👁🗨 La stratégie israélienne vouée à l'échec
En écoutant Erdan, j'ai pensé que cet homme était dérangé, souffrant d'un traumatisme post-Holocauste et qu'il voyait un Hitler tapi dans les moindres recoins. Mais c’est une vision bien trop naïve...
👁🗨 La stratégie israélienne vouée à l'échec
Par Jeffrey D. Sachs, le 15 mai 2024
Pourquoi le discours de l'ambassadeur d'Israël à l'ONU à l'Assemblée générale a fait avancer la cause palestinienne.
L'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Gilad Erdan, mérite notre reconnaissance ironique pour avoir fait avancer la cause de l'État de Palestine aux Nations unies.
En prononçant un discours à l'Assemblée générale de l'ONU à ce point insensé, ridicule, vulgaire, insultant, indigne et antidiplomatique, M. Erdan a contribué à obtenir un vote de 143 voix contre 9 en faveur de l'adhésion de la Palestine à l'ONU (les autres se sont abstenus ou n'ont pas pris part au vote).
Mais plus encore, M. Erdan a contribué à clarifier l'approche tactique d'Israël et à démontrer pourquoi elle est vouée à l'échec.
Examinons brièvement le contenu du discours d'Erdan. Erdan a affirmé, en résumé, que la Palestine est égale au Hamas et que le Hamas est égal au Reich nazi d'Hitler.
Erdan a déclaré aux délégués de l'ONU que leurs nations soutenaient un État palestinien parce que “beaucoup d'entre vous haïssent les juifs”.
Il a ensuite déchiré la Charte de l'ONU à la tribune, affirmant que les délégués, en votant en faveur de l'adhésion de la Palestine à l'ONU, en faisaient autant. Pendant ce temps, le jour même de son discours et du vote à l'ONU, Israël rassemblait ses troupes en vue d'un nouveau massacre de civils innocents à Rafah.
La diatribe d'Erdan a alors distillé un venin haineux et totalement absurde. La Palestine entrera à l'ONU en tant qu'État pacifique, un engagement affirmé avec fermeté et éloquence par l'ambassadeur palestinien à l'ONU, Riyad Mansour (ici à 23:44). “Nous voulons la paix”, a déclaré sans équivoque l'ambassadeur Mansour.
En outre, la solution des deux États ne se fera évidemment pas dans un vide diplomatique. Conformément à l'Initiative de paix arabe de 2002, réaffirmée par les pays arabes et islamiques à Riyad en novembre dernier, les pays arabes et islamiques se sont engagés à plusieurs reprises à soutenir la paix et la normalisation des relations avec Israël sur la base d'une solution à deux États.
Contrairement à ce que prétend Erdan, les représentants des gouvernements de l'Assemblée générale des Nations unies ne détestent pas les Juifs. Ils condamnent plutôt l'assaut du gouvernement israélien à Gaza, un carnage d'une telle ampleur qu'Israël est sur le banc des accusés de la Cour internationale de justice pour génocide. La même accusation mensongère a été portée contre les étudiants protestataires qui ne sont pas antijuifs mais plutôt anti-apartheid et anti-génocide.
L'arrogance
La question est donc de savoir ce qu'Erdan a bien pu vouloir faire en prononçant un discours si excessif qu'il ne pouvait que conforter, et non refroidir l'écrasante majorité des voix en faveur de la Palestine dans le monde. Bien sûr, il a fait ce que tous les politiciens font à l'ère des réseaux sociaux. Il s'adressait à ses 157 000 followers sur X et à ses partisans du Likoud, le parti d'extrême droite israélien.
Au début, en écoutant Erdan, j'ai simplement pensé que cet homme était dérangé, souffrant d'un traumatisme post-Holocauste et qu'il voyait un Hitler tapi dans les moindres recoins. Mais c’est une vision bien trop naïve.
Erdan est un personnage politique très expérimenté, instruit et qualifié, qui maîtrise parfaitement un discours soigneusement élaboré (avec une affiche et une déchiqueteuse en guise d'accessoires). Ma première erreur a été de penser qu'il s'adressait au reste des ambassadeurs des Nations unies et aux observateurs comme moi.
La grande différence entre la politique de la radiodiffusion d'antan et la politique de l'ère des réseaux sociaux d'aujourd'hui réside en ce que les hommes politiques ne s'adressent plus au grand public. Ils communiquent désormais presque exclusivement avec leur base et leur “quasi-base”.
Nous disposons aujourd'hui d'un flux personnalisé de “nouvelles” résultant de choix individuels (sites web que nous visitons), de réseaux de “followers” numériques, d'algorithmes de plateformes telles que Facebook, X et TikTok, et de structures occultes telles que les agences de renseignement, les propagandistes gouvernementaux, les entreprises et les agents politiques. Ainsi, les politiciens mobilisent et motivent leurs bases, mais pas beaucoup plus.
