đâđš William Astore: les racketteurs de guerre ne vont pas se rĂ©former d'eux-mĂȘmes
Le complexe militaro-industriel devra rĂ©pondre Ă nos demandes & s'il refuse de le faire, que ce soit en raison de sa force ou de notre faiblesse, vous saurez que ce pays sâest vraiment perdu en route.
đâđš Les racketteurs de guerre ne vont pas se rĂ©former d'eux-mĂȘmes
By William Astore, le 31 janvier 2023
Le complexe militaro-industriel devra rĂ©pondre Ă nos demandes, et s'il refuse de le faire, que ce soit Ă cause de sa force ou de notre faiblesse, vous saurez que ce pays sâest vraiment perdu en route.
Au cas oĂč vous ne l'auriez pas remarquĂ©, le Bulletin of the Atomic Scientists vient de placer les aiguilles de son horloge de l'apocalypse plus prĂšs de "minuit" qu'Ă aucun autre moment depuis sa crĂ©ation en 1947. Imaginez cela ! Jamais, depuis le dĂ©but de la guerre froide du siĂšcle dernier, ces scientifiques, dont 10 laurĂ©ats du prix Nobel, n'ont estimĂ© que nous Ă©tions plus en danger que... oui, Ă cette seconde mĂȘme (et j'utilise ce mot Ă bon escient). Nous parlons, en d'autres termes, d'un dĂ©lai proverbial de 90 secondes avant notre possible... y a-t-il vraiment un autre mot pour cela ?... extinction.
L'une des raisons pour lesquelles ils ont agi de la sorte, bien sĂ»r, est la guerre en Ukraine qui ne montre aucun signe de fin, et trop de signes d'expansion. ConsidĂ©rez, par exemple, la rĂ©cente dĂ©cision de l'administration Biden d'y envoyer certains de ses chars M-1 les plus avancĂ©s, ce qui a conduit l'Allemagne Ă accepter d'envoyer Ă©galement ses propres chars Leopard 2. Et considĂ©rez cela comme deux crans de plus dans ce qui est devenu une guerre par procuration de plus en plus intense entre ce pays et... oups, j'ai failli Ă©crire l'Union soviĂ©tique, mais non, c'est la bonne vieille Russie maintenant. Et ce n'est que le dĂ©but d'une liste de dangers potentiels sur cette planĂšte, y compris les pandĂ©mies et, surtout, le changement climatique, lui-mĂȘme sur une voie de plus en plus - oserais-je dire - chauffĂ©e Ă blanc (et favorisĂ© par la dĂ©cision de Vladimir Poutine d'envahir l'Ukraine).
Au risque de vous ennuyer Ă mourir, permettez-moi de mentionner une autre chose. Comme nous l'avons appris l'annĂ©e derniĂšre, dans un monde oĂč les dangers se multiplient, il ne semble pas y avoir de limites lorsqu'il s'agit de la volontĂ© du CongrĂšs de dĂ©verser sans fin l'argent des contribuables dans le complexe militaro-industriel. Le budget du Pentagone qui a Ă©tĂ© adoptĂ© Ă la fin de l'annĂ©e 2022 a tout simplement crevĂ© le plafond, comme nous le rappelle aujourd'hui William Astore, lieutenant-colonel de l'armĂ©e de l'air Ă la retraite, historien et habituĂ© de TomDispatch. Et les rĂ©publicains et les dĂ©mocrates du CongrĂšs qui se battent sur tout le reste trouvent un accord remarquable sur cette question. Ă quelques exceptions prĂšs, l'investissement d'au moins la moitiĂ© de notre budget discrĂ©tionnaire dans le complexe militaro-industriel ne semble plus faire sourciller personne.
Oh attendez, laissez-moi faire une exception pour Astore, aussi. Il a clignĂ© de lâoeil maintes et maintes fois au fil des ans. Si seulement un plus grand nombre d'entre nous (et de ses anciens compatriotes militaires) pouvait faire de mĂȘme. Tom
đâđš Le complexe militaro-industriel peut-il ĂȘtre maĂźtrisĂ© ?
Réduire de moitié le budget du Pentagone obligerait enfin les généraux à réfléchir.
