đâđš Wikileaks a changĂ© le journalisme. L'extradition de Julian Assange pourrait le dĂ©truire. Voici pourquoi.
Je dois parler, pour dĂ©fendre Julian, et pas seulement pour qu'il soit libĂ©rĂ©, mais pour que les gens sachent que lâenjeu crucial de ce processus, c'est la transparence & le droit du public Ă savoir.
đâđš Wikileaks a changĂ© le journalisme. L'extradition de Julian Assange pourrait le dĂ©truire. Voici pourquoi.
Par Andrew Fishman, le 22 novembre 2023 - English version below
Une conversation avec l'épouse du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, emprisonné depuis 11 ans pour ses activités journalistiques.
Il faut que je parle, que je dĂ©fende Julian, pas seulement pour qu'il soit libĂ©rĂ©, mais pour que les gens sachent que lâenjeu crucial de ce processus, c'est la transparence et le droit du public Ă savoir.
WIKILEAKS est l'une des organisations - et des idĂ©es - les plus importantes de ce siĂšcle, qui a inspirĂ© une gĂ©nĂ©ration de journalistes et d'activistes, et fait naĂźtre la peur dans le cĆur des hommes politiques. Et c'est pour cet Ă©norme impact que Julian Assange a Ă©tĂ© impitoyablement persĂ©cutĂ© par les gouvernements amĂ©ricain et britannique, et injustement emprisonnĂ© pendant 11 ans, d'abord Ă rĂ©fugiĂ© dans l'ambassade de l'Ăquateur Ă Londres, et maintenant dans la prison de Belmarsh, toujours Ă Londres.
Julian attend maintenant d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis sur la base d'accusations d'espionnage absurdes qui criminaliseraient en fait une grande partie du journalisme d'investigation. WikiLeaks nous a rappelĂ© le rĂŽle que le journalisme devrait jouer, et a mis en avant la dĂ©mocratie, la transparence, la responsabilitĂ©, la libertĂ© d'expression et les droits de l'homme.
Julian, sa femme Stella Assange et tous leurs collÚgues de WikiLeaks ont fait preuve d'un grand courage, affrontant l'espionnage, le harcÚlement, la torture, l'emprisonnement, la diffamation et les mensonges, et pour cela, ils méritent toute notre reconnaissance.
J'ai eu l'occasion d'interviewer l'avocate et défenseure des droits de l'homme Stella Assange jeudi sur la scÚne principale de la conférence Web Summit à Lisbonne. Elle a rejoint l'équipe juridique de Julian en 2011 et est devenue son épouse et la mÚre de ses deux enfants.
Nous avons discuté de son parcours de militante politique, de la persécution de Julian, et des implications mondiales de l'affaire Assange pour la liberté de la presse et la démocratie.
Voici une transcription de l'entretien éditée pour en faciliter la compréhension. Vous pouvez également regarder la conversation dans son intégralité dans la vidéo ci-dessus ou sur la page YouTube de The Intercept Brasil.
Andrew Fishman : Vous venez d'arriver au Portugal. Pourquoi venez-vous au Web Summit maintenant ?
Stella Assange : Je reviens dâOslo, j'arrive juste de l'aĂ©roport, j'ai participĂ© Ă une brĂšve sĂ©ance de questions-rĂ©ponses, et me voilĂ ici avec tout ce monde bienveillant. JâĂ©tais Ă Oslo parce que Julian a reçu le prix Ossietzky, dĂ©cernĂ© par PEN International NorvĂšge. C'est une organisation qui dĂ©fend les Ă©crivains en danger ou en prison.
Julian a reçu ce prix parce qu'il est emprisonné depuis quatre ans et demi dans la prison la plus stricte du Royaume-Uni. Il s'agit d'une reconnaissance trÚs importante de sa condition de prisonnier politique.
Andrew : Pourquoi Julian Assange est-il en prison et comment va-t-il ?
Stella : Il y a eu beaucoup de débats sur l'éthique de la publication et d'autres sujets de ce genre. Mais les publications de WikiLeaks sont constituées à 100 % de documents authentiques.
