👁🗨 William Astore : Trop, c'est trop
J'ai marché dans un désert où une explosion atomique a tout rasé et irradié sur son passage. Ce n'est pas l'avenir que se souhaite tout être humain sain d'esprit. Cette voie est celle de la folie.
👁🗨 Trop, c'est trop
Par Retd Lt Col. William Astore / Substack, le 17 février 2023
Discours de Bill Astore pour le rassemblement "Rage Against the War Machine".
Le 19 février est le jour du rassemblement de Rage Against the War Machine à Washington. Il se trouve que c'est aussi l'anniversaire de mon père. Il est né à cette date en 1917, a traversé la Grande Dépression, a travaillé dans le Civilian Conservation Corps et en usine jusqu'à ce qu'il soit appelé sous les drapeaux en 1942. Et après la guerre, il est devenu pompier et a servi pendant plus de trente ans jusqu'à sa retraite. Le discours que je prononcerais, si j'étais invité à monter sur scène, est inspiré de celui de mon père. (Le rassemblement compte déjà 27 orateurs, mais j'espère pouvoir ajouter un peu de rage et d'inspiration de mon cru).
(Pour être clair : il s'agit d'un discours "imaginaire". Je ne suis pas l'un des 27 orateurs].
Bonjour à tous. Aujourd'hui aurait été le 106e anniversaire de mon père. Joyeux anniversaire, papa !
À la fin des années 1930, alors que mon père travaillait dur pour un maigre salaire en usine, il a essayé de s'engager dans la marine américaine. Le recruteur de la marine l'a écarté parce qu'il lui manquait un peu plus d'un centimètre. Après Pearl Harbor, et se souvenant de son refus, mon père n'a pas rejoint les volontaires enthousiastes. Il a attendu d'être incorporé et s'est présenté à l'armée. Il a servi dans un détachement blindé, mais n'est jamais allé combattre à l'étranger. Cette réalité, ainsi que son rejet antérieur par la Marine, est peut-être la raison pour laquelle je suis encore en vie aujourd'hui pour faire entendre ma colère contre le complexe militaro-industriel et l'état permanent de guerre non déclarée de l'Amérique.
Papa et maman m'ont élevé pendant la guerre froide. J'ai été conçu à l'époque de la crise des missiles cubains, et je portais encore des couches lorsque John F. Kennedy a été abattu à Dallas. En tant que garçon, j'adorais la chose militaire, je jouais avec des petits soldats, des GI Joes, des imitations de M-16 et autres jouets de guerre du même genre. Je construisais des modèles réduits de tanks, d'avions de guerre et de navires de guerre. Je les faisais exploser avec des pétards, imaginant des batailles héroïques.
Adolescent dans les années 1970, je croyais que l'Union soviétique était une menace insidieuse pour la démocratie américaine. Nous étions confrontés à la perspective d'une destruction nucléaire. Mon père était très philosophe à ce sujet. Même si les Américains et les Russes s'entretuaient dans le cadre d'une destruction mutuelle assurée, connue sous le nom de MAD, un milliard de Chinois survivraient pour relancer l'humanité, disait-il en plaisantant.
Mais deux dures réalités que mon père et moi ne connaissions pas à l'époque nous attendaient. L'hiver nucléaire en était une. Nous savons maintenant que tout échange majeur entre des puissances nucléaires ne se contenteraient pas tuerait pas de tuer uniquement les habitants de ces pays. La suie et les cendres projetées dans l'atmosphère par une guerre thermonucléaire entraîneraient probablement une famine massive planétaire. (N'oublions pas non plus la radioactivité, la maladie et la mort à l'échelle mondiale.) La deuxième raison: des plans nucléaires américains, connus sous le nom de SIOP, prévoyaient des attaques massives non seulement contre l'URSS, mais aussi contre la Chine, même si cette dernière n'avait pas attaqué les États-Unis.
Désolé, papa : en cas de guerre nucléaire majeure, la Chine était cuite, tout comme toute forme de vie sur notre planète.
