đâđš Wikileaks : Lâabsurde argument de "mise en danger dâautrui", ou comment lutter contre des annĂ©es de calomnies et de mensonges
Wikileaks s'est surpassĂ©e, expurgeant plus d'informations que le ministĂšre de la DĂ©fense lui-mĂȘme. Ce sont les journalistes du Guardian qui sont Ă l'origine de la publication des fichiers non expurgĂ©s
đâđš Wikileaks : Lâabsurde argument de "mise en danger dâautrui", ou comment lutter contre des annĂ©es de calomnies et de mensonges
Par Brian Vickery, Veterans For Assange, le 12 janvier 2023
L'accusation portĂ©e par nos gouvernements, et reprise par une grande partie des mĂ©dias, selon laquelle Wikileaks avait mis des vies en danger a Ă©tĂ© l'une des plus prĂ©judiciables dans la campagne pour sa libĂ©ration, et pour barrer la route Ă son extradition vers les Ătats-Unis oĂč il risque 175 ans de prison. Il est naturel et juste que nous soyons prĂ©occupĂ©s par ceux qui mettent leur vie en danger pour nous dĂ©fendre. Ou de s'inquiĂ©ter pour les innocents qui risquent d'ĂȘtre mises en danger.
Il est Ă©galement trĂšs facile d'accuser quelqu'un de mettre des vies en danger, mais il n'est pas si simple de se dĂ©fendre contre une telle accusation. Alors mĂȘme que le ministĂšre de la justice, aprĂšs plus d'une dĂ©cennie, n'a pu nommer une seule personne lĂ©sĂ©e par la publication de Wikileaks, nous devons ĂȘtre clairs sur ce point.
Tout d'abord, il faut prĂ©ciser que nous savons que ceux qui ont mis des vies en danger sont ceux qui ont menti (et qui continuent de mentir) sur les vĂ©ritables raisons de la guerre. Sur les rĂ©percussions rĂ©elles de la guerre. Des dizaines de milliers de militaires, et des centaines de milliers de civils ont payĂ© ces mensonges de leur vie. Soyons honnĂȘtes, nos militaires, en particulier ceux qui sont en premiĂšre ligne, savent le vĂ©ritable coĂ»t de la guerre. Les populations des pays qui subissent la guerre ont certainement une idĂ©e assez prĂ©cise de cette rĂ©alitĂ©. Les mensonges et la dissimulation de la vĂ©ritĂ© sont nĂ©cessaires pour tromper les Ă©lecteurs, les amener Ă soutenir la nĂ©cessitĂ© de la guerre, pour continuer Ă les financer, et Ă envoyer nos jeunes hommes et femmes au combat.
Le procĂšs Manning
Les actes d'accusation dont Julian Assange fait l'objet concernent les informations transmises Ă Wikileaks par Chelsea (anciennement Bradley) Manning.
ï»żManning disposait de toutes les autorisations nĂ©cessaires pour la transmission des informations Ă Wikileaks. Lors du procĂšs de Manning pour cette fuite, le gĂ©nĂ©ral Robert Carr, qui dirigeait une Ă©quipe de plus de 80 officiers de renseignement, avec un budget de 6 millions de dollars au Pentagone pour enquĂȘter sur la fuite, a confirmĂ© sous serment qu'il n'existait aucune preuve que quiconque ait perdu la vie Ă la suite de cette fuite.
Robert Gates, ancien secrétaire à la défense
âLe ministĂšre de la dĂ©fense n'a pu citer aucune personne en Afghanistan ou en Irak ayant subi un prĂ©judice du fait des documents publiĂ©s par WikiLeaks.â Lien
Processus de réduction des préjudices par Wikileaks
Wikileaks a mis au point un processus de réduction des risques afin de s'assurer que ses publications ne mettent pas en danger des innocents ou le personnel opérationnel.
Le journaliste américain John Goetz a témoigné devant le tribunal que Wikileaks disposait d'un processus de rédaction trÚs rigoureux.