Il s'agit de documents et de vidéos qui témoignent de crimes de guerre, de l'assassinat de plus de 15 000 personnes en Irak non comptabilisées, de la présence d'escadrons de la mort en Afghanistan. La liste est interminable. De véritables crimes commis par des forces d'occupation.
Julian est en prison parce qu'il est puni pour avoir dĂ©noncĂ© une superpuissance. Une superpuissance en dĂ©clin prĂȘte Ă violer sa propre constitution, ses propres principes de libertĂ© d'expression et de presse pour persĂ©cuter un journaliste.
Andrew : Qu'est-ce que cela signifie pour notre société s'il n'est pas libéré et s'il est condamné à une peine de prison pour le restant de ses jours ? Et que peut-on faire ?
Stella : Il y a un avant et un aprĂšs concernant lâaccusation contre Julian. Nous en sommes au terrible scĂ©nario oĂč un rĂ©dacteur en chef est inculpĂ© pour avoir reçu, possĂ©dĂ© et communiquĂ© des informations au public.
Il a reçu ces informations de Chelsea Manning, une lanceuse d'alerte héroïque qui a vu ces crimes de guerre et ces meurtres aveugles et les a dénoncés, et qui a été emprisonnée pour cela.
Mais lorsqu'ils ont porté ces accusations contre Julian, ils ont vraiment franchi une ligne jamais franchie auparavant. Ils ont utilisé la loi américaine sur l'espionnage pour dénoncer un rédacteur en chef.
Et il n'est pas accusé d'espionnage à proprement parler. Il n'est pas accusé de publier pour le compte d'une puissance étrangÚre. En fait, il publiait au profit du public. Il s'agit d'un recadrage complet du journalisme, considéré comme un danger à enrayer.
Julian n'est pas un citoyen amĂ©ricain. Il est australien. Il se trouvait dans l'Union europĂ©enne Ă l'Ă©poque et publiait en partenariat avec d'autres organisations : The Guardian, El PaĂs, entre autres. Le New York Times. Ils ont publiĂ© les mĂȘmes informations, y compris des documents classifiĂ©s qui n'avaient pas Ă©tĂ© autorisĂ©s. Ils pouvaient donc utiliser le mĂȘme principe pour les poursuivre.
Andrew : Quel Ă©tait le problĂšme avec le New York Times ?
Stella : Oui, c'est la raison donnĂ©e par l'administration Obama pour ne pas poursuivre Julian au sujet des fuites de Chelsea Manning, considĂ©rant quâaccuser Julian devait Ă accuser le New York Times pour la publication des mĂȘmes informations. C'est l'administration de Donald Trump qui a lancĂ© cette accusation, son administration voulait crĂ©er un prĂ©cĂ©dent, juridique et politique, pour restreindre la libertĂ© de la presse, pour que publier des informations vĂ©ridiques et pratiquer un journalisme percutant devienne dangereux.
Andrew : Mais avec l'administration Biden est au pouvoir, tout devrait ĂȘtre rĂ©glĂ© maintenant, n'est-ce pas ?
Stella : L'administration Biden a poursuivi la dĂ©marche la plus dangereuse et la plus durable de Donald Trump : porter des accusations criminelles contre un journaliste pour avoir publiĂ© des informations vĂ©ridiques. Et le Washington Post, le New York Times, toutes les grandes organisations de dĂ©fense de la libertĂ© d'expression, les organisations de dĂ©fense des droits de l'homme, Amnesty International et dâautres, disent tous que cette affaire est la plus grande menace pour la libertĂ© de la presse dans le monde, qu'il doit ĂȘtre libĂ©rĂ©, et qu'il s'agit d'une persĂ©cution politique qui criminalise fondamentalement le droit du public Ă connaĂźtre la vĂ©ritĂ©.