Par William J. Astore, le 31 janvier 2023
Je m'appelle Bill Astore et je suis un membre Ă part entiĂšre du complexe militaro-industriel (CMI).
Bien sĂ»r, j'ai raccrochĂ© mon uniforme militaire pour la derniĂšre fois en 2005. Depuis 2007, j'Ă©cris des articles pour TomDispatch qui se concentrent principalement sur la critique de ce mĂȘme CMI et de l'Ă©conomie de guerre permanente de l'AmĂ©rique. J'ai Ă©crit contre le gaspillage et l'imprudence des guerres en Irak et en Afghanistan, contre les systĂšmes d'armes coĂ»teux et dĂ©sastreux de ce pays, et contre son adhĂ©sion antidĂ©mocratique aux guerriers et au militarisme. NĂ©anmoins, je reste un lieutenant-colonel, bien qu'Ă la retraite. J'ai toujours ma carte d'identitĂ© militaire, ne serait-ce que pour accĂ©der aux bases, et j'ai toujours tendance Ă dire "nous" lorsque je parle de mes collĂšgues soldats, marines, marins et aviateurs (et de nos "gardiens" aussi, maintenant que nous avons une force spatiale).
Ainsi, lorsque je m'adresse Ă des organisations anti-guerre qui cherchent Ă rĂ©duire, Ă dĂ©manteler ou Ă affaiblir de quelque maniĂšre que ce soit le CSI, je ne cache pas mes prĂ©jugĂ©s militaires, mĂȘme si j'ajoute ma propre voix Ă leurs critiques. Bien sĂ»r, il n'est pas nĂ©cessaire d'ĂȘtre contre la guerre pour se mĂ©fier fortement de l'armĂ©e amĂ©ricaine. Les hauts dirigeants de "mon" armĂ©e ont si souvent menti, que ce soit pendant la guerre du ViĂȘt Nam au siĂšcle dernier ou pendant celle d'aujourd'hui Ă propos des "progrĂšs" en Irak et en Afghanistan, qu'il faudrait ĂȘtre endormi au volant ou ignorant pour ne pas soupçonner la version officielle.
Pourtant, j'exhorte Ă©galement les forces anti-guerre Ă voir plus que de la malhonnĂȘtetĂ© ou de la mĂ©chancetĂ© dans "notre" armĂ©e. AprĂšs tout, c'est le gĂ©nĂ©ral Ă la retraite et prĂ©sident de l'Ă©poque, Dwight D. Eisenhower, qui a Ă©tĂ© le premier Ă avertir les AmĂ©ricains des profonds dangers du complexe militaro-industriel dans son discours d'adieu de 1961. Les AmĂ©ricains n'ont pas Ă©tĂ© assez nombreux Ă tenir compte de l'avertissement d'Ike Ă l'Ă©poque et, Ă en juger par notre Ă©tat de guerre quasi-constant depuis lors, sans parler de nos budgets "dĂ©fense" toujours plus importants, trĂšs peu d'entre eux ont tenu compte de son avertissement jusqu'Ă aujourd'hui. Comment expliquer cela ?
Eh bien, donnez du crĂ©dit au MIC. Sa tĂ©nacitĂ© a Ă©tĂ© Ă©tonnante. On pourrait le comparer Ă une mauvaise herbe envahissante, Ă un parasite (une image que j'ai dĂ©jĂ utilisĂ©e), ou mĂȘme Ă un cancer mĂ©tastasĂ©. En tant que mauvaise herbe, elle Ă©touffe la dĂ©mocratie ; en tant que parasite, elle engloutit la majeure partie de la "nourriture" (au moins la moitiĂ© du budget discrĂ©tionnaire fĂ©dĂ©ral) sans que l'on puisse en voir la fin ; en tant que cancer, elle continue de se propager, affaiblissant nos libertĂ©s individuelles.
