👁🗨 Un parcours diplomatique semé d'embûches : les espoirs de Julian Assange d'éviter l'extradition sont mis à mal par les États-Unis
L'inflexible posture américaine n'est toutefois pas une surprise. Les USA ont toujours été déterminés à poursuivre des ressortissants étrangers, même lorsque leurs alliés s'y sont opposés.
👁🗨 Un parcours diplomatique semé d'embûches : les espoirs de Julian Assange d'éviter l'extradition sont mis à mal par les États-Unis
Par Holly Cullen*, le 3 août 2023
Les espoirs du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, d'éviter l'extradition vers les États-Unis, où il est accusé d'espionnage et d'utilisation abusive d'ordinateurs, ont récemment été mis à mal.
Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken, interrogé samedi sur la demande du gouvernement australien de mettre fin aux poursuites, a déclaré que Julian Assange était "accusé de comportements criminels très graves [...] [qui] risquent de porter atteinte à notre sécurité nationale".
Il a également demandé que les Australiens tiennent compte du point de vue des États-Unis sur l'affaire.
Ces déclarations décevront les partisans de M. Assange. Auparavant, les États-Unis n'avaient pas répondu directement aux déclarations du gouvernement australien. Le gouvernement Albanese a déclaré à plusieurs reprises qu'il estimait que le processus de poursuite d'Assange avait duré trop longtemps et qu'il devait être mené à son terme.
D'un point de vue diplomatique, passer du silence ou de l'ambiguïté à une opposition plus tranchée à la position du gouvernement australien suggère que les États-Unis pourraient avoir décidé de poursuivre Assange malgré les objections de l'Australie.
Toutefois, le Premier ministre Anthony Albanese a déclaré que la position du gouvernement australien n'avait pas changé et que le secrétaire d'État Blinken n'avait fait que répéter en public ce qui avait été dit en privé. Il considère que le processus diplomatique se poursuit, même si personne ne peut douter qu'il soit désormais plus difficile.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le ministre britannique de l'intérieur a ordonné l'extradition d'Assange vers les États-Unis en juin 2022. Le recours juridique d'Assange contre la décision a été rejeté, et fait actuellement l'objet d'une procédure d'appel. Parallèlement, M. Assange a contesté l'ordonnance devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Toutefois, sa meilleure chance de retrouver la liberté est de voir les États-Unis abandonner les poursuites, ou de le gracier.
Sous l'ancien président Barack Obama, les États-Unis ont refusé de poursuivre Assange, son cas pouvant ouvrir la porte à des poursuites pour espionnage contre des journalistes de grands quotidiens. L'administration Trump a émis un acte d'accusation contre Assange en 2019, et l'administration Biden a poursuivi le processus d'extradition.
Les Australiens détenus dans des pays étrangers peuvent obtenir un soutien auprès de la représentation australienne la plus proche, et ont le droit de communiquer avec les agents consulaires australiens. M. Assange a parfois rejeté cette aide, mais il a reçu cette année la visite des représentants australiens au Royaume-Uni, y compris, fait inhabituel, celle du haut-commissaire Stephen Smith.
Certaines situations sont politiquement sensibles. Les gouvernements les traitent directement et les échanges ne sont pas rendus publics.
La question est de savoir si, en rendant publique leur position sur M. Assange, les États-Unis montrent qu'ils ne changeront pas d'avis, ce qui signifie qu'il serait inutile de poursuivre les négociations avec l'Australie.
M. Assange bénéficie d'un soutien croissant de la part des parlementaires australiens. Un groupe de députés a rencontré l'ambassadrice américaine Caroline Kennedy en mai dernier.
Mais la position américaine inflexible sur le maintien des poursuites n'est pas une surprise. Les États-Unis ont toujours été déterminés à poursuivre des ressortissants étrangers, même lorsque leurs alliés s'y sont opposés.
En 1999, l'Allemagne a poursuivi les États-Unis devant la Cour internationale de justice pour ne pas avoir accordé à des diplomates allemands l'accès à deux ressortissants allemands accusés de meurtre passible de la peine capitale. Bien que la Cour ait donné raison à l'Allemagne, les États-Unis ont poursuivi, et exécuté les deux frères.
Que se passera-t-il si les démarches du gouvernement australien échouent ?
Dans d'autres cas, les efforts diplomatiques de l'Australie ont abouti à des résultats positifs.
Récemment, elle a réussi à bloquer les poursuites ou l'extradition de ressortissants placés sous sa protection. En 2022, la pression australienne a permis le retour du professeur Sean Turnell du Myanmar, où il était accusé d'atteinte à la sécurité nationale.
En 2019, l'engagement direct de Marise Payne, alors ministre des affaires étrangères, auprès de la Thaïlande a bloqué l'extradition de Hakeem Al-Araibi, réfugié et résident permanent australien, vers le Bahreïn.
L'Australie, en collaboration avec le Royaume-Uni, a obtenu la libération de l'universitaire australo-britannique Kylie Moore-Gilbert d'Iran en novembre 2020. Il s'agissait d'une situation diplomatique plus complexe en raison des relations moins cordiales entre l'Iran, le Royaume-Uni et l'Australie.
Les États-Unis semblent résister aux pressions australiennes plus fréquemment que les petits États. Les partisans de M. Assange espéraient qu'une demande directe de l'Australie, proche allié des États-Unis, aboutirait à sa libération.
Si les États-Unis ont résisté à la demande de l'Australie, ils n'ont pas encore officiellement fermé la porte. Tant qu'Assange n'est pas extradé, il est toujours possible que les efforts de persuasion de l'Australie aboutissent.
En cas d'échec, l'Australie n'aurait que peu d'options. Elle pourrait appliquer des mesures diplomatiques symboliques, telles que la convocation de l'ambassadeur américain ou le renvoi de l'ambassadeur australien des États-Unis dans son pays pour consultation.
De telles mesures traduiraient son engagement, mais demeureraient dans la sphère des relations diplomatiques.
En effet, protéger les ressortissants australiens dans les pays étrangers relève moins de la loi que du succès de la pratique diplomatique.
Bien que M. Albanese ait déclaré que l'Australie continuerait à faire des démarches concernant M. Assange, la voie diplomatique semble désormais plus hasardeuse.
* Holly Cullen est professeur adjoint à l'université d'Australie occidentale.