Andrew : Vous ĂȘtes avocate, vous avez fait des Ă©tudes dans une universitĂ© renommĂ©e. Vous auriez pu avoir une vie beaucoup plus simple, plus tranquille et plus confortable. Au lieu de cela, vous avez dĂ» faire face Ă tant de sacrifices et d'injustices au quotidien. J'aimerais savoir Ă quel moment vous avez choisi cette voie. Qu'est-ce qui vous pousse Ă continuer malgrĂ© la pression intense ?
Stella : Je suis née en Afrique du Sud, mais mes parents travaillaient dans le domaine de la coopération au développement au Botswana et au Lesotho, et ils étaient impliqués dans la lutte contre l'apartheid. J'ai donc grandi avec des gens politiquement actifs qui luttaient contre l'injustice, des écrivains, des intellectuels, des peintres, ce genre de personnes.
Cela a vraiment fait partie de mon éducation. Pendant que nous vivions au Botswana, plusieurs amis de mes parents ont été assassinés par un escadron de la mort sud-africain qui a franchi la frontiÚre en 1985. Je n'avais que deux ans et demi, mais cet événement a façonné ma façon de voir les choses, il nous a touchés de trÚs prÚs. Puis je suis devenue avocate.
Je me suis impliquée dans le cas de Julian en 2011, et nous avons fini par tomber amoureux et fonder une famille. Et ce, à un moment marqué non seulement par des calomnies à l'encontre de Julian, mais aussi par de véritables complots contre sa vie, visant à le kidnapper et à l'assassiner. Le contexte était trÚs dangereux et trÚs inquiétant.
Mais aprÚs l'arrestation de Julian, nous avons eu deux enfants. Et bien que je ne me sente pas trÚs à l'aise devant une telle assemblée, je me dis que le plus grand risque est que nos enfants grandissent sans pÚre, et qu'il faut que je parle, que je défende Julian, pas seulement pour qu'il soit libéré, mais aussi pour que les gens sachent ce qui est en jeu pour nous tous. Parce que c'est le droit du public à savoir qui est en définitive l'enjeu de ce processus.
Andrew : Je vais vous lire un titre de The Economist de 2019.Il dit : "Pourquoi Julian Assange devrait ĂȘtre extradĂ©. Le cofondateur de WikiLeaks est accusĂ© de piratage, pas de fuite, et c'est un dĂ©lit grave". Pouvez-vous expliquer, s'il vous plaĂźt, en quoi cela est absurde ? Et qu'avez-vous appris sur le rĂŽle de la presse traditionnelle ?
Stella : The Economist a des problÚmes spécifiques avec Julian Assange. En outre, c'est un magazine qui a pris position en faveur de l'invasion de l'Irak. Certaines personnes ont changé d'avis, mais on constate souvent que de nombreuses personnes hostiles à Julian et à WikiLeaks étaient également favorables à la guerre en Irak.
Je ne dis pas que [le mĂ©dia] est entiĂšrement mauvais, mais lors de la publication des courriels de Podesta [Stella fait allusion Ă John Podesta, coordonateur de la campagne dâHillary Clinton aux prĂ©sidentielles en octobre 2016], on a dĂ©couvert que la rĂ©dactrice en chef de The Economist se dĂ©crivait comme une amie fidĂšle d'Hillary Clinton. Et l'Ă©quipe d'Hillary Clinton n'Ă©tait pas ravie des publications de WikiLeaks en 2016, et The Economist a soutenu la campagne d'Hillary.
Ă part cela, c'est complĂštement absurde parce que Julian n'est pas accusĂ© de piratage informatique. Il est inculpĂ© au titre de la loi sur la fraude et l'abus informatiques [Computer Fraud and Abuse Act], ce qui reprĂ©sente cinq ans des 175 ans de la peine qu'il encourt. J'ai appelĂ© cela une accusation de ârelations publiquesâ, qu'ils brandissent, comme lâa fait The Economist, pour prĂ©tendre qu'il s'agit d'autre chose que de publication, alors que 170 ans de la peine sont liĂ©s Ă la publication.
