👁🗨 Une faillite morale absolue
C'est bien notre civilisation qu'on prend en pleine face. La dystopie génocidaire d'une faillite morale absolue. Voilà ce que nous sommes devenus. Nous avons permis à nos gouvernants de nous façonner.
👁🗨 une faillite morale absolue
Par Caitlin Johnstone, le 15 décembre 2024
Écouter une lecture de cet article par Tim Foley
C'est drôle, le genre de choses qui nous touche quand on est témoin du cauchemar à Gaza, de toutes les horreurs qui s'y passent jour après jour. Aujourd'hui, j'ai vu une vidéo d'un enfant palestinien de six ans, amputé des jambes, qui se traîne dans son camp de tentes, un bras dans un roller, et cela m'a littéralement anéantie.
C’est un de ces rollers en ligne apparus dans les années quatre-vingt-dix. Nous appelions ça des rollers. Les garçons occidentaux en ont fait leur sport favori durant des étés pleins de joie et de rires, de genoux écorchés et de taches d'herbe bien vertes. Aujourd'hui, un petit garçon nommé Mohammad Saeed s'en sert pour se déplacer dans la poussière, car ses jambes ont été arrachées par des bombes militaires occidentales, lancées par des Israéliens qui ont aussi sans doute fait du roller lorsqu'ils étaient petits.
Ce génocide dure depuis si longtemps que les enfants amputés dans tout Gaza élaborent des stratégies pour survivre sans leurs membres.
Une étude récente a révélé que la quasi-totalité des enfants de Gaza pensent que leur mort est imminente, et la moitié des enfants interrogés ont déclaré qu'ils préféraient mourir.
Mais leur vie continue. Même avec des membres disparus, souvent amputés sans morphine ni anesthésie, leur vie continue. En se traînant dans des camps de tentes boueux, ils continuent à vivre. Ils trouvent chaque jour un moyen de s'en sortir.
Ce type d'histoire pourrait vous inspirer en tant que témoins passifs et non comme victimes de la structure du pouvoir occidental dont vous dépendez. Pour ceux d'entre nous qui vivent à l'ombre de l'empire centralisé des États-Unis, c'est un peu plus compliqué émotionnellement parlant que le simple récit d'une histoire sur la détermination indomptable du peuple palestinien, parce que cette histoire nous rappelle aussi notre incapacité à faire cesser ces violences.
Quand on voit Mohammad Saeed se traîner dans la terre sur ses moignons de jambe à l'aide d'un roller, c'est bien notre civilisation qu'on prend en pleine figure. La dystopie génocidaire d'une faillite morale absolue. Voilà ce que nous sommes devenus. Nous avons permis à nos gouvernants de nous façonner.
Cher Mohammad, j’ai tellement de chagrin. Je suis tellement navrée que nous ayons permis qu'on en soit là. Je suis horrifiée qu'on t'ait pris tes jambes, et pour tout ce que l'on t'a enlevé d'autre. Tes parents peut-être. Tes frères et sœurs sans doute. Assurément, des êtres chers. Et bien évidemment, ta maison et ton enfance.
Je n'ai rien à offrir en ce moment, ni à mes lecteurs ni à Mohammad Saeed, si ce n'est mon propre chagrin. Tout ce qu'on peut faire, certains jours, c'est déverser son cœur jusqu’à terre, et conseiller aux passants de ne pas glisser dessus, des larmes ruisselant du trou béant dans la poitrine.
Rien de tout cela n'est juste, et je me refuse à faire croire que c'est juste. Je n'ai pas non plus envie d'essayer de positiver, ou de dire que ça va s'arranger. Il est des choses tout simplement abominables, et il y a de quoi se sentir horriblement mal. Les sentiments sont là pour être ressentis. La tristesse, la colère, la honte, l'accablement, et bien plus encore.
Nous vivons dans un monde d'une beauté à couper le souffle, et d'une barbarie à faire frémir. Chaque molécule recèle des explosions d'amour dans une société gouvernée par de véritables monstres.
Nous sommes assez adultes pour supporter ces paradoxes. Nous sommes capables de percevoir la majesté de la création, et le choc du génocide. L'amour tendre et généreux pour nos semblables, et l'abomination de la barbarie que nous nous infligeons les uns les autres. La griserie de la vie sur cette drôle de planète bleue, et l’immense chagrin d'avoir échoué, échec après échec, à vouloir rendre cette planète un peu plus heureuse.
Les meilleurs comme les pires peuvent s'épanouir dans ce monde. Je n'ai clairement pas de solutions ou de remèdes miracles à offrir. Nous faisons de notre mieux pour nous comporter correctement, et survivre jour après jour. Nous prenons nos patins, et poursuivons sur notre lancée, en rampant.