👁🗨 Une Yellen dans la boutique de porcelaine (chinoise)
De quoi aurait l'air la diplomatie entre les USA & la Chine sans la panoplie de critiques & d'exigences qu'aucune nation civilisée ne songerait à formuler dans le cadre de ses relations à l'étranger ?
👁🗨 Une Yellen dans la boutique de porcelaine (chinoise)
Par Patrick Lawrence, Spécial pour Consortium News, le 12 juillet 2023
Janet Yellen s'est parfaitement acquittée de sa visite de quatre jours à Pékin qui vient de s'achever, peut-on lire dans la presse spécialisée. La secrétaire au Trésor a réussi à ne pas briser plus de porcelaine dans la boutique.
C'est un succès diplomatique pour les Américains. Étant donné que le régime Biden place la barre très haut en matière de diplomatie transpacifique, on peut se demander s'il ne scande pas maintenant "Doucement les basses !" lorsqu'il envoie le fonctionnaire suivant dans l'une de ces démarches inutiles.
L'ouverture transpacifique de Mme Yellen s'inscrit dans la longue série de voyages de ce type effectuées par les hauts fonctionnaires du régime Biden depuis qu'ils ont mis le bazar dans les relations sino-américaines dès leur arrivée au pouvoir.
Il semble qu'il n'y ait que deux façons de mener à bien ces aventures : soit elles se terminent par un désastre, soit il ne se passe rien. Mme Yellen a choisi cette deuxième catégorie, et nous pouvons nous en féliciter : éviter une nouvelle rupture diplomatique est ce que nous pouvions espérer de mieux de la part de ces gens.
Mme Yellen n'a pas mentionné "l'ordre international fondé sur des règles" au cours de ses quatre jours d'entretiens - en réalité deux jours, étant donné qu'elle a passé une bonne partie de son temps avec des dirigeants d'entreprise américains, et non avec des fonctionnaires chinois.
C'est une amélioration par rapport aux performances d'Antony Blinken, le secrétaire d'État américain, qui récite le catéchisme impérial en de telles occasions, sermonnant ceux qui ne se conforment pas au précepte de l'ordre fondé sur des règles.
Mme Yellen n'a pas non plus harcelé les Chinois sur la nécessité de "glissières de sécurité" et de "bretelles de sortie", alors que les États-Unis provoquent les Chinois de toutes les manières possibles et imaginables - des tropes rhétoriques qui font ressembler Tony à un bureaucrate des transports plutôt qu'au plus haut diplomate des États-Unis. Encore une fois, c'est une question de bon sens.
Un écho en guise d'au revoir
Lors d'une conférence de presse, alors qu'elle rentrait chez elle dimanche, Mme Yellen a prononcé une phrase qui semble avoir davantage retenu l'attention que tout ce qu'elle a pu dire pendant son séjour à Pékin. "Nous pensons que le monde est suffisamment grand pour que nos deux pays puissent prospérer", a affirmé la secrétaire d'État.
En lisant cette citation dans le New York Times de dimanche, j'ai eu le temps d'y réfléchir à deux fois. Voici Xi Jinping faisant la leçon - mot pour mot - à Tony Blinken pendant les 35 minutes que le président chinois a accordées au secrétaire d'État américain lors de la visite de ce dernier à Pékin il y a quelques semaines : "La planète Terre est assez grande pour accueillir le développement respectif et la prospérité commune de la Chine et des États-Unis.”
La diplomatie américaine avec les Chinois prend une tournure tout à fait étrange. Mais encore une fois, répéter le point de vue des dirigeants chinois comme s'il avait toujours été celui de l'Amérique vaut clairement mieux que d'autres dérapages. Si vous n'avez rien de gentil à dire, selon le vieil adage, dites au revoir, puis prenez votre avion et regardez sagement les programmes d'information du dimanche matin.
Êtes-vous aussi fatigué que moi de voir cette troupe de fonctionnaires du régime Biden traverser le Pacifique, répétant les mêmes propos, et revenir à chaque fois avec l'un des deux résultats susmentionnés - une calamité ou beaucoup de kérosène gaspillé dans le seul but de pouvoir dire "Nous dialoguons", même si les deux parties ne peuvent rien faire d'autre que discuter de l'importance de dialoguer.