Et si l'on examine cette accusation, elle n'a rien Ă voir avec le piratage. Elle a trait Ă une conversation prĂ©sumĂ©e entre Julian et Chelsea Manning au cours de laquelle, selon les Ătats-Unis, il lui aurait appris Ă dissimuler son identitĂ© afin d'accĂ©der Ă des informations auxquelles elle avait dĂ©jĂ accĂšs. Chelsea Manning avait un accĂšs top secret, et elle n'a pas divulguĂ© d'informations top secrĂštes.
Andrew : Vous démentez les deux, n'est-ce pas ?
Stella : Absolument. Mais dans le cas des Ătats-Unis, l'accusation concernant les âordinateursâ avait pour but de masquer l'identitĂ© de Chelsea, et non d'accĂ©der Ă des informations.
Andrew : Et la presse ?
Stella : La presse... Ecoutez, la position de The Economist n'est pas reprĂ©sentative. Je pourrais dire beaucoup de choses sur la presse, mais le fait est que le Washington Post, le New York Times et le Guardian, entre autres, ont dĂ©clarĂ© que l'affaire devrait ĂȘtre abandonnĂ©e. Ils ont dĂ©clarĂ© qu'ils n'ont jamais pensĂ© que les publications devraient ĂȘtre un motif de poursuites, et que cette affaire est une attaque contre la libertĂ© de la presse dans le monde entier, que l'affaire devrait ĂȘtre abandonnĂ©e et ainsi de suite.
Il y a un consensus absolu, sauf peut-ĂȘtre pour The Economist. Mais c'Ă©tait en 2019, peut-ĂȘtre ont-ils changĂ© d'avis.
La presse s'est trÚs mal comportée dans le passé, mais elle a évolué. Je crois vraiment que si Julian n'avait pas été autant diffamé et calomnié par la presse, il n'aurait pas passé une seule journée en prison.
Le fait que la presse ait manqué à son devoir de rendre compte de maniÚre critique et objective du procÚs, des poursuites et de la persécution d'un collÚgue journaliste - avec lequel elle s'est associée pour de nombreuses publications pour lesquelles il est accusé - est une terrible erreur.
Il s'agit d'une faute professionnelle, quasiment de graves manquements de la profession journalistique. Et l'arrestation de Julian est le rĂ©sultat d'un effort concertĂ© pour tenter de saper son soutien politique et de dĂ©former ses positions. De nombreuses âfake storiesâ ont Ă©tĂ© publiĂ©es, y compris par certains de ces mĂȘmes journaux.
Andrew : Je pense qu'il est important de souligner que ce qu'on pense de Julian Assange n'a pas d'importance, parce que cette accusation ne concerne pas ses positions politiques. Il s'agit de questions autrement plus cruciales. S'il peut ĂȘtre poursuivi de la sorte aux Ătats-Unis, c'est un signal pour le reste du monde que cette attitude est lĂ©gitime. Et cela pourrait se produire dans des pays comme le BrĂ©sil et le Mexique ou n'importe oĂč ailleurs.
Stella : Julian est australien. Il Ă©tait en Europe. Les Ătats-Unis utilisent leurs lois de maniĂšre extraterritoriale pour restreindre la libertĂ© d'expression en Europe, pour entraver le discours d'un citoyen Ă©tranger. Qu'est-ce qui empĂȘche un autre pays d'utiliser le mĂȘme principe ? Peut-ĂȘtre que le Burkina Faso dispose de certaines lois sur le secret qu'il a envie dâappliquer au Portugal Ă un journaliste portugais ou italien. C'est complĂštement fou.
Andrew : Nous avons publié hier qu'un journaliste de The Intercept Brasil a été condamné à un an de prison pour avoir publié des informations qui n'ont n'avaient pas plu à un juge. Je pense qu'il y a clairement un lien, et qu'il s'agit d'une tendance mondiale qu'il faut souligner.
J'aimerais changer un peu de sujet et vous poser une question : avec le recul, WikiLeaks et Julian ont eu une influence énorme sur la politique mondiale au cours des 17 derniÚres années. Avez-vous une idée de ce dont Julian est le plus fier dans tout ce qu'il a accompli avec ses collÚgues ?
