đâđš UniversitĂ©s - Une atteinte Ă notre intelligence
âOn ne veut pas que les gens ordinaires pensent par eux-mĂȘmes, parce qu'on estime que ceux qui pensent par eux-mĂȘmes sont difficiles Ă gĂ©rer et posent des problĂšmes aux autoritĂ©sâ. â B. Russell
đâđš UniversitĂ©s - Une atteinte Ă notre intelligence
Par Patrick Lawrence pour ScheerPost, le 9 mai 2024
âPas de mon vivantâ, avais-je l'habitude de penser en contemplant le dĂ©clin et la chute de l'AmĂ©rique - un dĂ©clin et une chute que j'anticipe avec impatience comme prĂ©lude Ă la refonte de notre rĂ©publique en miettes afin qu'elle dĂ©fende les idĂ©aux qu'elle prĂ©tend dĂ©fendre, mais qu'elle ignore ouvertement. Une justice sans complaisance, des dirigeants et des institutions dĂ©sintĂ©ressĂ©s, la tolĂ©rance, la libertĂ© de pensĂ©e et d'expression, un respect jeffersonien de la raison et de la connaissance : ceux qui viendront aprĂšs moi verront l'effondrement de l'imperium et commenceront Ă le restaurer, mais pas moi.
C'est ce que j'ai longtemps pensĂ©. Et le rythme des Ă©vĂ©nements suggĂšre que je pourrais bien avoir tort. Les choses que je pensais prendre, peut-ĂȘtre, 20 ans se produisent maintenant en cinq, six ou sept ans. Ce que je croyais ĂȘtre un tournant de l'histoire dans une dizaine d'annĂ©es, est dĂ©sormais Ă notre portĂ©e.
Déclin et chute. Il n'est pas agréable de vivre à une époque comme la nÎtre, mais elle est, comme l'ont dit les Chinois (ou les Arabes ?), intéressante. En acceptant notre destin, ne perdons pas de vue l'optimisme qui se cache dans le pessimisme apparent.
Le 2 mai, la Chambre des reprĂ©sentants a adoptĂ© un projet de loi qui, d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, dĂ©finit comme "antisĂ©mite" toute critique d'IsraĂ«l ou - le ciel nous en prĂ©serve - toute dĂ©sapprobation d'IsraĂ«l en tant qu'"Ătat juif". Cela fait huit ans que les membres de la Chambre des reprĂ©sentants les plus hardis tentent de faire passer ce texte de loi rationnellement dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ©. La Chambre vient de voter par 320 voix contre 19 un texte intitulĂ© âAntisemitism Awareness Actâ [âLoi sur la sensibilisation Ă l'antisĂ©mitismeâ], qui sera transmis au SĂ©nat.
Comme pour appuyer l'intention du CongrĂšs, le prĂ©sident Biden a annoncĂ©, lors d'un Ă©vĂ©nement organisĂ© le 7 mai Ă l'occasion de la journĂ©e annuelle de commĂ©moration du MĂ©morial de l'Holocauste, une sĂ©rie de nouvelles mesures juridiques et administratives pour contrer la crise inexistante de l'antisĂ©mitisme qui envahit aujourd'hui les Ătats-Unis comme les communistes l'ont fait dans les annĂ©es 1950. Quelqu'un peut-il nous expliquer pourquoi nous entendons tous les jours parler de tout cet antisĂ©mitisme, mais dont nous ne voyons rien d'autre que des cas isolĂ©s et peu alarmants, ici et lĂ , dans la vie de tous les jours ? Quelqu'un, personne ?
C'est une attaque contre la raison, le langage, le droit et mĂȘme la plus haute des âvaleursâ amĂ©ricaines, le bon sens. C'est un indicateur de la faiblesse amĂ©ricaine et cela ne fait que l'aggraver. J'aimerais savoir Ă quoi pensent les instigateurs de ce projet de loi, mais cette question implique un postulat Ă ne pas faire.
Lundi, un nouveau site web intĂ©ressant appelĂ© Zeteo a publiĂ© une lettre que 12 sĂ©nateurs rĂ©publicains ont signĂ©e et envoyĂ©e au procureur gĂ©nĂ©ral de la Cour pĂ©nale internationale, Karim Khan, en rĂ©ponse Ă l'intention, rapportĂ©e mais non confirmĂ©e, de la CPI de dĂ©livrer contre divers responsables israĂ©liens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, des mandats d'arrĂȘt les accusant de crimes de guerre dans la bande de Gaza. Il faut le lire pour le croire, et c'est ce que vous pouvez faire ici. âCiblez IsraĂ«l, et nous vous cibleronsâ, peut-on lire dans la lettre.