Appelez cela comme vous voulez. La question est la suivante : comment l'arrĂȘter ? J'ai fait des suggestions par le passĂ©, tout comme l'ont fait des rĂ©dacteurs de TomDispatch tels que le colonel Andrew Bacevich et le major Danny Sjursen, ainsi que William Hartung, Julia Gledhill et Alfred McCoy, entre autres. En dĂ©pit de nos critiques, le MIC ne cesse de se renforcer. Si l'avertissement d'Ike n'Ă©tait pas assez rĂ©vĂ©lateur, renforcĂ© par un discours encore plus puissant, "Au-delĂ du Vietnam", de Martin Luther King, Jr, en 1967, qu'est-ce que moi et mes collĂšgues rĂ©dacteurs de TomDispatch pourrions dire ou faire pour faire la diffĂ©rence ?
Peut-ĂȘtre rien, mais cela ne m'empĂȘchera pas d'essayer. Puisque je suis le MIC, pour ainsi dire, je peux peut-ĂȘtre chercher en moi quelques leçons qui m'ont Ă©tĂ© donnĂ©es Ă la dure (dans le sens oĂč j'ai dĂ» les vivre). Alors, qu'ai-je appris de prĂ©cieux ?
Les racketteurs de guerre apprécient leur racket
Dans les annĂ©es 1930, Smedley Butler, un gĂ©nĂ©ral des Marines dĂ©corĂ© Ă deux reprises de la mĂ©daille d'honneur, a Ă©crit un livre intitulĂ© War Is a Racket [la guerre est un racket]. Il le savait mieux que quiconque puisque, comme il l'avouait dans cet ouvrage, lorsqu'il portait l'uniforme militaire, il servait de "racketteur, de gangster du capitalisme". Et le racket des entreprises qu'il a aidĂ© Ă mettre en place il y a prĂšs d'un siĂšcle en faisant tomber des tĂȘtes des CaraĂŻbes Ă la Chine Ă©tait en effet de petite envergure comparĂ© au racket mondial d'aujourd'hui.
Il y a une leçon Ă©vidente Ă tirer de sa remarquable endurance, de son Ă©largissement sans fin et de son engorgement manifeste Ă notre Ă©poque (mĂȘme aprĂšs toutes ces guerres perdues qu'il a menĂ©es) : le systĂšme ne se rĂ©formera pas de lui-mĂȘme. Il exigera et prendra toujours plus - plus d'argent, plus d'autoritĂ©, plus de pouvoir. Il ne sera jamais orientĂ© vers la paix. Par nature, il est autoritaire et nettement moins qu'honorable, remplaçant le patriotisme par la loyautĂ© au service et la victoire par une autoritĂ© budgĂ©taire triomphante. Et elle privilĂ©gie toujours les scĂ©narios les plus sombres, y compris actuellement une nouvelle guerre froide avec la Chine et la Russie, parce que c'est le meilleur moyen de prospĂ©rer.
Au sein du complexe militaro-industriel, il n'y a aucune incitation Ă faire ce qui est juste. Les rares personnes qui ont une conscience et s'expriment honorablement sont punies, y compris les diseurs de vĂ©ritĂ© dans les rangs de l'armĂ©e comme Chelsea Manning et Daniel Hale. MĂȘme le fait d'ĂȘtre officier ne vous met pas Ă l'abri. Pour sa tĂ©mĂ©ritĂ© dans sa rĂ©sistance Ă la guerre du ViĂȘt Nam, David M. Shoup, gĂ©nĂ©ral du Corps des Marines Ă la retraite et rĂ©cipiendaire de la MĂ©daille d'honneur, Ă©tait gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© par ses pairs comme dĂ©sĂ©quilibrĂ© et d'une santĂ© mentale douteuse.
MalgrĂ© tous les discours sur les "francs-tireurs", que ce soit dans Top Gun ou ailleurs, nous - c'est encore ce "nous" (je ne peux pas m'en empĂȘcher !) - dans l'armĂ©e, nous sommes un foyer de conformisme.
