đâđš Un journaliste britannique risque des annĂ©es de prison pour refuser de communiquer ses mots de passe Ă la police
Richard Medhurst est le premier journaliste soumis Ă une enquĂȘte en vertu de l'article 12 de la loi sur le terrorisme de 2000. Si Londres gagne, aucun journaliste Ă Londres ne sera plus en sĂ©curitĂ©.
đâđš Un journaliste britannique risque des annĂ©es de prison pour refuser de communiquer ses mots de passe Ă la police
Par Stefania Maurizi, le 2 janvier 2024
Richard Medhurst est le premier journaliste arrĂȘtĂ© et soumis Ă une enquĂȘte en vertu de l'article 12 de la loi sur le terrorisme de 2000. La police britannique a cherchĂ© Ă obtenir les mots de passe de ses tĂ©lĂ©phones, dont un tĂ©lĂ©phone hautement sĂ©curisĂ© dotĂ© d'un systĂšme d'exploitation Graphene. Si les autoritĂ©s britanniques l'emportent, aucun journaliste se rendant Ă Londres ne sera plus en sĂ©curitĂ© quant Ă la protection de ses sources.
Il s'agit d'un cas sans prĂ©cĂ©dent. Et cela risque de dĂ©clencher un danger sans prĂ©cĂ©dent pour le journalisme. La police britannique a tentĂ© Ă plusieurs reprises d'obtenir les mots de passe des tĂ©lĂ©phones du journaliste indĂ©pendant britannique Richard Medhurst, premier reporter arrĂȘtĂ© Ă Londres en vertu de l'article 12 : ses analyses et commentaires sur le bain de sang d'IsraĂ«l Ă Gaza - qu'Amnesty International a qualifiĂ© de gĂ©nocide - ont Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©s par la police comme un soutien Ă des organisations interdites au Royaume-Uni, telles que le Hamas et le Hezbollah.
Fils de deux soldats de la paix de l'ONU, M. Medhurst a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© en aoĂ»t dernier Ă l'aĂ©roport londonien d'Heathrow : dĂšs son atterrissage, il a Ă©tĂ© emmenĂ© par six policiers. Dans une interview accordĂ©e Ă Il Fatto Quotidiano, Medhurst a dĂ©clarĂ© qu'il se rendait au festival Beautiful Days, oĂč il devait s'entretenir avec l'ancien ambassadeur britannique Craig Murray et le rappeur britannique Lowkey. Il a Ă©tĂ© dĂ©tenu pendant prĂšs d'une journĂ©e, interrogĂ© pendant deux heures et s'est vu confisquer ses deux tĂ©lĂ©phones, ses Ă©couteurs, ses cĂąbles, ses microphones et ses cartes SIM. Depuis lors, Richard Medhurst fait l'objet d'une enquĂȘte pour terrorisme. S'il est inculpĂ© et condamnĂ© en vertu de l'article 12, il risque quatorze ans de prison.
Le syndicat britannique des journalistes, la NUJ, et la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes (FIJ) ont publiquement condamnĂ© son arrestation et le recours aux lois antiterroristes contre des journalistes âsimplement pour avoir fait leur travailâ.
Richard Medhurst avait sur lui un iPhone et un Google Pixel Ă©quipĂ©s du systĂšme d'exploitation Graphene, axĂ© sur la protection de la vie privĂ©e et considĂ©rĂ© comme particuliĂšrement sĂ»r. Il refuse de communiquer ses mots de passe car, comme tous les tĂ©lĂ©phones de journalistes, ils contiennent des informations qui pourraient permettre d'identifier ses sources. Souvent, pour un journaliste, donner ses mots de passe Ă la police signifie donner les noms et les contacts de ses sources. Le droit de les protĂ©ger est reconnu Ă tous les journalistes du monde libre et confirmĂ© par de nombreux arrĂȘts de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, car si nous, journalistes, ne protĂ©geons pas ceux qui nous parlent de maniĂšre confidentielle, personne ne le fera plus.
Les experts consultĂ©s par Il Fatto Quotidiano, comme Steven Murdoch, professeur d'ingĂ©nierie de la sĂ©curitĂ© Ă l'University College London, estiment que, sur la base des informations publiquement disponibles en juillet dernier, la police n'a aucune chance d'extraire les informations du tĂ©lĂ©phone Ă systĂšme d'exploitation Graphene, en utilisant la technologie bien connue de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne Cellebrite. Et avec d'autres ? Murdoch cite le logiciel XRY de MSAB : âIl est difficile de dire s'il aurait permis Ă la police d'extraire des donnĂ©esâ.
Les autoritĂ©s britanniques pourraient Ă©galement faire appel Ă la Cour et obtenir d'un juge qu'il ordonne au journaliste de leur remettre ses donnĂ©es. Si Richard Medhurst refuse, il risque entre deux et cinq ans de prison. Il Fatto Quotidiano a tentĂ© de savoir s'il existe d'autres cas dans les dĂ©mocraties occidentales oĂč des journalistes risquent la prison s'ils ne remettent pas leurs mots de passe. Malheureusement, ni la FĂ©dĂ©ration Internationale des Journalistes, ni Reporters Sans FrontiĂšres (RSF) ne disposent de statistiques Ă ce sujet. Mais Rebecca Vincent, qui dirige les campagnes de RSF, n'a aucun doute :
âNous avons suivi des cas d'autoritĂ©s obligeant des journalistes Ă divulguer leurs mots de passe ou interfĂ©rant avec leurs appareils dans toutes les rĂ©gions du monde, des dĂ©mocraties occidentales aux rĂ©gimes plus autoritairesâ, explique-t-elle Ă notre journal, âl'impact est le mĂȘme : au mieux, il intimide les journalistes travaillant sur des sujets sensibles, et au pire, il compromet la protection des sources journalistiquesâ.
La police britannique ne conteste pas que Medhurst soit journaliste et que les tĂ©lĂ©phones saisis soient des outils de travail utilisĂ©s dans le cadre de la profession journalistique. Le problĂšme est qu'elle exige nĂ©anmoins l'accĂšs aux donnĂ©es dans le cadre d'une procĂ©dure de ce type : le journaliste rĂ©vĂšle les mots de passe, les informations contenues dans les tĂ©lĂ©phones sont remises entre les mains d'un policier ou d'un avocat âindĂ©pendantâ, chargĂ© de les passer au crible et de dĂ©cider lesquelles doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©es par la confidentialitĂ© des sources journalistiques et lesquelles ne doivent pas l'ĂȘtre. Il s'agit en fait d'une façon de fournir des informations sensibles au gouvernement britannique sur un plateau. Si les autoritĂ©s britanniques l'emportent, aucun journaliste se rendant Ă Londres ne sera plus en sĂ©curitĂ©.