Rien ne sert à rien
D'abord, nous avons eu droit à Blinken et Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de Biden, la paire Abbott et Costello du spectacle de variétés de Biden [nom d'un duo comique des années 1940 et 1950 formé par les acteurs américains Bud Abbott et Lou Costello. Ils ont été connus en France sous le nom des « deux nigauds » pour une série de comédies burlesques au cinéma]. Viennent ensuite Wendy Sherman, la numéro 2 de Blinken, puis John Kerry, l'homme climat du régime, encore jamais vu. Parallèlement, nous avons eu droit à plusieurs appels vidéo entre Biden et Xi. Qu'est-il ressorti de ces échanges ? Impossible d'en citer la moindre substance.
Tous ces personnages partagent trois caractéristiques. D’abord, ils ne connaissent rien à la Chine.
Ensuite, ils ne se soucient pas de ne rien savoir sur la Chine.
Et enfin, ils ne se soucient pas d'en savoir plus sur la Chine. Tout ce qui les intéresse, c'est de projeter la puissance américaine hors des frontières, avec toute la vigueur nécessaire là où elle n'est pas la bienvenue.
Le président Biden, voir le paragraphe ci-dessus, a participé à un sommet en marge de la session du Groupe des 20 à Bali en novembre dernier, au cours duquel lui et Xi ont parlé de ... la nécessité de communiquer.
Quelques mois plus tard, M. Blinken a refusé de se rendre à Pékin sous prétexte qu'un ballon météorologique chinois avait dérivé dans l'espace aérien américain. (Personne dans les cercles militaires ou de renseignement de Washington n'a jamais mis en cause l'histoire du ballon espion au-delà du bon vieux stade de l'"estimation").
Le mois dernier, nous avons découvert pourquoi Blinken était si réticent : lorsqu'il s'est enfin rendu à Pékin pour deux jours de discussions à la mi-juin, la situation était très embarrassante. Blinken était le pleurnicheur, pas tout à fait mais presque, suppliant les Chinois de recommencer à s’adresser aux États-Unis, recevant en retour des réprimandes de maître à élève selon lesquelles le régime Biden doit se mettre à dire ce qu'il pense, et à penser ce qu'il dit.
Bien entendu, il n'y a pas grand-chose à attendre de ce côté-là.
J'ai adoré les remarques de notre président à peine cohérent lors d'une collecte de fonds dans la région viticole de Californie, peu après que Blinken a débarqué de son avion. M. Biden a qualifié le ballon météorologique d'engin espion "avec deux containers remplis de matériel d'espionnage à l'intérieur" ; il a affirmé que Xi était embarrassé parce qu'il n'était au courant de rien, et il a traité le dirigeant chinois de dictateur.
Heureusement que Blinken n'a rien fait à Pékin : si tel avait été le cas, son patron aurait tout gâché en deux phrases prononcées dans une salle remplie d'inconnus se trouvant être des donateurs millionnaires.
C'est mieux ainsi, pas de gâchis.
Biden a ensuite eu le culot de dire de Xi : "Ce qui importe, c'est qu'il soit désormais en mesure de renouer des relations." Pardonnez-moi, mais ce type, même dans sa sénilité, ne cesse de raconter des conneries.
Je vous le dis, entre Blinken et le dodelineur de tête, je n'ose imaginer ce que tous les fonctionnaires pondérés de Pékin, depuis Xi jusqu'au bas de l'échelle, pensent de ce numéro de vaudeville de mauvais goût.
Le régime Biden cherche désespérément à reconstruire la relation la plus importante de l'Amérique au cours de ce siècle, après l'avoir transformée en un dîner de cons, mais ces Dummköpfe [imbéciles, en allemand] ne font qu'enchaîner les faux-pas.
C'est pourquoi Janet Yellen doit tenter sa chance. C'est une planche de salut : au moins, Kamala Harris n'est pas encore de la partie. Rien que d'y penser…
La diplomatie au service de la politique intérieure
Mme Yellen a réentonné le thème désormais classique, à savoir la nécessité de parler, principalement de parler, mais aussi de n'importe quoi du moment que l'on donne l'impression que les États-Unis sont compétents en matière de diplomatie. "Mme Yellen a annoncé que les deux pays communiqueraient plus fréquemment au plus haut niveau", rapporte le New York Times dans son édition de dimanche. "La volonté de renforcer le dialogue a été perçue par certains analystes comme une évolution significative."
Vraiment ? Avant même que Mme Yellen ne prenne l'avion pour Washington, il était évident, comme l'a déclaré un ancien fonctionnaire du Trésor cité par le Times, que "le voyage de Mme Yellen ne changera guère la dynamique sous-jacente et la trajectoire de la relation économique".
Comment en serait-il autrement ?