RĂ©cemment, je discutais avec un collĂšgue enrĂŽlĂ© de longue date de la raison pour laquelle si peu d'officiers de haut rang sont prĂȘts Ă dire la vĂ©ritĂ© aux impuissants (c'est-Ă -dire vous et moi) mĂȘme aprĂšs leur retraite. Il a mentionnĂ© la crĂ©dibilitĂ©. Remettre le systĂšme en question, le critiquer, laver son linge sale en public, c'est risquer de perdre sa crĂ©dibilitĂ© au sein du club et donc d'ĂȘtre rejetĂ© comme un mĂ©content, un dĂ©loyal, voire un "dĂ©sĂ©quilibrĂ©". Et puis, bien sĂ»r, la fameuse porte tournante entre l'armĂ©e et les grands fabricants d'armes comme Boeing et Raytheon ne veut pas tourner pour vous. Les rĂ©munĂ©rations Ă sept chiffres, comme celle que l'actuel secrĂ©taire Ă la dĂ©fense Lloyd Austin a obtenue de Raytheon aprĂšs avoir pris sa retraite en tant que gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e, ne seront pas une option. Et en AmĂ©rique, qui ne veut pas encaisser de l'argent tout en gagnant plus de pouvoir au sein du systĂšme ?
Tout simplement, il est tellement plus payant de dire des contre-vĂ©ritĂ©s, ou du moins des contre-vĂ©ritĂ©s moins que complĂštes, au service des puissants. Et dans cet esprit, voici, du moins comme je le vois, quelques vĂ©ritĂ©s complĂštes sur mon ancien service, l'armĂ©e de l'air, que je vous garantis que je ne serai pas applaudi pour les avoir mentionnĂ©es. Pour commencer, que pensez-vous de ceci : la production des F-35 - une "Ferrari" hors de prix d'un avion de combat Ă la fois trop complexe et remarquablement performant - devrait ĂȘtre annulĂ©e (Ă©conomies : jusqu'Ă 1 000 milliards de dollars Ă terme) ; le nouveau bombardier nuclĂ©aire B-21 tant vantĂ© n'est pas nĂ©cessaire (Ă©conomies : au moins 200 milliards de dollars) et que le nouveau missile balistique intercontinental Sentinel n'est pas non plus nĂ©cessaire (Ă©conomies : 200 milliards de dollars de plus et peut-ĂȘtre la Terre entiĂšre de l'apocalypse) ; que l'avion-citerne KC-46 est sĂ©rieusement dĂ©fectueux et devrait ĂȘtre annulĂ© (Ă©conomies : 50 milliards de dollars de plus).
Maintenant, faites le point. En annulant le F-35, le B-21, le Sentinel et le KC-46, j'ai économisé à moi seul prÚs de 1 500 milliards de dollars au contribuable américain sans nuire le moins du monde à la défense nationale de l'Amérique. Mais je viens aussi de perdre toute crédibilité (à supposer qu'il m'en reste) auprÚs de mon ancien service.
Ăcoutez, ce qui importe au complexe militaro-industriel, ce n'est ni la vĂ©ritĂ© ni l'Ă©conomie de l'argent de vos contribuables, mais le maintien de ces programmes d'armement et l'Ă©coulement de l'argent. Ce qui compte, par-dessus tout, c'est de maintenir l'Ă©conomie amĂ©ricaine sur un pied d'alerte permanent en temps de guerre, Ă la fois en achetant sans fin de nouveaux (et d'anciens) systĂšmes d'armement pour l'armĂ©e et en les vendant dans le monde entier dans une quĂȘte bizarrement orwellienne de la paix par la guerre.
Comment les AmĂ©ricains, les "citoyens rĂ©actifs et bien informĂ©s" d'Ike, sont-ils censĂ©s mettre fin Ă un tel racket ? Nous devrions certainement savoir une chose maintenant : le MIC ne se contrĂŽlera jamais lui-mĂȘme et le CongrĂšs, qui en fait dĂ©jĂ partie grĂące aux impressionnantes donations de campagne et autres de la part des grands fabricants d'armes, ne le bloquera pas non plus. En effet, l'annĂ©e derniĂšre, le CongrĂšs a injectĂ© 45 milliards de dollars de plus que ce que demandait l'administration Biden (et mĂȘme plus que ce que demandait le Pentagone) dans ce complexe, tout cela ostensiblement en votre nom. Qui se soucie du fait qu'elle n'a pas gagnĂ© une seule guerre de la moindre importance depuis 1945. MĂȘme la "victoire" dans la guerre froide (aprĂšs l'implosion de l'Union soviĂ©tique en 1991) a Ă©tĂ© jetĂ©e aux oubliettes. Et maintenant, le complexe nous avertit de l'imminence d'une "nouvelle guerre froide" qui sera menĂ©e, naturellement, Ă un coĂ»t Ă©norme pour vous, le contribuable amĂ©ricain.
