s'appliquent tout aussi bien aujourd'hui aux âsanctions infernalesâ de l'Occident, dont l'objectif inavouĂ© est d'âeffacerâ la Russie et de dĂ©couper cinq nouveaux Ătats sur son vaste territoire dotĂ© de fabuleuses ressources susceptibles d'ĂȘtre exploitĂ©es par le monde industriel.
La plus grande des ironies est que l'Allemagne est encore aujourd'hui Ă l'avant-garde de la stratĂ©gie du âgĂ©nocide par non-interventionâ visant Ă affaiblir la FĂ©dĂ©ration de Russie et Ă la mettre Ă genoux.
L'administration Biden s'est appuyée sur la troïka allemande pour mener à bien ses efforts d'effacement de la Russie : Ursula von der Leyen, haut fonctionnaire de l'Union européenne à Bruxelles, Olaf Schulz, chancelier allemand, et Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangÚres.
George Santayana, philosophe, essayiste, poĂšte et romancier hispano-amĂ©ricain, a dit un jour : âCeux qui oublient le passĂ© sont condamnĂ©s Ă le revivreâ. VoilĂ comment prospĂšre l'extrĂȘme droite.
En Allemagne et ailleurs, les jeunes générations se désintéressent de l'histoire du fascisme. L'idée d'un quatriÚme Reich a connu un engouement sans précédent et traverse actuellement une nouvelle phase de normalisation en Europe. Le tumulte des bouleversements politiques dans le monde occidental en est la toile de fond.
L'auteur de âThe Fourth Reich : The Specter of Nazism from World War II to the Presentâ, Gavriel Rosenfeld, historien et professeur d'histoire et d'Ă©tudes judaĂŻques, a Ă©crit que
âle seul moyen de faire taire le chant des sirĂšnes du quatriĂšme Reich est d'en connaĂźtre l'histoire dĂ©taillĂ©e. Bien qu'il soit de plus en plus difficile, dans notre monde actuel de âfake factsâ et de dĂ©sinformation dĂ©libĂ©rĂ©e, de dĂ©gager un consensus sur la vĂ©ritĂ© historique, nous n'avons pas d'autre choix que de poursuivre cette quĂȘteâ.
La justification de la violence politique est un classique du fascisme. La semaine derniÚre, nous avons assisté à un spectacle à couper le souffle à la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, qui nous a rappelé que nous sommes désormais dans la phase légale du fascisme.
Si les nazis ont utilisĂ© le judĂ©o-bolchĂ©visme comme leur ennemi dĂ©signĂ©, IsraĂ«l fait la mĂȘme chose en brandissant le croquemitaine du Hamas. Le fascisme se nourrit de rĂ©cits d'humiliation nationale supposĂ©e par des ennemis internes.
On oublie souvent qu'un mouvement social et politique fasciste se développe en Israël depuis des décennies. Comme d'autres mouvements fascistes, il est truffé de contradictions internes, mais ce mouvement a aujourd'hui un leader autoritaire traditionnel en la personne du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui l'a façonné et exacerbé, et est bien décidé à le normaliser durant son mandat politique.
Il est fort probable que dans quelques jours, la CIJ donnera une sorte d'ordre/injonction provisoire à Israël pour mettre fin à la violence contre les infortunés Palestiniens de Gaza. Mais le mouvement fasciste que dirige aujourd'hui Netanyahou l'a précédé, et lui survivra.
Ces forces se nourrissent d'idéologies profondément ancrées dans l'histoire juive. Elles défendent sans doute un passé national fictif, glorieux et vertueux, mais ce serait une grave erreur de penser qu'elles ne peuvent pas finir par gagner.
Les Russes apprennent cette vĂ©ritĂ© Ă leurs dĂ©pens en Ukraine, oĂč la âdĂ©nazificationâ s'avĂšre ĂȘtre le maillon faible de leur opĂ©ration militaire spĂ©ciale, compte tenu de ses ancrages gĂ©opolitiques remontant Ă la relation de l'Allemagne avec les groupes nĂ©onazis ukrainiens Ă Kiev dans la pĂ©riode prĂ©cĂ©dant le coup d'Ătat de 2014, dont les Ătats-Unis ont hĂ©ritĂ© avec jubilation pour ne plus la lĂącher.
* M.K. Bhadrakumar est un ancien diplomate. Il a été ambassadeur de l'Inde en Ouzbékistan et en Turquie.
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https://consortiumnews.com/2024/01/26/an-anniversary-the-west-would-rather-forget/