đâđš Un juge amĂ©ricain autorise les visiteurs d'Assange Ă poursuivre la CIA pour violation prĂ©sumĂ©e de la vie privĂ©e
âLes visiteurs dâAssange Ă lâambassade ont subi un prĂ©judice concret et spĂ©cifique pouvant ĂȘtre attribuĂ© au programme dâespionnage de la CIA, prĂ©judice pouvant ĂȘtre rĂ©parĂ© par une dĂ©cision favorableâ.
đâđš Un juge amĂ©ricain autorise les visiteurs d'Assange Ă poursuivre la CIA pour violation prĂ©sumĂ©e de la vie privĂ©e
Par Kevin Gosztola, le 19 décembre 2023
Un juge fĂ©dĂ©ral a dĂ©cidĂ© que quatre avocats et journalistes amĂ©ricains, qui ont rendu visite Ă Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, alors qu'il Ă©tait rĂ©fugiĂ© dans l'ambassade de l'Ăquateur Ă Londres, peuvent poursuivre la Central Intelligence Agency (CIA) pour leur rĂŽle dans la copie prĂ©sumĂ©e du contenu de leurs appareils Ă©lectroniques.
Les AmĂ©ricains ont fait valoir que la CIA et son directeur Mike Pompeo, par l'intermĂ©diaire de la sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© espagnole UC Global et de son directeur David Morales, ont âviolĂ© leur attente raisonnable en matiĂšre de vie privĂ©eâ en vertu du quatriĂšme amendement de la Constitution des Ătats-Unis.
Richard Roth, avocat des quatre Américains, a déclaré :
âNous sommes trĂšs satisfaits du rejet par le tribunal des mesures prises par la CIA pour rĂ©duire au silence les plaignants, qui cherchent simplement Ă dĂ©noncer sa tentative de mener Ă bien la vendetta de Mike Pompeo contre WikiLeaks.â
En août 2022, ces quatre Américains ont intenté un procÚs à la CIA et à Pompeo : Margaret Ratner Kunstler, militante des droits civiques et avocate spécialisée dans les droits de l'homme, Deborah Hrbek, avocate spécialisée dans les médias qui a représenté Assange ou WikiLeaks, le journaliste John Goetz, qui a travaillé pour Der Spiegel lorsque l'organe de presse allemand s'est associé pour la premiÚre fois à WikiLeaks, et le journaliste Charles Glass, qui a écrit des articles sur Assange pour The Intercept.
Glass, Goetz, Hrbek et Kunstler ont affirmĂ© qu'on leur avait demandĂ© de âremettreâ leurs appareils Ă©lectroniques Ă des employĂ©s d'UC Global, engagĂ©s par le gouvernement Ă©quatorien pour assurer la sĂ©curitĂ© de l'ambassade.
Le 4 juin, le journal espagnol El PaĂs a rapportĂ© que Morales avait un dossier sur son ordinateur portable intitulĂ© âCIAâ. (UC Global et Morales ont Ă©galement Ă©tĂ© poursuivis par Glass, Goetz, Hrbek et Kunstler).
Le gouvernement des Ătats-Unis a requis le rejet des plaintes contre la CIA et Pompeo. Le juge John Koeltl, du tribunal de premiĂšre instance du district sud de New York, a acceptĂ© plusieurs arguments du gouvernement, mais a refusĂ© de rejeter la plainte relative aux allĂ©gations selon lesquelles la CIA aurait copiĂ© le contenu dâappareils Ă©lectroniques, et violĂ© la vie privĂ©e des plaignants [PDF].
âDans un discours prononcĂ© en avril 2017â, a notĂ© Koeltl, âPompeo a promis que son bureau s'engagerait dans une campagne Ă long terme contre WikiLeaks. Les plaignants allĂšguent que Pompeo et la CIA ont recrutĂ© Morales pour mener une surveillance sur Assange et ses visiteurs lors d'une convention de l'industrie de la sĂ©curitĂ© privĂ©e en janvier 2017 Ă l'hĂŽtel Las Vegas Sands Ă Las Vegas, dans le Nevada.â
âPeu aprĂšs son retour de la convention de Las Vegas, Morales a crĂ©Ă© une unitĂ© opĂ©rationnelle et amĂ©liorĂ© les systĂšmes d'UC Global pour mettre en Ćuvre le prĂ©tendu accord avec la CIA. La copie du contenu des appareils Ă©lectroniques des plaignants faisait partie de ce prĂ©tendu accordâ.
Koeltl a ajoutĂ© : âEn outre, les plaignants affirment que les donnĂ©es collectĂ©es par UC Global ont Ă©tĂ© soit livrĂ©es en personne Ă Las Vegas, Washington, D.C. et New York par Morales (qui s'est rendu Ă ces endroits plus de soixante fois au cours des trois annĂ©es qui ont suivi la convention de Las Vegas), soit placĂ©es sur un serveur fournissant un accĂšs externe Ă la CIA.â
Selon M. Koeltl, âla question de savoir si Morales et UC Global agissaient effectivement en tant qu'agents de Pompeo et de la CIA est une question de fait qui ne peut ĂȘtre tranchĂ©e dans le cadre d'une motion d'irrecevabilitĂ©â.
âDans cette optique, la faute allĂ©guĂ©e est une violation de l'attente raisonnable des plaignants en matiĂšre de respect de la vie privĂ©e concernant le contenu de leurs appareils Ă©lectroniques en vertu du QuatriĂšme Amendement. Le gouvernement admet que les plaignants avaient le droit au respect de la vie privĂ©e dans le contenu de leurs appareils Ă©lectroniquesâ, a dĂ©clarĂ© M. Koeltl.
