đâđš Un monde pas fait pour nous
Gaza n'est pas quâune alerte info. Elle est peuplĂ©e de vraies personnes qui aiment, Ćuvrent, bĂątissent, guettent les lueurs du jour mĂȘme s'ils pleurent toute la nuit & que les larmes ne cessent jamais
đâđš Un monde pas fait pour nous
Par Mohammed Mohisen, le 1er juillet 2025
Un monde qui observe notre souffrance... et dĂ©tourne le regard. Un monde oĂč nous n'existons que par les gros titres.
Ils ont bombardé Al-Baqa...
Lâunique endroit oĂč trouver encore un peu de rĂ©pit, pour respirer, voir la mer, vivre, tout simplement, ne serait-ce qu'un instant â encore Ă peine humains.
Ils l'ont bombardé... deux heures à peine aprÚs mon passage.
J'ai survĂ©cu... une fois de plus. Mais j'ai oubliĂ© le nombre de fois oĂč c'est arrivĂ©. Je ne cĂ©lĂšbre mĂȘme plus ma survie, elle n'est que davantage de douleur, et de peur qui refuse de me quitter.
Combien d'endroits âsĂ»rsâ reste-t-il encore ? Combien de temps me reste-t-il ?
Ils ont tué le petit havre de paix le plus chaleureux de Gaza. Al-Baqa Café, notre deuxiÚme maison, un refuge pour l'ùme, berceau du rire et des souvenirs.
Chaque table avait son histoire. Chaque coucher de soleil sur cette petite terrasse Ă©tait tĂ©moin d'un moment de vĂ©ritĂ© â Une belle coĂŻncidence... des larmes partagĂ©es... une douleur commune.
Ce n'Ă©tait pas quâun cafĂ©. Une patrie miniature. Une innombrable famille. Un lieu oĂč tous se connaissaient. Et le plus beau ? Pas besoin d'invitation. Il suffisait dâarriver ... et retrouver ceux que nous aimions.
Mais aujourd'hui, Le refuge n'est plus et la douleur bien prĂ©sente. Que Dieu ait pitiĂ© des Ăąmes des martyrs. Et quâil demande des comptes Ă toutes les mains qui ont dĂ©truit les chapitres de nos vies.
Ăa suffit, le monde.
Ăa suffit, l'AmĂ©rique.
Ăa suffit, IsraĂ«l.
Ăa suffit, les dirigeants arabes.
Ăa suffit, le Hamas.
Nous, le peuple palestinien de Gaza, crions, saignons et supplions : âĂa suffitâ.
Nous, les dĂ©placĂ©s, les sans-abri, les dĂ©vastĂ©s qui dorment Ă mĂȘme le trottoir et dans les dĂ©combres. Nous qui n'avons plus ni maison, ni sĂ©curitĂ©, ni mĂȘme un bout de pain pour nourrir nos enfants affamĂ©s.
Ce n'est pas du cinéma. Nous n'exagérons pas. Nous parlons d'une miche de pain, une seule, sans pouvoir la trouver.
Assez de morts. Par Dieu, assez.
Nous nâarrivons plus Ă compter les morts. Nous ne pouvons plus retenir tous les noms.
Chaque rue est imprégnée de sang. Chaque rue crie de douleur.
Pitié.
Pitié pour un peuple qui meurt cent fois chaque jour.
Pitié pour Gaza. Ses enfants. Ses femmes. Ses hommes brisés.
Mon DieuâŠ
Nous n'avons plus de force.
Sauve-nous de cet enfer Ă ciel ouvert.
Sauve-nous d'une mort que nous vivons dĂ©jĂ , mĂȘme si nous respirons encore.
Al-Baqa n'était pas qu'un café.
C'Ă©tait lâĂ©treinte chaleureuse dans le froid de la nuit. Une bouffĂ©e d'air quand nous allions asphyxier. Un sourire au coeur de notre Ă©puisement.