Stella : J'évite généralement de parler en son nom, mais je sais qu'il est particuliÚrement fier d'avoir contribué à la victoire de Khalid El-Masri devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il s'agit d'un citoyen allemand qui a été kidnappé, remis à la CIA et torturé dans une prison secrÚte en Irak. Lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils avaient capturé le mauvais Khalid El-Masri, ils l'ont abandonné en Macédoine quelques mois plus tard.
Il a tentĂ© de poursuivre les Ătats-Unis en justice aux Ătats-Unis, mais comme il a Ă©tĂ© Ă©tabli que cela concernait la SĂ©curitĂ© nationale, il n'avait pas le droit dâintenter un procĂšs sur le sol amĂ©ricain. Il s'est donc adressĂ© Ă la Cour europĂ©enne des droits de l'homme et a utilisĂ© les documents de WikiLeaks pour obtenir gain de cause.
Il s'agit d'un effet concret du travail accompli par WikiLeaks, qui a pu démontrer l'utilisation de la torture, la complicité des pays européens dans de nombreux cas, et la maniÚre dont l'ambassade américaine faisait pression, par exemple, sur le gouvernement allemand pour qu'il s'abstienne de demander l'extradition des personnes impliquées dans ses tortures et ses enlÚvements.
Nous avons donc vu l'interférence des procédures judiciaires avec la souveraineté des pays européens enregistrée et documentée dans ces publications. C'était formidable. Cela a eu un impact considérable pour nous, pour la préservation de l'intégrité de nos propres démocraties.
Andrew : Julian et vous avez signé la Déclaration de Westminster, un traité sur les limites de la liberté d'expression célébré au nom de la prévention de la désinformation. Des personnalités de tout l'éventail politique l'ont signé.
Il y a évidemment le rÎle du gouvernement, dont nous avons déjà parlé. Mais que font les entreprises technologiques pour limiter la liberté d'expression et notre capacité à publier du journalisme ? Et que faut-il faire pour inverser la tendance ?
Stella : Le problÚme, c'est qu'il existe fondamentalement des passerelles entre les entreprises technologiques, le gouvernement et les agences de renseignement qui limitent notre capacité à percevoir la réalité et les discussions que nous pouvons avoir en toute transparence. Il n'y a pas d'espace public. C'est un espace contrÎlé par des acteurs invisibles, et par des restrictions qui ne font l'objet d'aucune supervision. Il faut donc que la riposte soit forte et intense.
Mais le plus important, c'est que Julian est un théoricien, un innovateur. Il est du cÎté de la liberté d'expression et de la transparence, et il est en prison. Notre seul espoir d'avoir une société ouverte et libre...
Nous sommes dans l'impasse si nous ne parvenons pas à nous défendre. Et la libération de Julian est essentielle dans ce combat. Je vous invite donc tous à soutenir la liberté de Julian, car c'est un innovateur, un théoricien, un journaliste, un penseur, un écrivain, un intellectuel public. Nous avons besoin de lui libre et en mesure de s'exprimer.
Andrew : Avez-vous un dernier message Ă adresser aux personnes prĂ©sentes dans l'auditoire qui sont peut-ĂȘtre en train d'hĂ©siter entre la recherche de plus de facilitĂ© ou la poursuite d`une activitĂ© politique et d`une vie de militantisme ? Avez-vous des pensĂ©es ou des messages inspirants Ă partager ?
Stella : L'hypothÚse selon laquelle il est plus facile de ne pas s'exprimer, de ne pas prendre position en faveur de ses convictions profondes, est complÚtement erronée. Avec le temps, si vous ne choisissez pas de voie conforme à votre vision intérieure, vous ne trouvez personne qui vous ressemble dans votre entourage. Et c'est essentiel de rencontrer les siens.
C'est en luttant, et grĂące Ă ceux qui luttent avec vous, que l'on parvient Ă s'Ă©panouir. Il y a de nombreuses façons d'ĂȘtre militant. Il n'est pas nĂ©cessaire de manifester tous les jours. J'ai rencontrĂ© de nombreuses personnes qui travaillent pendant la journĂ©e, des employĂ©s municipaux, des enseignants, des ingĂ©nieurs, des technologues.