Mme Yellen n'a en effet fourni aucune information indiquant que le régime Biden avait l'intention d'apporter des ajustements conséquents à l'une ou l'autre des politiques antagonistes envers la Chine en vigueur - ni les droits de douane de l'ère Trump, ni les sanctions généralisées, ni les contrôles sur les exportations de composants de haute technologie, ni les plans imminents visant à imposer des restrictions sur les investissements américains en Chine. Rien de tout cela.
"Jusqu'à présent, rien n'indique que M. Biden va repenser sa politique économique à l'égard de la Chine", a déclaré Wu Jinbo, doyen des études internationales à l'université Fudan de Shanghai, lors d'une interview accordée au Times. Non, et tout porte à croire que ce ne sera pas le cas.
L'agence Reuters a rapporté de Washington lundi matin que le secrétaire d'État pressait désormais M. Biden d'abandonner quelques-uns des droits de douane les moins significatifs encore en vigueur. Il ne s'agit pas d'un changement de politique, loin s'en faut : à supposer que M. Biden adhère à l'idée, il s'agirait d'un geste symbolique dont je ne vois pas l’intérêt, compte tenu de tout ce qui s'est passé entre Washington et Pékin, et dont je ne pense pas que les Chinois aient non plus la moindre idée.
Depuis des mois, Mme Yellen insiste sur le fait que priver la Chine de l'accès aux technologies dont elle a besoin pour développer ses industries de pointe n'a pas pour but de nuire à l'économie chinoise ou d'inhiber sa croissance. Elle a répété le même argument la semaine dernière. J'attends le fonctionnaire américain capable d'expliquer en quoi cela n'équivaut pas à une attaque frontale contre une économie face à laquelle les États-Unis sont en perte de compétitivité.
Quant à l'argument couramment avancé selon lequel les restrictions en matière de technologie et d'investissement sont nécessaires au nom de la protection de la sécurité nationale des États-Unis - Yellen l'a répété, bien sûr -, il n'est rien moins qu'une esquive bas de gamme selon tout critère sérieux.
Voilà simplement à quoi ressemble, de manière inattendue, la confrontation entre un empire en déclin et une puissance montante.
À quoi ressemblerait une rencontre diplomatique entre les États-Unis et la Chine sans cette panoplie de critiques et d'exigences qu'aucune nation civilisée ne songerait à formuler dans le cadre de ses relations à l'étranger ? Celles de Mme Yellen étaient intéressantes. Nous pourrions en tirer des enseignements.
Elle s'est notamment plainte du soutien apporté par Pékin aux entreprises du secteur public (pure langue de bois), de la récente décision (en représailles) de bloquer les exportations de métaux rares vers les États-Unis, et de la production par la Chine de produits chimiques destinés à diverses utilisations légales, qui sont ensuite utilisés pour la production de fentanyl hors des frontières de la Chine.
Il y a plusieurs choses à dire sur ces questions. Tout d'abord, les Etats-Unis refusent d'admettre qu'il existe un autre aspect, à savoir le point de vue chinois, à toutes ces problématiques.
Ensuite, dans l'ordre des choses, elles ne sont pas d'une importance géopolitique primordiale. Il est toujours important de s'en prendre aux Chinois, même si l'on prétend essayer de rétablir des relations.
Et enfin, on peut se demander à qui Mme Yellen s'adressait réellement lorsqu'elle a soulevé ces questions à Pékin. Au fur et à mesure que ces rencontres transpacifiques s'amoncellent, je suis de plus en plus convaincu qu'il s'agit en grande partie d'un véritable show.
Bien souvent, les responsables américains à Pékin ne s'adressent pas aux Chinois: ils s'adressent aux fanatiques qui ont pris le contrôle de la politique chinoise à Washington.
En d'autres termes, il s'agit de diplomatie appliquée à la politique intérieure. Pensez-vous que les Chinois ne saisissent pas ce manque de sérieux de la part de leurs invités américains ? Je suis de plus en plus impressionné par l'étendue de la patience et de la courtoisie de la Chine.
Janet Yellen se rend à Pékin, Janet Yellen revient à Washington, rien ne devait changer, et tout reste inchangé.
Le prochain sur la liste - nous sommes déjà bien avancés dans le deuxième round - est Kerry, chargé de relancer une sorte de dialogue sur la question du climat lorsqu'il se rendra à Pékin à la fin du mois.
Je redoute le jour où Kamala Harris devra y aller, si jamais son tour venait. Quand nous en serons là, le régime Biden ne sera plus en mesure d’échanger avec la Chine, même dans l’optique de dialoguer davantage.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, conférencier et auteur, plus récemment de Time No Longer : Americans After the American Century. Son nouveau livre, Journalists and Their Shadows, est à paraître chez Clarity Press. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.
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