Des chaises, des tables et du bois, pleins d'Ăąme, pleins d'amour.
Chaque table a vu des larmes, des rires, des inconnus devenir amis, des cĆurs tomber amoureux de lâendroit.
Aujourd'hui... Al-Baqa n'est plus. Ils l'ont bombardĂ©. Un bain de sang. Ils ont brĂ»lĂ© nos souvenirs. Ils ont brisĂ© nos cĆurs.
Al-Baqa n'est plus et une partie de nous sâest envolĂ©e avec lui. Il n'y a plus rien Ă dire. Le chagrin est trop lourd pour les mots.
âJe vais bienâ, c'est ce que nous disons aux Ă©trangers. Mais Ă ceux que nous aimons, nous disons :
âAllons Ă Al-Baqa... asseyons-nous Ă notre ancienne table⊠et je te dirai enfin tout ce que j'ai gardĂ© pour moiâ.
Un avion de combat israélien a bombardé le café Al-Baqa, sur le front de mer de Gaza. Juste au-dessus de ceux qui étaient assis là .
L'un des lieux les plus appréciés de Gaza, toujours bondé, toujours animé.
Nous sommes encore sous le choc de l'horreur du massacre d'Al-Baqa, de notre refuge, notre réconfort, aujourd'hui réduit en miettes. Tant de nos amis et proches ont été tués là -bas. Des noms connus. Des noms aimés. On se souvient d'eux comme de martyrs disparus en une fraction de seconde. Un massacre indescriptible. Une catastrophe inimaginable.
Nous avons connu Al-Baqa, avec quelques chaises et tables en plastique au bord de l'eau. Nous avons fĂȘtĂ© l'ouverture, la pose du toit de feuilles de palme. Que Dieu bĂ©nisse ces jours, ces souvenirs qui n'existent plus que dans nos cĆurs.
Al-Baqa, le premier lieu à connaßtre à Gaza. Chacun y avait son histoire, d'avant ou d'aujourd'hui. Et ceux qui s'y trouvaient n'attendaient rien d'autre qu'un peu de normalité. Un souffle. Une pause dans l'horreur.
Et vous â vous avez bombardĂ© ce souffle de vie du haut d'un avion de combat.
Que Dieu fasse justice Ă toute cette violence.
Qu'Il pulvérise votre arrogance et fasse trembler tous ceux qui vous aident.
Al-Baqa rassemblait des jeunes, des journalistes, tous Ă©puisĂ©s par la vie. Un lieu oĂč se poser, s'asseoir en bord de mer.
Et maintenant, vous l'avez bombardé.
Al-Baqa n'est plus.
Et Gaza pleure.
Un cafĂ© tout en bois, avec pour tout mobilier tables et chaises, frappĂ© par un missile tirĂ© dâun avion de combat, assez puissant pour dĂ©truire des tours.
Ils ont bombardĂ© du bois et des rires, comme si la joie elle-mĂȘme Ă©tait une menace.
Le bilan est maintenant de 33 morts, des hommes jeunes et des familles entiÚres juste allés respirer l'air marin, unique consolation au coeur de toute cette horreur.
De toutes les scĂšnes du massacre, parmi les corps des martyrs, il y a aujourd'hui une image que je ne peux m'empĂȘcher de voir, pas quâavec mes yeux, mais aussi avec mon Ăąme. Je reste lĂ Ă regarder, me demandant :
Pourquoi nous ?
J'ai vu un homme prenant sa femme dans ses bras, en courant, et lui murmurer : âNous sommes lĂ , mon amour... n'aie pas peurâ. J'ai vu un fils bercer sa mĂšre, et la supplier : âReste en vie pour moi, maman... s'il te plaĂźtâ. J'ai vu une mĂšre ensanglantĂ©e assise Ă mĂȘme le sol de l'hĂŽpital aux cĂŽtĂ©s de son fils, une poche de perfusion Ă la main parce qu'il n'y avait pas de lit pour lui. Et elle murmurait : âYousef... je t'aime, mon chĂ©ri. Je suis si dĂ©solĂ©e de nâavoir pu mieux te protĂ©gerâ.