En tant que citoyens, nous devons ĂȘtre informĂ©s, dĂ©sireux et capables d'agir. Et c'est prĂ©cisĂ©ment la raison pour laquelle le complexe cherche Ă vous priver de connaissances, prĂ©cisĂ©ment la raison pour laquelle il cherche Ă vous isoler de ses actions dans ce monde. Donc, c'est Ă vous - Ă nous ! - de rester vigilants et impliquĂ©s. Par-dessus tout, chacun d'entre nous doit lutter pour conserver son identitĂ© et son autonomie en tant que citoyen, un rang supĂ©rieur Ă celui de n'importe quel gĂ©nĂ©ral ou amiral, car, comme nous devons tous le rappeler, ceux qui portent l'uniforme sont censĂ©s vous servir, et non l'inverse.
Je sais que vous entendez le contraire. On vous a répété à maintes reprises au cours de ces années que c'est votre travail de "soutenir nos troupes". Pourtant, en vérité, ces troupes ne devraient exister que pour vous soutenir et vous défendre, et bien sûr pour défendre la Constitution, le pacte qui nous lie tous ensemble en tant que nation.
Lorsque des citoyens malavisĂ©s font une gĂ©nuflexion devant ces troupes (et ignorent ensuite tout ce qui est fait en leur nom), cela me rappelle une fois de plus le sage avertissement d'Ike, selon lequel seuls les AmĂ©ricains peuvent vraiment faire du mal Ă ce pays. Le service militaire peut ĂȘtre nĂ©cessaire, mais il n'est pas nĂ©cessairement ennoblissant. Les fondateurs de l'AmĂ©rique Ă©taient profondĂ©ment sceptiques Ă l'Ă©gard des grandes armĂ©es, des alliances compliquĂ©es avec des puissances Ă©trangĂšres, des guerres permanentes et des menaces de guerre. Nous devrions tous l'ĂȘtre aussi.
Citizens United est la réponse
Non, pas ce "Citizens United", pas l'affaire dans laquelle la Cour suprĂȘme a dĂ©cidĂ© que les entreprises avaient les mĂȘmes droits Ă la libertĂ© d'expression que vous et moi, ce qui leur a permis de coopter le processus lĂ©gislatif en nous submergeant de quantitĂ©s massives de "discours", c'est-Ă -dire de propagande alimentĂ©e par l'argent noir. Nous avons besoin de citoyens unis contre la machine de guerre amĂ©ricaine.
Comprendre le fonctionnement de cette machine - pas seulement son gaspillage et sa corruption, mais aussi ses attributs positifs - est le meilleur moyen de la maßtriser, de la soumettre à la volonté du peuple. Pourtant, les militants ignorent parfois les faits les plus élémentaires concernant "leur" armée. Et alors ? La différence entre un sergent-major et un major, ou entre un premier maßtre et le chef des opérations navales est-elle importante ? La réponse est : oui.
Une approche antimilitaire ancrĂ©e dans l'ignorance ne trouvera pas d'Ă©cho auprĂšs du peuple amĂ©ricain. En revanche, un message anti-guerre ancrĂ© dans la connaissance le pourrait. Regardez, par exemple, lâaudience que Donald Trump a obtenue dans la course prĂ©sidentielle de 2015-2016 lorsqu'il a fait quelque chose que peu d'autres politiciens ont alors osĂ© faire : rejeter la guerre d'Irak comme inutile et stupide. Sa victoire Ă©lectorale en 2016 n'Ă©tait pas principalement liĂ©e au racisme, ni le rĂ©sultat d'un infĂąme complot russe. Trump a gagnĂ©, au moins en partie parce que, malgrĂ© son ignorance sur tant d'autres choses, il a dit une vĂ©ritĂ© fondamentale - que les guerres amĂ©ricaines de ce siĂšcle Ă©taient d'horribles gaffes.