Il suffit de mettre ses compétences au service du bien et de l'humanité.
đâđš Wikileaks has changed journalism. The extradition of Julian Assange could destroy it. Here's why.
By Andrew Fishman, November 22, 2023
A conversation with the wife of WikiLeaks founder Julian Assange, imprisoned for 11 years for his journalistic activities.
I have to speak out, I have to defend Julian, not just to get him released, but to let people know that the crucial issue in this process is transparency and the public's right to know.
WIKILEAKS is one of the most important organizations - and ideas - of this century, inspiring a generation of journalists and activists, and striking fear into the hearts of politicians. And it's for this enormous impact that Julian Assange has been ruthlessly persecuted by the American and British governments, and unjustly imprisoned for 11 years, first as a refugee in the Ecuadorian embassy in London, and now in Belmarsh prison, also in London.
Julian is now awaiting extradition to the USA on absurd espionage charges that would effectively criminalize much investigative journalism. WikiLeaks has reminded us of the role journalism should play, and has put the spotlight on democracy, transparency, accountability, freedom of expression and human rights.
Julian, his wife Stella Assange and all their colleagues at WikiLeaks have shown great courage in the face of espionage, harassment, torture, imprisonment, defamation and lies, and for that they deserve all our gratitude.
I had the opportunity to interview lawyer and human rights advocate Stella Assange on Thursday on the main stage of the Web Summit conference in Lisbon. She joined Julian's legal team in 2011 and became his wife and the mother of his two children.
We discussed her journey as a political activist, Julian's persecution, and the global implications of the Assange case for press freedom and democracy.
Here is a transcript of the interview edited for ease of understanding. You can also watch the conversation in its entirety in the video above or on The Intercept Brasil's YouTube page.
Andrew Fishman: You've just arrived in Portugal. Why are you coming to the Web Summit now?
Stella Assange: I've just come back from Oslo, I've just come from the airport, I took part in a brief question-and-answer session, and here I am with all these kind people. I was in Oslo because Julian was awarded the Ossietzky Prize by PEN International Norway. It's an organization that defends writers in danger or in prison.
Julian received the award because he has been imprisoned for four and a half years in the UK's strictest prison. It's a very important recognition of his condition as a political prisoner.
Andrew: Why is Julian Assange in prison and how is he doing?
Stella: There have been a lot of debates about the ethics of publication and things like that. But WikiLeaks publications are 100% authentic documents.
These are documents and videos that bear witness to war crimes, to the murder of over 15,000 unaccounted people in Iraq, to the presence of death squads in Afghanistan. The list is endless. Real crimes committed by occupying forces.
Julian is in prison because he is being punished for denouncing a superpower. A superpower in decline, ready to violate its own constitution, its own principles of freedom of expression and of the press, in order to persecute a journalist.
Andrew: What does it mean for our society if he isn't released and is sentenced to prison for the rest of his life? And what can we do?
Stella: There's a before and after to the case against Julian. We're in the terrible scenario where an editor is charged with receiving, possessing and communicating information to the public.
He received this information from Chelsea Manning, a heroic whistleblower who saw these war crimes and indiscriminate murders and blew the whistle on them, and was imprisoned for it.
But when they brought these charges against Julian, they really crossed a line never crossed before. They used American espionage law to denounce an editor.
And he's not accused of espionage per se. He's not accused of publishing on behalf of a foreign power. In fact, he was publishing for the benefit of the public. This is a complete reframing of journalism as a danger to be curbed.
Julian is not an American citizen. He is Australian. He was in the European Union at the time and published in partnership with other organizations: The Guardian, El PaĂs, among others. The New York Times. They published the same information, including classified documents that had not been authorized. So they could use the same principle to go after them.
Andrew: What was the problem with the New York Times?
Stella: Yes, that was the reason given by the Obama administration for not prosecuting Julian over the Chelsea Manning leaks, considering that to accuse Julian was to accuse the New York Times of publishing the same information. It was Donald Trump's administration that launched this accusation, his administration wanted to create a precedent, legal and political, to restrict press freedom, so that publishing truthful information and practicing hard-hitting journalism would become dangerous.