âSi vous adoptez les mesures indiquĂ©es dans le rapport, nous mettrons fin Ă tout soutien amĂ©ricain Ă la CPI, nous sanctionnerons vos collaborateurs et associĂ©s, et nous vous interdirons, ainsi qu'Ă vos familles, l'accĂšs aux Ătats-Unisâ.
Et enfin, la chute tant attendue : âVous aurez Ă©tĂ© prĂ©venusâ.
Pensez-y. Cette missive est le rejet pur et simple du droit international. En mĂȘme temps, nous y voyons un imperium qui broie du noir dans une attitude dĂ©fensive, menant des combats d'arriĂšre-garde au fur et Ă mesure que les rĂ©alitĂ©s du XXIe siĂšcle se prĂ©sentent. Il n'y a que 12 signataires, et parmi eux se trouvent des CicĂ©rons tels que Mitch McConnell, Ted Cruz et Marco Rubio. Mais ne vous faites pas d'illusions : leur lettre reflĂšte un courant d'opinion fort et prĂ©dominant Ă Washington - mĂȘme parmi des DĂ©mocrates comme Chris Van Hollen, qui a trouvĂ© que la lettre faisait Ă©tat d'une âvoyoucratie digne de la Mafiaâ.
Ce qui me frappe le plus dans cette lettre des sĂ©nateurs, c'est ceci : ceux qui prĂ©tendent diriger cette nation ne s'intĂ©ressent plus guĂšre, si tant est qu'ils s'y soient jamais intĂ©ressĂ©s, Ă ce que le reste du monde pense de l'AmĂ©rique - ou mĂȘme Ă ce que les AmĂ©ricains pensent de l'AmĂ©rique. Le pouvoir est tout ce qu'il reste Ă l'imperium en phase terminale. Et le pouvoir Ă lui seul, sous l'une de ses trois formes principales - le pouvoir militaire, la coercition et la corruption - n'est pas prĂ©destinĂ©, en dĂ©pit des circonstances actuelles, Ă dĂ©finir l'Ăšre qui se profile Ă l'horizon.
Le dĂ©clin et la chute sont en cours. Telle est la situation, la perversion succĂ©dant Ă la perversitĂ©, Ă©tape par Ă©tape. Elle est souvent annoncĂ©e par d'audacieuses affirmations d'autoritĂ© de la part de ceux qui prĂ©tendent faire la loi Ă leur guise sans s'y soumettre - ce que les spĂ©cialistes, Ă commencer par Carl Schmitt, le thĂ©oricien nazi, appellent âl'Ă©tat d'exceptionâ.
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Les Ă©vĂ©nements les plus frappants de ces derniers mois, qui touchent Ă leur paroxysme Ă l'heure oĂč nous parlons, concernent ce qui est dĂ©sormais une tentative gĂ©nĂ©ralisĂ©e de dĂ©truire les Ă©coles supĂ©rieures et les universitĂ©s amĂ©ricaines en tant qu'institutions indĂ©pendantes d'enseignement supĂ©rieur. Il est vrai, comme certains l'ont fait remarquer, que les confrontations sur les campus amĂ©ricains, et puissent-elles perdurer, ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme l'Ă©vĂ©nement principal. L'Ă©vĂ©nement principal reste le gĂ©nocide israĂ©lo-amĂ©ricain qui incite les Ă©tudiants de tout le pays - et du monde occidental Ă l'heure actuelle - Ă planter des tentes et Ă manifester pour soutenir la cause palestinienne.
Alors que j'écris ces mots, les premiers communiqués tombent, annonçant que les Israéliens ont fermé les deux points de passage du sud de Gaza, Rafah et Kerem Shalom, qui servent de ballons d'oxygÚne aux Palestiniens en mal d'aide et de soins médicaux. Il n'y a rien de plus barbare, sauf que, dans le cas d'Israël, c'est systématiquement le cas.
Mais en gardant ces faits douloureux Ă l'esprit, nous devrions reconnaĂźtre la signification et la gravitĂ© des rĂ©ponses pernicieuses - Ă©tatiques et privĂ©es - aux nobles dĂ©monstrations de principes, d'intĂ©gritĂ© et de luciditĂ© dont nous sommes les tĂ©moins sur les campus des universitĂ©s amĂ©ricaines. Pour l'impĂ©rium en phase terminale, toutes les institutions sont tenues de servir l'Ătat et l'idĂ©ologie rĂ©gnante. Il s'agit lĂ d'une rĂ©alitĂ© structurelle, d'un impĂ©ratif historique, qui fait rarement l'objet de commentaires, mais qui est nĂ©anmoins aisĂ©ment identifiable. Nous avons dĂ©jĂ Ă©tĂ© tĂ©moins de cette mise au pas forcĂ©e dans le cas des mĂ©dias d'entreprise, des tribunaux autrefois indĂ©pendants, des organisations non gouvernementales et de toutes sortes d'institutions culturelles - Ă©diteurs, bibliothĂšques, musĂ©es, studios d'Hollywood. C'est maintenant au tour des Ă©coles supĂ©rieures et des universitĂ©s.