Lors d'une audience en novembre, M. Koeltl s'est intéressé au fait que le gouvernement n'avait apparemment pas obtenu de mandat pour accéder au contenu des appareils électroniques des avocats ou des journalistes.
Une dĂ©cision antĂ©rieure dans l'affaire Amnesty v. Clapper, qui contestait la âlĂ©galitĂ© du programme de collecte de mĂ©tadonnĂ©es tĂ©lĂ©phoniques massiveâ mis en Ćuvre par la National Security Agency (NSA), a aidĂ© M. Koeltl Ă dĂ©terminer que les AmĂ©ricains prĂ©tendument visĂ©s avaient qualitĂ© pour poursuivre la CIA.
âSi la perquisition (de leurs conversations et de leurs appareils Ă©lectroniques) et la saisie (du contenu de leurs appareils Ă©lectroniques) effectuĂ©es par le gouvernement Ă©taient illĂ©gales, les plaignants ont subi un prĂ©judice concret et particulier qui peut ĂȘtre attribuĂ© au programme contestĂ©, et qui peut ĂȘtre rĂ©parĂ© par une dĂ©cision favorableâ, a dĂ©clarĂ© M. Koeltl.
Il a Ă©galement affirmĂ© que les AmĂ©ricains n'avaient pas Ă dĂ©montrer que le gouvernement prĂ©voyait d'âutiliser de maniĂšre imminenteâ les informations recueillies Ă partir de leurs appareils Ă©lectroniques.
En revanche, M. Koeltl a rejeté trois autres plaintes contre la CIA, l'une concernant la surveillance des conversations des avocats et journalistes américains avec M. Assange, l'autre concernant des photographies de passeports et d'appareils qui auraient été prises, et la troisiÚme visant spécifiquement M. Pompeo en sa qualité individuelle d'ancien fonctionnaire.
M. Koeltl est d'accord avec le gouvernement pour dire que les AmĂ©ricains prĂ©tendument visĂ©s âsavaient qu'Assange Ă©tait surveillĂ© avant mĂȘme l'implication prĂ©sumĂ©e de la CIAâ. Il a jugĂ© pertinent qu'ils n'aient pas indiquĂ© qu'ils n'auraient pas rencontrĂ© M. Assange s'ils avaient su que leurs conversations Ă©taient surveillĂ©es.
Sachant que le personnel de sĂ©curitĂ© aurait facilement pu entendre leurs conversations, il n'y avait pas dââattente raisonnable de respect de la vie privĂ©eâ.
Il s'est également rangé du cÎté du gouvernement en ce qui concerne l'argument selon lequel les Américains ont volontairement remis leurs appareils à la sécurité de l'ambassade, assumant ainsi le risque que leurs passeports et leurs appareils soient photographiés par le gouvernement.
Il est important de noter que M. Koeltl n'a pas tenu compte du fait que les personnes qui ont rendu visite Ă M. Assange ne pouvaient pas savoir que la sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© travaillant Ă l'ambassade de l'Ăquateur entretenait des relations officieuses avec la CIA pour aider le gouvernement amĂ©ricain Ă cibler M. Assange.
M. Assange Ă©tait le rĂ©dacteur en chef de WikiLeaks, une organisation mĂ©diatique pratiquant rĂ©guliĂšrement des activitĂ©s de journalisme. La publication de documents classifiĂ©s du gouvernement amĂ©ricain a suffisamment gĂȘnĂ© les responsables de l'armĂ©e et des agences de sĂ©curitĂ© pour qu'ils prennent des mesures de rĂ©torsion. Ces reprĂ©sailles ne devraient pas ĂȘtre justifiĂ©es aussi facilement comme faisant partie de la protection de la âsĂ©curitĂ© nationaleâ.
Enfin, en 1971, un arrĂȘt de la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis connu sous le nom de Bivens a crĂ©Ă© une procĂ©dure permettant d'engager des poursuites contre des fonctionnaires du gouvernement fĂ©dĂ©ral pour violation des droits constitutionnels d'une personne. Pompeo a Ă©tĂ© poursuivi en vertu de cette doctrine.
Les tribunaux se montrent extrĂȘmement rĂ©ticents Ă autoriser les plaignants Ă demander des dommages-intĂ©rĂȘts quand une affaire risque de crĂ©er un prĂ©cĂ©dent, ou d'amener un tribunal Ă s'immiscer dans des questions de sĂ©curitĂ© nationale et de politique Ă©trangĂšre. Cette affaire n'a pas dĂ©rogĂ© Ă la rĂšgle, puisque M. Koeltl a refusĂ© d'autoriser les AmĂ©ricains Ă recourir Ă l'arrĂȘt Bivens pour demander des comptes Ă M. Pompeo.
Le gouvernement amĂ©ricain, au nom de la CIA, fera probablement appel de cette dĂ©cision. NĂ©anmoins, il s'agit d'une Ă©volution notable, car il est tout Ă fait possible qu'un procĂšs civil ait lieu, oĂč l'espionnage des citoyens amĂ©ricains par la CIA serait remis en question. Et ce, alors que le gouvernement amĂ©ricain s'apprĂȘte Ă prendre une mesure sans prĂ©cĂ©dent en poursuivant un Ă©diteur en justice pour son travail journalistique.
https://thedissenter.org/judge-assange-visitors-may-sue-cia-for-spying/