"Assange lui-mĂȘme Ă©tait "trĂšs prĂ©occupĂ© par l'aspect technique consistant Ă rechercher tous les noms dans cette Ă©norme collection de documents" afin que "nous puissions les expurger, pour qu'ils ne soient pas publiĂ©s, pour qu'ils ne subissent pas de prĂ©judice". Il a tĂ©moignĂ© qu'Assange rappelait continuellement Ă ses partenaires des mĂ©dias d'utiliser des communications sĂ©curisĂ©es, des tĂ©lĂ©phones et des applications cryptĂ©s, et bien qu'il ait semblĂ© paranoĂŻaque Ă l'Ă©poque, il s'agit maintenant d'une pratique journalistique standard"
Wikileaks a travaillĂ© avec le dĂ©partement d'Ătat pour expurger les noms et les informations sensibles.
M. Goetz a également témoigné des conversations que WikiLeaks et les médias partenaires ont eues avec le gouvernement américain avant la publication.
"Les partenaires médiatiques ont également envoyé une délégation de journalistes du New York Times, dont un des bureaux était déjà implanté à Washington DC, pour discuter à l'avance de la publication à la Maison Blanche. Comme Eric Schmitt du Times l'a fait savoir par courriel à M. Goetz immédiatement aprÚs la réunion, la délégation des médias a communiqué au gouvernement américain que WikiLeaks ne publierait pas les quelque 15 000 documents contenus dans les journaux de guerre afghans, et a sollicité de la Maison Blanche toute l'assistance technique qu'elle pourrait lui apporter pour l'aider à expurger les documents. Cette demande, selon M. Goetz, a été accueillie avec "dérision".
Wikileaks a expurgé plus d'informations que le ministÚre de la Défense dans le cadre des demandes d'accÚs à l'information.
M. Goetz a déclaré que le processus de minimisation des dommages de WikiLeaks s'était développé au fil du temps, et il a ajouté que l'organisation avait "surpassé" l'objectif de minimisation des préjudices de WikiLeaks :
"Il a dĂ©clarĂ© que l'organisation s'Ă©tait surpassĂ©e avec les journaux de guerre d'Irak, et avait fini par expurger plus d'informations que le ministĂšre de la DĂ©fense lui-mĂȘme". Certains des dossiers avaient Ă©tĂ© dĂ©classifiĂ©s et rendus publics Ă la suite de demandes d'accĂšs Ă l'information, de sorte que l'on pouvait comparer les caviardages et constater que WikiLeaks avait masquĂ© plus de noms que le gouvernement amĂ©ricain.â
John Sloboda, fondateur d'une importante ONG basée à Londres, a témoigné devant le tribunal :
"Julian Assange avait pour objectif des "corrections rigoureuses", et insistait pour expurger les noms des informateurs irakiens. Il a mĂȘme dĂ©veloppĂ© un logiciel pour supprimer les termes irakiens des cĂąbles de WikiLeaks". "Il Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă supprimer les noms des sources des documents avant leur publication".
"On nous a fait comprendre que l'objectif Ă©tait d'expurger trĂšs, trĂšs rigoureusement les journaux avant leur publication.â
M. Sloboda a déclaré qu'il aurait fallu une "armée" "sur un trÚs long délai" pour expurger les fichiers manuellement, et que c'est son collÚgue qui a eu l'idée de développer un logiciel permettant d'expurger les documents des termes autres que l'anglais.
Il a ajoutĂ© que "les professions ont Ă©galement Ă©tĂ© expurgĂ©es, afin d'Ă©viter que l'identitĂ© des informateurs ne puisse ĂȘtre devinĂ©e".
Il convient également de rappeler qu'aux cÎtés de Wikileaks, le Guardian, le New York Times, Der Spiegel et Le Monde figurent parmi les principaux organes de presse ayant contribué au processus de rédaction et à la publication des informations extraites des dossiers.
Le rÎle des journalistes du Guardian dans la publication des fichiers non expurgés
L'approche de Wikileaks en matiÚre de partage des fichiers avec ses partenaires d'autres organes de presse était fondée sur le principe de la "nécessité de savoir". Un journaliste italien, par exemple, recevait des fichiers cryptés concernant l'Italie. La clé (mot de passe) ne lui est communiquée qu'une fois que les deux partenaires sont satisfaits du niveau de sécurité des fichiers.