Dans cette phase tardive du déclin, personne ni aucune entité n'est autorisé à franchir la ligne rouge au nom de la liberté de pensée ou de la liberté d'expression. On ne saurait trop insister sur la gravité de cette situation lorsque l'enseignement supérieur est visé. Détruire les écoles supérieures et les universités en tant que sanctuaires de la pensée et de l'expression non circonscrites et délibérément novatrices - la liberté académique dans le langage courant -, c'est déjà détruire le dynamisme intellectuel de la nation et, par conséquent, l'avenir de la nation.
Voici un extrait exceptionnellement bien conçu de l'Ă©mission d'Al Jazeera intitulĂ©e Listening Post, diffusĂ©e ce week-end sous le titre âLe problĂšme du traitement des manifestations sur les campus amĂ©ricainsâ. Regardez les images, en particulier celles de la police - les services de police locaux, la police d'Ătat, les unitĂ©s de patrouille routiĂšre, la police des campus. S'il existe un autre terme que celui de rĂ©pression par l'Ătat pour dĂ©crire cette situation, je ne vois pas lequel.
Ăcoutez les tĂ©moignages. Ils sont clairs, synthĂ©tiques, ancrĂ©s dans la rĂ©alitĂ©, professionnels, dĂ©passionnĂ©s, Ă peu prĂšs d'une objectivitĂ© sans faille. Il est pratiquement impossible de trouver des images d'Ă©vĂ©nements sur le campus aussi audacieuses, aussi nuancĂ©es, aussi objectives, et il est absolument impossible de trouver dans les mĂ©dias amĂ©ricains des analyses et des commentaires d'une telle luciditĂ© et d'une telle honnĂȘtetĂ©.
Par contre, sur les Ă©crans amĂ©ricains, nous voyons une prĂ©sentation - le nec plus ultra de la couverture tĂ©lĂ©visĂ©e de la semaine derniĂšre - dans un extrait d'Inside Politics, l'Ă©mission de Dana Bash sur la chaĂźne CNN. Permettez-moi de revenir sur la liste des critĂšres que je viens de mentionner. Ce document n'est ni clair, ni analytique, ni fondĂ© sur la rĂ©alitĂ©, ni professionnel, ni dĂ©passionnĂ©, et il ne prĂ©tend mĂȘme pas Ă l'objectivitĂ©. Il s'agit plutĂŽt du tĂ©moignage d'un organe soumis au pouvoir, qui a succombĂ© Ă l'Ătat et Ă son idĂ©ologie, et qui s'efforce d'en contraindre d'autres Ă se soumettre Ă son tour. Rien de plus.
âCommençons par les destructions, la violence et la haine sur les campus universitaires Ă travers le paysâ, commence Mme Bash. AprĂšs quelques minutes de paranoĂŻa, voici ce dont parle Mme Bash :
âProtester contre la maniĂšre dont le gouvernement israĂ©lien, le premier ministre israĂ©lien, mĂšne la guerre de reprĂ©sailles contre le Hamas est une chose. Faire en sorte que des Ă©tudiants juifs se sentent en danger dans leurs propres Ă©coles est inacceptable, et cela se produit beaucoup trop souvent en ce momentâ.
Puis une vidéo d'un étudiant juif de l'UCLA qui, de toute évidence, ne se sent pas le moins du monde en danger, alors qu'il tente de se frayer un chemin à travers un piquet de grÚve pour se rendre à son cours. Puis Bash à nouveau :
âCe que vous venez de voir, c'est 2024 Ă Los Angeles, un retour aux annĂ©es 1930 en Europe. Et je ne dis pas cela Ă la lĂ©gĂšreâ.
Jiminy le Cricket.