Lorsque j'ai obtenu mon diplôme universitaire en 1985, fraîchement engagé comme sous-lieutenant dans l'armée de l'air américaine, ma première affectation m'a mené à Colorado Springs et à Cheyenne Mountain, le Mont Doomsday des États-Unis. Cheyenne Mountain était le centre de commandement et de contrôle nucléaire de l'Amérique, littéralement creusé à l'explosif et excavé de la montagne, protégé par 600 mètres de granit massif le surplombant. De gigantesques portails anti-explosion et des bâtiments montés sur d'immenses vérins nous permettaient théoriquement de survivre à une guerre nucléaire. Mais nous, les quelques rares qui étions sous la montagne, savions que si DEFCON 1 se concrétisait, nous serions probablement parmi les premiers à mourir dans une guerre nucléaire, même avec toute la roche au-dessus de la tête.
On peut dire que j'ai été à la montagne, à Cheyenne Mountain, c'est-à-dire à l'intérieur et à l'extérieur. Je préférais de loin l'extérieur, les randonnées dans l'air frais et vivifiant du Colorado.
Un jour, lorsque j'étais à l'intérieur de la montagne, l'"état-major de combat" a organisé un jeu de rôle qui s'est terminé par une attaque nucléaire sur des villes américaines. En un sens, j'ai donc vu les missiles voler, j'ai vu leurs trajectoires aboutir sur des villes américaines, ne serait-ce que sur un écran monochrome. Même cet écran vidéo de basse technologie m'a convaincu que je ne voulais jamais, au grand jamais, assister réellement à une telle chose.
Quelques années plus tard, j'ai parcouru le désert d'Alamogordo, au Nouveau-Mexique, site de la première explosion atomique en juillet 1945, le test Trinity qui a précédé Hiroshima et Nagasaki. J'ai vu le peu de traces de cet essai, un essai qui a tout changé, après lequel la survie de l'humanité en tant qu'espèce est devenue problématique, fragile et incertaine, dépendant des hommes et de leur contrôle sur leurs jouets thermonucléaires, les jouets des déments.
J'ai été sur la montagne de l'apocalypse, j'ai marché dans un désert atomique, et je suis venu ici pour dire : trop, c'est trop.
Le Pentagone prévoit de dépenser jusqu'à 2 trillions de dollars sur les 30 prochaines années pour une triade nucléaire modernisée. Des ICBMs Sentinel. Des bombardiers furtifs B-21. Des sous-marins nucléaires de classe Columbia. Quand cette folie prendra-t-elle fin ?
Alors que l'horloge de l'apocalypse se rapproche de minuit, nous devons agir pour stopper cette folie, et la faire reculer. Nous devons agir pour qu'elle n'ait jamais la moindre chance de sonner minuit.
Nous devons sortir - mieux encore, courir - du tunnel obscur et glauque de la montagne du Jugement dernier vers la lumière radieuse qui nous attend. Nous devons savourer les images et les sonorités merveilleuses de la vie. Nous devons nous étreindre les uns les autres, partager la chaleur de notre humanité partagée dans notre quête d'un avenir meilleur et pacifique pour tous, partout dans le monde..
Parce que les montagnes ne nous protégeront pas. Les missiles ne nous sauveront pas. Les armes ne nous réchaufferont pas, à moins que par chaleur, vous entendiez la mort par le feu nucléaire.
La fin de la guerre nous préservera. L'arrêt des missiles nous sauvera. La compassion, la tolérance et l'amour nous réchaufferont.
Je le sais, parce que je suis allé à Doomsday Mountain. J'ai été témoin d'une guerre nucléaire, même si ce n'était qu'un exercice. J'ai marché dans un désert où une explosion atomique a presque tout rasé et irradié sur son passage. Et ce n'est pas l'avenir dont je veux. Ce n'est pas l'avenir que se souhaite tout être humain sain d'esprit. Cette voie est celle de la folie.
Venez, attrapez ma main. Aidez-moi à quitter Cheyenne Mountain. Courons comme des enfants, avec allégresse, loin des tunnels et des portes blindées, vers la clarté de la paix.
Et, une fois que nous en serons sortis, laissons les ténèbres de la guerre et de la barbarie nucléaire derrière nous, et ne regardons plus jamais en arrière.
Merci.
* William J. Astore, lieutenant-colonel (USAF) à la retraite et professeur d'histoire, est un habitué de TomDispatch et un membre senior de l'Eisenhower Media Network (EMN), une organisation de vétérans militaires critiques et de professionnels de la sécurité nationale. Son blog personnel s'intitule Bracing Views.
https://scheerpost.com/2023/02/17/william-astore-enough-is-enough/