đâđš Amer Nasser Ă Gaza. Derniers signaux de vie
De lâautre cĂŽtĂ© des check-points on a oubliĂ© : la force et lâentrain de vivre dans les pires conditions. De lâautre cĂŽtĂ©, on est fort, comblĂ©, mais toujours tapi dans la plainte du malheur.
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đâđš Amer Nasser Ă Gaza. Derniers signaux de vie
Par Orient XXI, le 2 janvier 2025
Avec âGaza : Signal of lifeâ, prĂ©sentĂ© Ă la galerie Ithaque Ă Paris, le photographe gazaoui nous fait traverser une multitude de murs et dâespaces, dĂ©ployant lâhorizon mĂ©lancolique du monde qui nous atteint.
Amer Nasser âGaza : Signal of lifeâ
Commissariat : Marion Slitine
Galerie Ithaque, 5 rue des Haudriettes â 75003 Paris.
Jusquâau 18 janvier. InformationsAutour de lâexposition, se tiendra une table ronde : âLa photographie de et en Palestine, hier et aujourdâhuiâ.
Avec Elias Sanbar, Rehaf Al-Batniji, Valérié Jouve et Marion Slitine.
Samedi 11 janvier 2025
17h, Ă la galerie Ithaque.
Quelques dizaines de personnes se tenaient entre les murs de la galerie Ithaque tapissĂ©s de photographies prises rĂ©cemment Ă Gaza. La soirĂ©e de vernissage de lâexposition, Ă la mi-dĂ©cembre, ressemblait Ă dâautres, mais une fĂ©brilitĂ© inhabituelle rĂ©gnait dans cet espace saturĂ©. Les photographies ? LâinquiĂ©tude du public ? Le climat gĂ©nĂ©ral quelques jours Ă peine aprĂšs le basculement de la Syrie ? Images, yeux, corps, Ă©tats dâĂąme de toutes sortes se tĂ©lescopaient dans un Ă©cho incertain, une chimĂšre. On Ă©tait Ă Paris et Ă Gaza, libres et claustrĂ©s, ouverts et enfermĂ©s, heureux dâĂȘtre lĂ , mais basculant dans une nuit insondable. Qui nâa pas vu jusquâĂ la nausĂ©e les images gazaouies de cette derniĂšre annĂ©e ? Qui nâa pas senti leur violence insensĂ©e ? LĂ , dans le cadre dâun vernissage, collĂ©es au mur, jets dâencre couleur sans cadre, les photographies disposĂ©es en damier excitaient les neurones bizarrement, par morsures infimes.
Pour lâoccasion, Amer Nasser transmettait un message par WhatsApp. Voix douce, posĂ©e, proche : âJournĂ©e bĂ©nieâ, dit-il, âjâai reçu ce matin un colis alimentaire, avec un demi-kilo de sucre, notre dopamineâ. Tout le monde Ă©coute et, peut-ĂȘtre pour lâĂ©motion ou un effarement inconnu, le discours semble parasitĂ©, alors que la voix dâAmer Nasser dĂ©roule un son clair, opalin. âAvec tout ce qui nous arriveâ, dit-il, âil y a toujours Ă Gaza des signaux de vie et (mon exposition) tĂ©moigne dâactions humaines infinies dans les conditions les plus dĂ©shumanisantes qui soient, juste pour survivreâ.
CinĂ©aste et photographe palestinien nĂ© en 1991 Ă Gaza, Amer Nasser a produit et rĂ©alisĂ© des films sur la vie des Palestiniens de Gaza. Il a Ă©tĂ© producteur pour la chaĂźne de lâUnrwa, lâOffice de secours et de travaux des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s de Palestine dans le Proche-Orient. Aujourdâhui, il vit dans le nord de Gaza, la partie la plus ravagĂ©e par lâarmĂ©e israĂ©lienne, parce que tout indique quâelle est vouĂ©e Ă ĂȘtre annexĂ©e au territoire israĂ©lien. Tant de questions surgissent alors : que va-t-il advenir ces prochains jours dâAmer Nasser ? Et ces millions de tonnes de ruines, Ă quel oubli sont-elles vouĂ©es, dans quels cauchemars et quels rĂȘves vont-elles Ă©chouer Ă lâavenir ?
