👁🗨 Vincenzo Vita - L'affaire Assange: De la démocratie sans justice
Le discours prononcé d'une voix lasse et affaiblie par le père d'Assange a été particulièrement émouvant. Qui va enfin prêter l'oreille à ce cri de douleur et d'angoisse ?
👁🗨 L'affaire Assange : De la démocratie sans justice
Par Vincenzo Vita, le 22 janvier 2023
Vendredi dernier, le troisième tribunal Belmarsh s'est tenu à Washington (les deux premiers ont eu lieu à New York et à Londres), dans un lieu symbolique : le National Press Club. Il s'agit d'une sorte de tribunal alternatif à celui de Londres où est prise la décision sur l'extradition de Julian Assange vers les États-Unis. Comme on le sait malheureusement, le fondateur de WikiLeaks risque une peine de 175 ans de prison à l'étranger. Et ces jours-ci, le verdict semble se rapprocher.
Le lieu choisi était particulièrement significatif, car c'est là qu'Assange a présenté, il y a treize ans, la vidéo "Collateral murder", cette terrible vidéo documentant le meurtre de civils innocents en Irak par un hélicoptère Apache américain. Parmi les victimes figurent deux journalistes de l'agence de presse Reuters et un père qui emmenait ses enfants à l'école. Cette vidéo a immédiatement fait le tour du net, et a provoqué à la fois des réactions critiques généralisées à l'égard des États-Unis, et une réaction coercitive immédiate de ces derniers. Assange a été pris pour cible et s'est élevé au rang d'ennemi public pour être jeté dans une cellule de la pire prison de Grande-Bretagne.
Cette vidéo a donné le coup d'envoi de la persécution mise en place successivement par la Suède, l'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis eux-mêmes contre un journaliste qui dérange les pouvoirs en place et leurs machinations dans l'ombre de secrets inavouables.
Le National Press Club est à deux pas de la Maison Blanche, et cela aussi nous parle. Le président Biden, bien qu'il ait été exhorté à le faire par son collègue brésilien Lula et son collègue colombien Gustavo Petro, ainsi que par certains des principaux journaux du village planétaire qui ont collaboré avec WikiLeaks en son temps, reste silencieux pour l'instant.
Le Tribunal s'est inspiré des instances créées par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre pour enquêter sur les crimes américains dans la guerre du Vietnam. La justice devait être rendue avec rigueur et précision, en dehors de l'administration et de ses pharisaïsmes. Il fallait impliquer l'opinion publique, et en faire un des protagonistes.
Ce qui ressort très clairement des discours, c'est la dénonciation de la pseudo-démocratie dont font preuve les pays qui masquent leurs méfaits par des simulacres institutionnels, d'ailleurs de plus en plus bancals. Assange, en effet, n'est que le premier d'une liste de pas moins de 360 journalistes emprisonnés aux quatre coins du monde. Il faut y ajouter ceux qui ont perdu la vie. L'information libre, capable de s'immiscer dans les arcanes des chancelleries et des guerres, doit être bâillonnée. Voici l'ordre énoncé. WikiLeaks est le bouc émissaire, l'avertissement pour tous ceux désireux d'écrire des articles, ou de tourner des reportages en toute indépendance et en gardant les pieds sur terre.
Au fil des discours, les voix de ceux qui soutiennent cette lutte emblématique en tant que journalistes, avocats, ou par le biais d'âpres batailles juridiques ont été entendues : Steven Donzinger, Jesselyn Radack, Bett Nedsger, Stefania Maurizi, Daniel Ellsberg, Srecko Horvat, Amy Goodman, Jeffrey Sterling, Margaret Kunnstler, Hrafnson Kristinn, Chip Gibbons, Kevin Gosztola, Katrina Vandel Heuval. Entre autres. Jeremy Corbyn a été entendu, qui a souligné que la politique doit être mise à l'épreuve par une information libre, sans laquelle il est difficile d'évoquer la démocratie.
Le discours prononcé d'une voix lasse et affaiblie par le père d'Assange, qui s'est élevé métaphoriquement contre l'abandon de la Magna Carta et de l'État de droit, a été particulièrement émouvant.
Le Tribunal alternatif se veut une critique pratique de l'inadéquation des organismes internationaux, censés veiller sur les garanties des personnes et les défendre, ainsi que des espaces de contestation légitime des crimes et des puissants.
Qui va prêter l'oreille à ce cri de douleur et d'angoisse ? Le Parlement italien, frappez un coup, s'il vous plaît.
https://www.articolo21.org/2023/01/il-caso-assange-una-democrazia-senza-giustizia/