Andrew: But with the Biden administration in power, everything should be settled now, shouldn't it?
Stella: The Biden administration has pursued Donald Trump's most dangerous and enduring move: bringing criminal charges against a journalist for publishing truthful information. And the Washington Post, the New York Times, all the major free speech organizations, human rights organizations, Amnesty International and others, are all saying that this case is the greatest threat to press freedom in the world, that he must be freed, and that this is political persecution that fundamentally criminalizes the public's right to know the truth.
Andrew: You're a lawyer, you studied at a renowned university. You could have had a much simpler, quieter and more comfortable life. Instead, you've had to face so many sacrifices and injustices on a daily basis. I'd like to know when you chose this path. What keeps you going despite the intense pressure?
Stella: I was born in South Africa, but my parents worked in development cooperation in Botswana and Lesotho, and were involved in the struggle against apartheid. So I grew up with politically active people who were fighting injustice, writers, intellectuals, painters, people like that.
It was really part of my upbringing. While we were living in Botswana, several of my parents' friends were murdered by a South African death squad that crossed the border in 1985. I was only two and a half years old, but this event shaped my way of seeing things; it touched us very closely. Then I became a lawyer.
I got involved in Julian's case in 2011, and we ended up falling in love and starting a family. And this at a time marked not only by slander against Julian, but also by real plots against his life, aiming to kidnap and murder him. The context was very dangerous and very worrying.
But after Julian's arrest, we had two children. And although I don't feel very comfortable in front of such a gathering, I tell myself that the greatest risk is that our children will grow up without a father, and that I have to speak out, to defend Julian, not just so that he's freed, but so that people know what's at stake for all of us. Because it's the public's right to know that's ultimately at stake in this process.
Andrew: I'm going to read you a headline from The Economist from 2019.It says: "Why Julian Assange should be extradited. The WikiLeaks co-founder is accused of hacking, not leaking, and that's a serious offense." Can you please explain why this is absurd? And what have you learned about the role of the mainstream press?
Stella: The Economist has specific problems with Julian Assange. Also, it's a magazine that took a position in favor of the invasion of Iraq. Some people have changed their minds, but we often find that many people hostile to Julian and WikiLeaks were also in favor of the Iraq war.
I'm not saying [the media] is all bad, but when the Podesta emails were published [Stella is referring to John Podesta, Hillary Clinton's presidential campaign coordinator in October 2016], it was discovered that the editor of The Economist described herself as a loyal friend of Hillary Clinton. And Hillary Clinton's team wasn't thrilled with the WikiLeaks publications in 2016, and The Economist endorsed Hillary's campaign.
Other than that, it's completely absurd because Julian isn't being charged with hacking. He's being charged under the Computer Fraud and Abuse Act, which is five years of the 175-year sentence he faces. I called this a "public relations" charge, which they brandish, as The Economist did, to pretend it's something other than publication, when 170 years of the sentence is linked to publication.
And if you look at this charge, it has nothing to do with piracy. It has to do with an alleged conversation between Julian and Chelsea Manning in which, according to the US, he taught her to conceal her identity in order to access information to which she already had access. Chelsea Manning had top-secret access, and she didn't divulge any top-secret information.
Andrew: You deny both, don't you?
Stella: Absolutely. But in the U.S. case, the "computers" accusation was about masking Chelsea's identity, not accessing information.
Andrew: What about the press?
Stella : The press... Look, The Economist's position is not representative. I could say a lot of things about the press, but the fact is that the Washington Post, the New York Times and the Guardian, among others, have said that the case should be dropped. They've said that they never thought that publications should be grounds for prosecution, and that this case is an attack on press freedom worldwide, that the case should be dropped and so on.
There was absolute consensus, except perhaps for The Economist. But that was in 2019, maybe they've changed their minds.
The press has behaved very badly in the past, but it has evolved. I truly believe that if Julian hadn't been so defamed and slandered by the press, he wouldn't have spent a single day in prison.