Cette méthode permet de sécuriser les informations tout comme les possesseurs de Bitcoin utilisent une clé individuelle pour accéder à leur argent sur la blockchain publique de Bitcoin.
Au milieu de l'année 2010, Julian Assange, sous la pression du journaliste du Guardian David Leigh, a transmis au journaliste la clé d'accÚs à l'ensemble des fichiers. David Leigh et Luke Harding ont ensuite publié l'intégralité du mot de passe dans leur livre sur Wikileaks.
Ainsi, les fichiers complets non expurgĂ©s ont pu ĂȘtre consultĂ©s par tous.
Processus de limitation des préjudices
Bien que Wikileaks et Julian Assange ne soient pas responsables de la publication de la clé de cryptage, ils se sont efforcés d'en limiter les retombées.
Julian Assange a tentĂ© de contacter Hilary Clinton, et a pu avoir une longue conversation avec Cliff Johnson du DĂ©partement d'Ătat.
Ce n'est qu'aprĂšs la publication intĂ©grale des fichiers par d'autres organisations, y compris cryptome.org, une organisation basĂ©e aux Ătats-Unis, que Wikileaks a publiĂ© l'intĂ©gralitĂ© des fichiers.
La raison pour laquelle Wikileaks a publié les fichiers non expurgés à ce stade est, comme l'a souligné Glenn Greenwald à l'époque :
"WikiLeaks a dĂ©cidĂ© - de maniĂšre tout Ă fait sensĂ©e - que la meilleure solution et la plus sĂ»re Ă©tait de publier les cĂąbles dans leur intĂ©gralitĂ©, afin que non seulement les agences de renseignement du monde entier, mais Ă©galement les citoyens puissent en disposer, que des mesures soient prises pour protĂ©ger les sources, et que les informations qu'ils contiennent soient disponibles de la mĂȘme maniĂšre pour tous".
Selon Julian Assange :
"En outre, pour minimiser les prĂ©judices, certaines personnes doivent ĂȘtre informĂ©es qu'elles sont mentionnĂ©es dans les documents avant que les agences de renseignement ne le sachent - ou du moins le plus tĂŽt possible.â
"Au moment oĂč nous avons publiĂ© les cĂąbles, ces donnĂ©es se trouvaient dĂ©jĂ sur des dizaines de sites web, dont Cryptome, et faisaient l'objet de tweets de toutes parts. Une interface publique consultable avait mĂȘme Ă©tĂ© mise en place sur l'un d'entre eux".
â New Scientist
Le rÎle de Wikileaks dans la préservation des vies
Tout comme la publication des Pentagon Papers par le NYT a permis d'Ă©courter la guerre du ViĂȘt Nam et de rĂ©duire les effusions de sang, la publication par Wikileaks des journaux de guerre irakiens a permis de mettre un terme Ă la guerre d'Irak, limitant Ă nouveau toute effusion de sang.
En conclusion
Le plus grand risque pour nos militaires et nos civils innocents réside dans le mensonge et la tromperie de nos responsables politiques pour nous faire entrer en guerre, et pour soutenir ces guerres.
Wikileaks a mis au point un processus de rĂ©duction des risques destinĂ© Ă protĂ©ger les civils innocents, et Ă garantir que des vies cessent dâĂȘtre sacrifiĂ©es. Julian Assange Ă©tait "paranoĂŻaque" quant Ă la sĂ©curitĂ© des informations, et Ă©tait prĂȘt Ă travailler avec le dĂ©partement d'Ătat.
Ce sont les journalistes du Guardian qui sont à l'origine de la publication des dossiers non expurgés. Des fichiers qui restent accessibles au public sur des sites américains, sans que les organismes concernés ne soient poursuivis en justice.
De nombreux mĂ©dias traditionnels ont publiĂ© les rĂ©vĂ©lations de Manning en mĂȘme temps que Wikileaks.
https://www.veteransforassange.com/the-put-lives-at-risk-fallacy