Si l'Ă©mission de Dana Bash du 1er mai Ă©tait choquante, elle reflĂ©tait Ă©galement le reste des mĂ©dias d'entreprise. Est-il possible de faire mieux que le spectacle des diffuseurs et des journaux libĂ©raux se vantant d'applaudir la suppression de la libertĂ© d'expression et de la libertĂ© d'enquĂȘter - s'attaquant ainsi Ă l'une des institutions les plus fondamentales sous-tendant l'ordre libĂ©ral ? La rĂ©sistance des mĂ©dias aux âfondamentalistes de la libertĂ© d'expressionâ n'est pas un phĂ©nomĂšne nouveau, il est vrai, mais il s'aggrave au fur et Ă mesure qu'il s'Ă©tend aux Ă©tablissements d'enseignement. La seule chose que j'ai apprĂ©ciĂ©e dans le segment de Bash, c'est son introduction au vieux thĂšme des âagitateurs extĂ©rieursâ. C'est trĂšs divertissant. Elle l'a puisĂ© directement dans le catĂ©chisme de John Birch et m'a fait vivre un moment Ă©trangement amusant, tout droit sorti du passĂ©.
Pour en revenir briÚvement à la question des médias, j'ai trouvé tout aussi inquiétant, sinon plus, de lire la semaine derniÚre que The Real News Network avait annulé The Chris Hedges Report. Pourquoi ?
Si on veut dresser une liste de journalistes aux normes professionnelles exigeantes et à l'intégrité exemplaire, elle sera courte, certes, mais Hedges y figurera forcément. Son licenciement par des individus qui ne savent pas, comme nous avions l'habitude de le dire, changer le ruban de leur machine à écrire est quelque chose qui frise l'obscénité. Bien qu'on ait dit à Hedges qu'une de ses interviews avec un candidat au CongrÚs menaçait le statut d'organisation à but non lucratif de la chaßne, je pense que The Real News Network a tremblé parce que Hedges critique constamment le régime de Biden et le génocide qu'il parraine, compromettant ainsi les chances de Biden aux élections de novembre prochain. Les dirigeants de la chaßne ont plié bagage.
Cela fait trĂšs longtemps que les mĂ©dias d'entreprise, du New York Times jusqu'en bas (ou en haut), ont abdiquĂ© leur souverainetĂ©, leur statut de pĂŽle de pouvoir indĂ©pendant, au profit de l'idĂ©ologie rĂ©gnante. Il s'agit d'une sorte de âmission accomplieâ pour l'Ătat de SĂ©curitĂ© nationale. Pour autant que je puisse en juger, et je ne dresserai pas ici un bilan de The Real News Network, le traitement rĂ©servĂ© Ă Chris Hedges est symptomatique de la progression de l'autoritarisme libĂ©ral dans les mĂ©dias indĂ©pendants. Le monstre Dana Bash, dirons-nous, semble se rapprocher. C'est de plus en plus inquiĂ©tant. La mission n°1 de ces mĂ©dias, ce qu'ils doivent accomplir avant toute autre chose, est de refuser de servir l'Ătat et l'idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale.
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Les conservateurs du CongrÚs planifient depuis longtemps une attaque contre les universités dans le but de restreindre la liberté académique. Et il est évident depuis décembre dernier, lorsqu'ils ont tenu ces audiences maccarthystes avant d'exiger le renvoi des présidents de Penn et Harvard, qu'ils ont vu en la crise de Gaza et la vague d'antisémitisme une occasion inespérée.
Leur dĂ©sir constant est de dĂ©graisser les Ă©coles supĂ©rieures et les universitĂ©s qui ne se conforment pas Ă leur façon de voir le monde. Nous apprenons aujourd'hui que quatre membres de la Chambre des reprĂ©sentants ont ouvert une enquĂȘte sur la crise imaginaire de l'antisĂ©mitisme rampant parmi les manifestants dans les universitĂ©s.
Ce qui m'a frappé l'automne dernier, et qui continue de me frapper aujourd'hui, c'est l'intrusion de trÚs riches donateurs dans les questions de liberté académique. Cela a commencé parmi les diplÎmés de l'université de Pennsylvanie, lorsque nombre d'entre eux ont menacé de suspendre leurs donations, ou l'ont fait, parce que les administrateurs de l'université ont défendu la liberté académique au lieu d'accepter de faire taire ceux qui, au sein de l'université - étudiants et professeurs - s'opposent à un génocide et défendent la cause palestinienne.