Ă quoi servent les mots aprĂšs cela ?
La femme s'est éteinte, non pas dans la paix, mais dans une pause mortelle qui frappe Gaza depuis prÚs de deux ans.
Et l'homme haletait, espĂ©rant peut-ĂȘtre que quelqu'un le sauve de cette mort, pour dĂ©couvrir qu'une autre l'attend ensuite.
Comme nous sommes seuls
ĂcrasĂ©s sous un ciel sans misĂ©ricorde.
Asphyxiés sous les décombres, le silence, le poids de l'indifférence du monde.
Hier fut l'un de ces jours profondément imprimés en vous, de ceux qu'on n'oublie jamais.
Le brillant et crĂ©atif Ismail Abu Hatab a Ă©tĂ© tuĂ©, avec plus de 30 des jeunes hommes les plus brillants de Gaza, dans l'attentat contre le cafĂ© Al-Baqa, un endroit oĂč ils Ă©taient simplement venus sâassoir... pour parler, rire... peut-ĂȘtre mĂȘme oser rĂȘver, le temps dâun instant.
La veille, Samar Al-Sadeq, une jeune fille tendre, si gentille et à la voix douce, a été tuée avec toute sa famille.
N'oublions jamais ces visages. Des histoires jamais terminĂ©es. Des rires soudainement rĂ©duits au silence. Des rĂȘves qui n'ont pas eu la chance de voir le jour.
Gaza n'est pas seulement une alerte info.
Gaza est peuplée de vraies personnes
De gens qui aiment, Ćuvrent, bĂątissent,
De gens qui attendent la lumiĂšre du jour
MĂȘme s'ils pleurent toute la nuit et que les larmes ne cessent jamais.
Ismail a d'abord été blessé, puis tué.
Il a été blessé au début de la guerre et a dû cesser de travailler.
Mais dÚs qu'il s'est rétabli, il a repris son appareil photo pour documenter, exposer et immortaliser les crimes de l'occupation.
Et aujourd'hui... Israël l'a tué sur le rivage de Gaza.
Il ne tenait pas dâarme, juste un objectif, une histoire. Et maintenant, cette histoire est terminĂ©e Mais nous continuerons Ă la raconter.
L'artiste Frans Al-Salmi a été tuée lors du massacre perpétré par l'occupant en bombardant le refuge d'Al-Baqa.
C'est sa derniĂšre peinture. Comme si, Ă chaque coup de pinceau, elle peignait sans le savoir son propre adieu.
La plupart des martyrs étaient des artistes, des journalistes et des voix que le monde écoutait autrefois. Ils étaient les ambassadeurs de l'amour et de la beauté de Gaza.
Mon cĆur est lourd, Ă©crasĂ© par une douleur infinie.
Triste pour une ville effacée... réduite en poussiÚre. Triste pour les jeunes ùmes, les amis, les familles, tout un peuple qui s'élÚve en martyr. Triste pour nos proches affamés, déplacés, brisés. Triste pour les filles et les fils les plus brillants de cette terre, emportés les uns aprÚs les autres. Triste pour les combattants les plus courageux de la résistance, traqués avec leurs familles, pris pour cible juste parce qu'ils existent.
Triste pour tout. Tout brise le cĆur. Tout blesse l'Ăąme.
Soutenez-nous, faites un don dĂšs maintenant et partagez đ”đžâ€ïžđ Nous n'avons aucune source de revenus depuis le dĂ©but cette guerre nous survivons uniquement grĂące Ă la gĂ©nĂ©rositĂ© des dons. C'est tout ce qui nous maintient en vie. Pas nos emplois. Pas nos Ă©conomies. Juste la gentillesse d'Ă©trangers alors que tout autour de nous n'est plus que ruines. https://gofund.me/5d8e2841
Traduit par Spirit of Free Speech