Le politicien Erdan et son parti, le Likoud, combattent les Palestiniens depuis bien plus longtemps que le Hamas ne domine la politique de Gaza, et même depuis bien plus longtemps que le Hamas n'existe. Erdan a grandi au sein du parti, depuis son antenne jeunesse, dans un mouvement qui s'est toujours fermement opposé à un État palestinien et à la solution à deux États.
Le Hamas, un outil de propagande
En fait, le Likoud voit depuis toujours le Hamas comme un accessoire politique, un stratagème pour diviser les Palestiniens et ainsi, faire échouer les appels internationaux en faveur d'une solution à deux États.
Comme le rapportent même les médias israéliens, les dirigeants du Likoud ont oeuvré avec les nations arabes au fil des ans pour maintenir le financement du Hamas, afin qu'il constitue une concurrence constante pour l'autorité palestinienne.
Quelle est donc la stratégie du Likoud alors qu'Israël s'isole de plus en plus du reste du monde ? Là encore, les manœuvres politiques du passé d'Erdan fournissent un indice. Erdan a été l'un des hommes politiques israéliens les plus astucieux et les plus efficaces dans la construction de l'alliance du Likoud, non seulement avec la riche communauté juive américaine, mais aussi avec la communauté chrétienne évangélique américaine. Les sionistes chrétiens soutiennent ardemment le contrôle d'Israël sur la Terre sainte, bien qu'il s'agisse d'un prélude à leur Armageddon, ce qui à plus long terme n'est pas exactement l'objectif du Likoud.
La conviction tactique du Likoud est que les États-Unis seront toujours là, que ce soit dans l'adversité ou non, parce que le lobby israélien (juif et chrétien évangélique confondus) et le complexe militaro-industriel américain seront toujours là. Le pari du Likoud à toujours fonctionné dans le passé, et il croit qu'il en ira de même à l'avenir.
Oui, l'extrémisme brutal d'Israël coûtera à Biden le soutien des jeunes électeurs américains, mais cela n’impliquera que l'élection de Donald Trump en novembre, soit encore mieux pour le Likoud.
La stratégie du Likoud dépend entièrement des États-Unis pour la sécurité d'Israël, en tant que seule et unique capacité de pression dans une communauté mondiale de plus en plus unie et choquée par les crimes de guerre massifs d'Israël, et désireuse d'imposer la solution des deux États à un Israël totalement réfractaire.
Pourtant, les intérêts fondamentaux des États-Unis - économiques, financiers, commerciaux, diplomatiques et militaires - sont incompatibles avec l'isolement d'Israël au sein du système international.
Le lobby israélien va être pris en tenaille. D'un côté, les électeurs américains, en particulier les jeunes, horrifiés par la brutalité d'Israël. De l'autre, la position géopolitique de l'Amérique en train de s'effondrer.
D'ici peu, de nombreux pays européens, dont l'Espagne, l'Irlande et la Norvège, devraient reconnaître la Palestine et accueillir favorablement son adhésion à l'ONU.
Erdan finira peut-être à la tête du Likoud, mais le Likoud et ses acolytes extrémistes et violents de la coalition ne tarderont probablement pas à toucher aux limites de leur arrogance, de leur brutalité et de leur cruauté.
* Jeffrey D. Sachs est professeur d'université et directeur du Centre pour le développement durable de l'université Columbia, où il a dirigé l'Institut de la Terre de 2002 à 2016. Il est également président du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies et commissaire de la Commission à haut débit des Nations unies pour le développement.
https://consortiumnews.com/2024/05/15/israels-doomed-to-fail-strategy/
Excellent Jeffrey Sachs! En fait, le sieur Erdan, ne représente t-il pas la quintessence même de la dystopie sioniste portée et amplifiée à La Tribune de l’ONU? N’est-ce pas le rôle qui est attribué aux tribuns représentants des Nations devant cette instance. Ne se souvient-on pas des envolées des représentants US tels que Samantha Powers ou Nicky Haley?
Pour ce qui est d’Israel, ses dirigeants, et son peuple, dans sa grande majorité, sont « victimes » d’une sociopathie collective gravissime reposant sur la dystopie profonde qui fait d’eux: Un peuple élu, une éternelle victime, une démocratie unique, un exemple moral, le tout,justifiant tous les comportements et dérives sadiques d’un état colonial abject ne reculant devant aucune forfaiture pour assouvir ses desseins.
On peut considérer que tout cela relève de la psychiatrie légale….soit!
Mais que penser du soutien aveugle et de la complicité active de l’Occident dans cette vaste entreprise criminelle?….