âTous les chemins mĂšnent Ă la destructionâ
Parmi les photographies accrochĂ©es au mur, on voit une scĂšne un peu diffĂ©rente des autres parce que les masses de dĂ©combres ne saturent pas le cadre. Il y a lĂ une petite fille souriante embrassant une chienne blanche. Lumineux les yeux de lâenfant, brumeux et lointains ceux de lâanimal dont la silhouette au centre de lâimage propage une lumiĂšre immaculĂ©e, laiteuse, on dirait gĂ©nĂ©reuse, nonobstant la blessure Ă©carlate sur son dos. Deux paires dâyeux parfaitement alignĂ©es sur une mĂȘme verticale, Ă Ă©gale distance dâune petite paire de mains Ă©treignant le cou de lâanimal, ainsi que dâune paire dâoreilles blanches dressĂ©es, alertement. Ces deux tĂȘtes, si parfaitement et naturellement ramassĂ©es, ce petit rectangle occupant une portion congrue du cadre, traversent lâespace de la maniĂšre la plus Ă©tonnante et sauvage, pour signifier prĂ©cisĂ©ment, ce que de lâautre cĂŽtĂ© des check-points on a oubliĂ© : la force et lâentrain de vivre dans les pires conditions. De lâautre cĂŽtĂ©, on est fort, comblĂ©, mais toujours tapi dans la plainte du malheur.
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Il y a aussi une autre photographie, All roads lead to destruction in Gaza (Tous les chemins mĂšnent Ă la destruction Ă Gaza) une avenue en ruine, qui rappelle dâautres, Alep, Hiroshima, Dresde et Berlin, Verdun⊠Quelques lĂ©gendes accolĂ©es aux images recourent au grotesque ou Ă la farce, telle Samples of Interior Designs for the Israeli Army in Gaza (ModĂšle de design intĂ©rieur pour lâarmĂ©e israĂ©lienne Ă Gaza), ou bien Gaza Military Parade (Parade militaire Ă Gaza), montrant des sacs de farine situĂ©s Ă lâintĂ©rieur dâune Ă©cole pour personnes dĂ©placĂ©es. Elles nous rappellent que la dĂ©rision jusquâĂ la caricature surgit dans les situations les plus tragiques, pour nous sauver. âCes ruines avec des couleurs vivesâ, me glisse une amie, âproduisent un effet dĂ©concertantâ. La photographie est souvent embarrassante, poisseuse mĂȘme, en ceci quâelle tente de donner forme et raison Ă ce qui est aberrant, sinon insaisissable. Doit-on la remercier ou lui en tenir rigueur ?
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Que dire de ces amas dĂ©chiquetĂ©s, ces bouillies minĂ©rales, saisis par un smartphone, transmis Ă lâaide dâune longue perche, tenue Ă bout de bras, pour capter un brin de rĂ©seau ? Toutes ces photographies transmises Ă Paris via internet, pour ĂȘtre tirĂ©es Ă des milliers de kilomĂštres du chaos qui les a vues naĂźtre. Quâil est difficile de sĂ©parer ces images des actes qui les suscitent. Que câest un bloc quasiment insaisissable, produit par des agrĂ©gats de bĂ©ton ignobles, un paquet de signes dĂ©ments et amoureux, nourris dâune rare Ă©nergie, qui traverse lâespace, le cosmos, Ă la vitesse de la lumiĂšre ? Quâelles sont emplies dâune mĂ©lancolie envahissante sur la dĂ©composition du monde dont nous savons quâelle est notre horizon, le destin choisi par les dirigeants politiques actuels pour rester dans lâhistoire ? Que cet accrochage est une folie aurĂ©olĂ©e, transfigurĂ©e, faite pour se prĂ©server dâune dĂ©mence assassine ? Doit-on avoir honte, face Ă ces images, dâĂȘtre encore Ă lâabri, ou dâĂȘtre fait de la mĂȘme chair que les bourreaux ? Il faut Ă©couter Amer Nasser : oĂč que vous soyez, donnez des signes de vie, dâattachement profondâŠ
âUne tentative de se souvenirâ
Il lui arrive, Ă Amer Nasser dâĂȘtre habitĂ© par une juste mĂ©lancolie, comme dans le communiquĂ© de lâexposition :
âDepuis octobre 2023, muni de ce quâil me reste de la guerre Ă Gaza â ma camĂ©ra â je suis Ă la recherche des derniers signaux de vie, que jâenvoie au monde, tant bien que mal, afin quâun jour, peut-ĂȘtre, quelquâun puisse tĂ©moigner quâil existait de la vie sur Gaza [...] Ma camĂ©ra capture la mort de lâinstant, mais aussi la vie qui prend le dessus. Chaque image tĂ©moigne de moments instantanĂ©s, des efforts pour (sur)vivre, pour continuer son chemin, pour inventer des moyens alternatifs dâĂ©chapper Ă la mort. Câest une tentative de se souvenir, quand bien mĂȘme lâoubli Ă©tait une bĂ©nĂ©diction dans la vie passĂ©eâ.