Trump, bien sĂ»r, Ă©tait tout sauf antimilitaire. Il rĂȘvait de dĂ©filĂ©s militaires Ă Washington, D.C. Mais je lui reconnais (Ă contrecĆur) le mĂ©rite de s'ĂȘtre vantĂ© d'en savoir plus que ses gĂ©nĂ©raux et par lĂ , je veux dire que beaucoup plus d'AmĂ©ricains doivent dĂ©fier ceux qui dĂ©tiennent l'autoritĂ©, en particulier ceux qui portent l'uniforme.
Mais les dĂ©fier n'est qu'un dĂ©but. La seule vĂ©ritable façon de mettre Ă terre le complexe militaro-industriel est de rĂ©duire de moitiĂ© son financement, que ce soit progressivement sur plusieurs annĂ©es ou d'un seul coup. Oui, en effet, c'est l'euphĂ©misme du siĂšcle de noter Ă quel point c'est plus facile Ă dire qu'Ă faire. Ce n'est pas comme si l'un d'entre nous pouvait agiter un bĂąton militaire comme une baguette magique et faire disparaĂźtre la moitiĂ© du budget du Pentagone. Mais considĂ©rez ceci : si je pouvais le faire, ce budget militaire s'Ă©lĂšverait encore Ă environ 430 milliards de dollars, soit facilement plus que ceux de la Chine et de la Russie rĂ©unis, et plus de sept fois ce que ce pays dĂ©pense pour le dĂ©partement d'Ătat. Comme d'habitude, vous obtenez ce pour quoi vous payez, ce qui, pour l'AmĂ©rique, signifie plus d'armes et des guerres dĂ©sastreuses.
Osez imaginer l'inconcevable (ou presque) : un budget du Pentagone réduit de moitié. Oui, les généraux et les amiraux hurleraient et le CongrÚs piaillerait. Mais cela aurait une réelle importance car, comme me l'a dit un jour un major général de l'armée à la retraite, des coupes budgétaires importantes obligeraient le Pentagone à réfléchir - pour une fois. Avec un peu de chance, quelques officiers sains d'esprit et patriotes émergeraient pour placer la défense de l'Amérique au premier plan, ce qui signifierait que les projets impériaux démesurés et les guerres éternelles seraient vraiment freinés parce qu'il n'y aurait tout simplement plus d'argent pour eux.
Actuellement, les AmĂ©ricains donnent au Pentagone tout ce qu'il veut - et mĂȘme plus. Et comment cela se passe-t-il pour le reste d'entre nous ? N'est-il pas enfin temps pour nous d'exercer une rĂ©elle surveillance, comme Ike nous a mis au dĂ©fi de le faire en 1961 ? N'est-il pas temps de forcer le Pentagone Ă passer un audit chaque annĂ©e - il a Ă©chouĂ© les cinq derniĂšres fois ! - ou bien de rĂ©duire son budget encore plus profondĂ©ment ? N'est-il pas temps de tenir le CongrĂšs vraiment responsable de permettre toujours plus de guerre en votant des militaires flagorneurs ? N'est-il pas temps de reconnaĂźtre, comme l'ont fait les fondateurs de l'AmĂ©rique, que le maintien d'un vaste establishment militaire constitue la mort lente et certaine de la dĂ©mocratie ?
N'oubliez pas une chose : le complexe militaro-industriel ne se rĂ©formera pas de lui-mĂȘme. Cependant, il n'aura peut-ĂȘtre pas d'autre choix que de rĂ©pondre Ă nos demandes, si nous, les citoyens, restons vigilants, informĂ©s, dĂ©terminĂ©s et unis. Et s'il refuse de le faire, si le MIC ne peut pas ĂȘtre domptĂ©, que ce soit Ă cause de sa force ou de notre faiblesse, vous saurez sans aucun doute que ce pays sâest vraiment perdu en route.
Copyright 2023 William J. Astore
* William J. Astore, lieutenant-colonel (USAF) à la retraite et professeur d'histoire, est un habitué de TomDispatch et un membre senior de l'Eisenhower Media Network (EMN), une organisation de vétérans militaires critiques et de professionnels de la sécurité nationale. Son blog personnel s'intitule Bracing Views.
https://tomdispatch.com/can-the-military-industrial-complex-be-tamed/