The fact that the press has failed in its duty to report critically and objectively on the trial, prosecution and persecution of a fellow journalist - with whom it has partnered on many of the publications for which he is accused - is a terrible mistake.
This is professional misconduct, almost a serious breach of the journalistic profession. And Julian's arrest is the result of a concerted effort to try to undermine his political support and distort his positions. Numerous "fake stories" have been published, including by some of these same newspapers.
Andrew: I think it's important to stress that it doesn't matter what you think about Julian Assange, because this accusation isn't about his political positions. These are far more crucial issues. If he can be prosecuted like this in the United States, it's a signal to the rest of the world that this attitude is legitimate. And that could happen in countries like Brazil and Mexico or anywhere else.
Stella: Julian is Australian. He was in Europe. The U.S. is using its laws extraterritorially to restrict free speech in Europe, to impede the speech of a foreign citizen. What's to stop another country from using the same principle? Maybe Burkina Faso has some secrecy laws it wants to apply in Portugal to a Portuguese or Italian journalist. It's just crazy.
Andrew: We published yesterday that a journalist from The Intercept Brasil was sentenced to a year in prison for publishing information that a judge didn't like. I think there's a clear link here, and it's a global trend that needs to be highlighted.
I'd like to change the subject a little and ask you a question: looking back, WikiLeaks and Julian have had a huge influence on world politics over the last 17 years. Do you have any idea what Julian is most proud of in all that he and his colleagues have achieved?
Stella: I generally avoid speaking on his behalf, but I know he's particularly proud of having contributed to Khalid El-Masri's victory before the European Court of Human Rights. He is a German citizen who was kidnapped, handed over to the CIA and tortured in a secret prison in Iraq. When they realized they had captured the wrong Khalid El-Masri, they abandoned him in Macedonia a few months later.
He tried to sue the US in the USA, but as it was determined to be a matter of National Security, he had no right to sue on US soil. He therefore turned to the European Court of Human Rights and used the WikiLeaks documents to win his case.
This is a concrete effect of the work carried out by WikiLeaks, which was able to demonstrate the use of torture, the complicity of European countries in many cases, and the way in which the American embassy put pressure, for example, on the German government to refrain from requesting the extradition of those involved in its torture and kidnappings.
So we saw the interference of legal proceedings with the sovereignty of European countries recorded and documented in these publications. It was wonderful. It had a huge impact for us, for preserving the integrity of our own democracies.
Andrew: You and Julian signed the Westminster Declaration, a treaty on the limits of free speech celebrated in the name of preventing misinformation. Personalities from across the political spectrum signed it.
There's obviously the role of government, which we've already discussed. But what are tech companies doing to limit free speech and our ability to publish journalism? And what needs to be done to reverse the trend?
Stella: The problem is that there are fundamentally bridges between technology companies, government and intelligence agencies that limit our ability to perceive reality and the discussions we can have in full transparency. There is no public space. It's a space controlled by invisible actors, and by restrictions that are unsupervised. The response must therefore be strong and intense.
But most importantly, Julian is a theorist, an innovator. He's on the side of free speech and transparency, and he's in jail. Our only hope for an open and free society...
We're at a dead end if we can't fight back. And Julian's release is essential in this fight. So I urge you all to support Julian's freedom, because he is an innovator, a theorist, a journalist, a thinker, a writer, a public intellectual. We need him free and able to express himself.
Andrew: Do you have a final message for those in the audience who may be wavering between seeking greater ease or pursuing a life of political activity and activism? Do you have any inspiring thoughts or messages to share?
Stella: The assumption that it's easier not to speak out, not to take a stand for your deepest convictions, is completely wrong. Over time, if you don't choose a path that's in line with your inner vision, you won't find anyone like you around you. And it's essential to meet your own.
It's by struggling, and thanks to those who struggle with you, that you achieve fulfillment. There are many ways to be an activist. You don't have to demonstrate every day. I've met many people who work during the day, municipal employees, teachers, engineers, technologists.
All you have to do is put your skills at the service of good and humanity.