Oublier les films documentaires et de fictions, les projections aux festivals de cinĂ©ma de DubaĂŻ ou dâAlexandrie, les programmations Ă lâInstitut du monde arabe Ă Paris, les projets de film avec ses frĂšres Arab & Tarzan Nasser, dont il scĂ©narise le prochain film, Once Upon a Time in Gaza (2025) ? Pas question pour le moment.
Il lui arrive, à Amer Nasser, de gémir. Il y a quelques mois dans le journal suisse Le Courrier, il témoignait* :
âJe pense que si jâĂ©tais un peintre et que je commençais Ă travailler sur une Ćuvre depuis le 7 octobre, avec une mer, un ciel et un oiseau volant au milieu, elle ne serait pas terminĂ©e Ă ce jour [âŠ] De nombreuses sociĂ©tĂ©s de production ont perdu leur matĂ©riel, brĂ»lĂ© par lâarmĂ©e. Ceux qui travaillent dans lâart sont maintenant Ă la recherche de colis alimentaires et font la queue pour obtenir de la nourriture et de lâeau, sans avoir le temps de sâadonner Ă des scĂšnes artistiques. Ils nâont pas le temps parce quâils ont des enfants et des familles qui les attendentâ.
Soupire Amer, si ta vie le demande, ta voix nous habite !
* Amer Nasser, âFaire entendre notre voix au mondeâ, Le Courrier, 19 juillet 2024
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/amer-nasser-a-gaza-derniers-signaux-de-vie,7883
Belle exposition, message poignant, bouleversant qui met Ă mal les convictions, les certitudes et la raison. Au delĂ de ces clichĂ©s qui tĂ©moignent de lâhorreur vĂ©cue par ces populations martyres, force est de constater quâil nây aura sans doute personne pour peindre un « GUERNICA » toile Ă combien cĂ©lĂšbre de Pablo Picasso tĂ©moignant du drame vĂ©cu par la population de ce village espagnol qui a subi, le 26 avril 1937 un bombardement « intense » pendant đđđȘđ đđđȘđ§đđš! et dont le bilan humain est estimĂ© Ă 1654 morts et plus de 800 blessĂ©s!, les massacres qui ont cours en Palestine ne donneront pas lieu Ă toute la littĂ©rature qui a suivi le massacre dâOradour sur Glane en juin 1944, (643 morts!), pas mĂȘme ceux qui ont suivi les bombardements de Dresde en 1945 (35000 morts) voire ceux dâHiroshima et de Nagasaki (AoĂ»t 1945) 90000 Ă 140000 morts et 60-80000 morts respectivementâŠ.La tragĂ©die Palestinienne dĂ©passe en ampleur toutes les monstruositĂ©s du passĂ© , mais elles ne figurent pas comme une des prĂ©occupations majeures des MSM ou de lâopinion internationale malgrĂ© des bilans dantesques probablement sous-estimĂ©s (voir the Lancet)âŠ
Triste, Triste planĂšteâŠ..