đâđš Une tomate porteuse d'espoir
Chaque jour, elle sortait avec les garçons, arrosait le sol avec le peu d'eau que nous avions & murmurait une priĂšre silencieuse : âPeut-ĂȘtre que la terre refleurira un jourâ. Peut-ĂȘtre.
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đâđš Une tomate porteuse d'espoir
Par Maha Mahdi* pour The Electronic Intifada, le 8 février 2025
Je vis avec ma sĆur Hanin dans une petite tente Ă la pĂ©riphĂ©rie d'al-Zawaida, prĂšs de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. Avant le cessez-le-feu, nous passions notre temps Ă tenter de survivre aux attaques israĂ©liennes incessantes.
Les jours s'Ă©coulaient au rythme de la faim, dans des souffrances aussi lentes qu'insoutenables.
Hanin, 26 ans, mĂšre de deux enfants, Riad, 5 ans, et Imad, 3 ans, porte le poids du monde sur ses Ă©paules, tentant de dissimuler sa souffrance derriĂšre un sourire qui ne trompe personne.
Chaque matin, je me rĂ©veille en entendant Riad essayer de fabriquer un nouveau jouet avec des bĂątons et des pierres. âJe vais faire un arbre Ă tomates et on mangera avec tous les joursâ, dit-il d'une voix pleine d'espoir. Imad est assis Ă cĂŽtĂ© de lui et applaudit avec enthousiasme, comme s'il encourageait son frĂšre Ă faire de son rĂȘve une rĂ©alitĂ©.
Un jour de novembre 2024, nous Ă©tions tous assis dans notre tente, essayant de partager le peu de nourriture qu'il nous restait : un petit morceau de pain et un peu d'huile d'olive. Imad, trop jeune pour saisir la signification de la famine, fixait la minuscule assiette devant lui, puis sa mĂšre, comme pour demander pourquoi il n'y a pas plus.
Riad, avec sa curiositĂ© innocente, m'a regardĂ© et m'a demandĂ© : âPourquoi ne pouvons-nous pas manger jusqu'Ă ĂȘtre rassasiĂ©s ?â.
Je n'avais pas la réponse.
Un miracle en vue
Soudain, Hanin s'est levĂ©e et a quittĂ© la tente. Je savais qu'elle allait chercher quelque chose, n'importe quoi, pour nourrir ses enfants. Au bout d'un moment, elle est revenue, une petite tomate ratatinĂ©e Ă la main. Elle nous a regardĂ©s avec un sourire un peu forcĂ© et a dit : âJe l'ai trouvĂ©e dans le champ Ă cĂŽtĂ©. Nous l'ajouterons Ă notre dĂźnerâ.
Elle s'est assise par terre, a posĂ© la tomate sur un morceau de pain rassis et a commencĂ© Ă la couper avec un soin extrĂȘme. Elle traitait la tomate comme s'il s'agissait de la chose la plus prĂ©cieuse qui soit. Les enfants se sont pressĂ©s autour d'elle, les yeux brillants d'excitation.
Elle a rĂ©parti les tranches de tomates entre nous. Riad prit un petit morceau et l'a regardĂ© avec circonspection avant de demander : âMaman, si je le mange doucement, est-ce que ça va grossir ?â.
Hanin a ri doucement et a rĂ©pondu : âOui, Riad, si tu le manges avec amour, tu auras l'impression que ça grossitâ.
Imad a mangĂ© sa tranche de tomate avec prĂ©caution, comme s'il craignait qu'elle ne disparaisse trop vite. J'ai perçu l'Ă©puisement dans le regard de ma sĆur et l'inquiĂ©tude pour l'avenir de ses enfants. Je rĂ©alisais que la faim n'Ă©tait pas le seul poids Ă peser sur ses Ă©paules.
AprĂšs le repas, Riad est sorti de la tente et a commencĂ© Ă ramasser des pierres et des bĂątons pour fabriquer son âarbre Ă tomatesâ. Imad s'est assis Ă cĂŽtĂ© de lui et l'a aidĂ© Ă disposer les âfruits de la tomateâ faits de petits cailloux.
Trouver la force
Cette nuit-là , une fois les enfants endormis, je me suis assise avec Hanin à l'extérieur de la tente. La lune éclairait le champ vide devant nous. Je lui ai demandé comment elle trouvait la force de continuer.
Elle m'a répondu calmement :
âJe n'ai pas le choix. Riad et Imad pensent que la tomate que j'ai apportĂ©e aujourd'hui est un miracle, et jâai envie dây croire aussi. Ils ne comprennent pas que demain, il n'y aura peut-ĂȘtre rienâ.
Je n'avais pas de solution à lui proposer. Je suis restée assise à cÎté d'elle, observant le champ et me demandant si d'autres miracles nous attendraient.
Les jours suivants, Riad et Imad ont commencĂ© Ă considĂ©rer le champ Ă l'extĂ©rieur de la tente comme une ferme magique. Ils ont enterrĂ© les graines jugĂ©es impropres Ă la consommation, en disant : âQuand l'arbre Ă tomates poussera, la nourriture reviendra, et Baba aussiâ.
Leur pĂšre, Mahmoud Sammour, est professeur Ă l'universitĂ© Al-Aqsa. L'armĂ©e israĂ©lienne l'a arrĂȘtĂ© en novembre 2023 lorsque la famille a tentĂ© de se rendre dans le sud pour se mettre Ă l'abri. Il est toujours dĂ©tenu par IsraĂ«l.
J'ai observĂ© Hanin, rĂ©alisant Ă quel point le simple rĂȘve de ses enfants s'Ă©tait muĂ© en une sorte de foi. Chaque jour, elle sortait avec les garçons, arrosait le sol avec le peu d'eau que nous avions et murmurait une priĂšre silencieuse que personne d'autre ne pouvait entendre : âPeut-ĂȘtre que la terre refleurira un jourâ.
Peut-ĂȘtre.
Mais je savais que Hanin ne se contentait pas d'arroser la terre. Elle nourrissait l'espoir dans le cĆur de ses enfants - l'espoir que les lendemains seraient moins cruels et que la vie, malgrĂ© tout, peut renaĂźtre grĂące Ă une simple tomate.
* Maha Mahdi est rédactrice indépendante à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/hope-shape-tomato/50379