La semaine derniĂšre, un autre donateur a annoncĂ© qu'il allait suspendre son soutien Ă l'universitĂ© Brown, son ancien Ă©tablissement, aprĂšs que l'administration a acceptĂ© de nĂ©gocier avec les reprĂ©sentants des Ă©tudiants sur la question du dĂ©sinvestissement des fonds de dotation des entreprises qui tirent profit des diverses atrocitĂ©s perpĂ©trĂ©es par IsraĂ«l. Le plus dĂ©terminĂ© de ces importuns - enfin, le plus odieux - est William Ackman, qui s'est engagĂ© Ă utiliser ses fonds pour s'attaquer aux mĂ©dias ainsi qu'aux universitĂ©s qui ne se conforment pas Ă sa façon de voir le monde. âJe rĂ©pare les chosesâ, a-t-il dĂ©clarĂ© au magazine Fortune dans une interview publiĂ©e en janvier. âIl ne s'agit que de corriger des chosesâ.
Regardez cette liste, qui est trĂšs incomplĂšte. David Magerman (Penn, milliardaire des fonds spĂ©culatifs), Cliff Asness ( idem), Mark Rowan (Penn, capital-investissement), Ronald Lauder (Penn, l'empire des cosmĂ©tiques), Barry Sternlicht (Brown, immobilier), William Ackman (Harvard, fonds spĂ©culatifs). Nous sommes maintenant en prĂ©sence de financiers et de propriĂ©taires - oui, de propriĂ©taires - qui prĂ©tendent dicter la maniĂšre dont les Ă©tablissements d'enseignement supĂ©rieur doivent fonctionner : ce qu'ils enseignent, comment ils l'enseignent, ce qui peut ĂȘtre dit ou pensĂ©, et ce qui ne peut pas l'ĂȘtre. C'est plus qu'inadmissible.
Michael Massing, Ă©crivain et journaliste, a publiĂ© âHow to Cover the One Percentâ, un article brillant sur la fraude de la âphilanthropie dĂ©sintĂ©ressĂ©eâ, dans The New York Review of Books en 2016. Les dons dĂ©sintĂ©ressĂ©s n'existent pas, affirme-t-il avec de nombreuses preuves Ă l'appui. Laisser la fortune privĂ©e soutenir des institutions de la sphĂšre publique - universitĂ©s, musĂ©es, radiodiffusion publique, etc. - est au fond un moyen de contrĂŽler le discours public et donc une mĂ©thode de contrĂŽle politique, social et (surtout) idĂ©ologique. VoilĂ ce que Massing voulait dire.
Quelques commentateurs ont fait remarquer, alors que le gĂ©nocide israĂ©lo-amĂ©ricain avançait, qu'IsraĂ«l serait Ă l'origine de la chute de l'Occident. Les principes selon lesquels l'Occident prĂ©tend vivre, sa vieille, vieille prĂ©tention Ă la supĂ©rioritĂ© mondiale : le soutien Ă l'affreux Ătat de l'apartheid va rĂ©duire tout cela Ă nĂ©ant. Et maintenant, tout est clair. LĂ©gislation, langue, libertĂ© de pensĂ©e, connaissance, IsraĂ«l est en train de dĂ©molir ce que l'on nomme l'ordre libĂ©ral dans tous ces domaines. Personne n'en est vraiment surpris : l'Ătat d'IsraĂ«l Ă©tait dĂšs le dĂ©part une imposture irrĂ©alisable, fondĂ©e sur la cruautĂ© et l'intolĂ©rance.
âCependant, la valeur de l'intelligence n'est admise qu'en thĂ©orie et non en pratiqueâ, Ă©crivait Bertrand Russell dans un merveilleux essai, il y a 102 ans, intitulĂ© âLa libre pensĂ©e et la propagande officielleâ.
âOn ne veut pas que les gens ordinaires pensent par eux-mĂȘmes, parce qu'on estime que ceux qui pensent par eux-mĂȘmes sont difficiles Ă gĂ©rer et posent des problĂšmes administratifsâ.
Nous devrions y réfléchir lorsque nous pensons aux étudiants et aux attaques dont ils font l'objet de toutes parts, aux Dana Bash que les médias corporatistes nous infligent, à la tentative de sabotage du travail de Chris Hedges, aux lois absurdes qui passent devant le Parlement, au langage corrompu déployé dans la routine de l'antisémitisme partout, aux attaques contre les institutions d'enseignement. Dans tous ces cas, ce sont notre savoir et notre intelligence qui font l'objet d'un blocus. Nous ne sommes pas censés voir et penser ces choses telles qu'elles sont.
Mais il est de loin préférable de le faire - de voir et de penser, de protéger notre conscience. Nous saurons alors à quoi ressemble le temps qui passe si vite.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son nouveau livre, Journalists and Their Shadows, vient de paraßtre chez Clarity Press. Son site web est Patrick Lawrence.
https://scheerpost.com/2024/05/09/patrick-lawrence-university-an-attack-on-intelligence/