👁🗨 Les BRICS & la Palestine
Toutes les composantes d'une Légion étrangère de la terreur alimentée par l'hégémon sont en train de converger, au même rythme qu'Israël, véritable État islamique doté de l'arme nucléaire.
👁🗨 Les BRICS & la Palestine
Par Pepe Escobar, le 15 juin 2024
La constellation des BRICS, récemment élargie, rassemble des adhésions arabes, musulmanes et du Sud autour du message de ce groupe influent sur le droit international, la Palestine et un arrêt définitif des guerres perpétuelles.
Toutes les composantes d'une Légion étrangère de la terreur alimentée par l'hégémon sont en train de converger, au même rythme qu'Israël, véritable ISIS doté de l'arme nucléaire.
MOSCOU - Un événement exceptionnel s'est tenu à Moscou le 23 mai. Le roi de Bahreïn, Hamad bin Isa Al Khalifa, a personnellement sollicité le président russe Vladimir Poutine pour l'aider à organiser une conférence de paix sur la Palestine, à laquelle la Russie serait la première nation non arabe invitée.
M. Al-Khalifa et M. Poutine se sont entretenus à deux reprises, dont une fois à huis clos, et ont essentiellement abordé la question de la Palestine. Le monarque bahreïni a noté que, dans une rare démonstration d'unité, le monde arabe s'est finalement accordé sur la nécessité de mettre fin à la guerre à Gaza. Il a laissé entendre que la Russie avait ensuite été choisie comme le médiateur le plus fiable pour mettre fin à cette guerre barbare.
Bahreïn - et la Ligue arabe - reconnaissent que la position russe est centrée sur ce que Poutine avait précédemment défini comme la “formule de l'ONU” : un État palestinien indépendant avec pour capitale Jérusalem-Est.
C'est la position des dix nations BRICS et de la quasi-totalité de la Majorité Mondiale. Fait non négligeable, cette position est également celle de la Chine et du monde arabe, réaffirmée à Pékin une semaine seulement après la réunion entre Russes et Bahreïnis.
La difficulté réside dans la mise en œuvre de ladite “formule” alors que l'hégémon américain, allié inconditionnel d'Israël, contrôle très étroitement les Nations unies.
En 2020, alors que Tel-Aviv annonçait ouvertement l'inévitable annexion de la Cisjordanie, les accords d'Abraham ont fait voler en éclats un tabou arabe majeur sur le soutien ouvert à Israël, via les accords de normalisation signés à Washington DC par le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan.
Il y a neuf mois, la Palestine était concrètement isolée et vouée à l'extinction par le biais de politiques israéliennes silencieuses visant à forcer progressivement l'expulsion. Mais il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d'un génocide commis au vu et au su de tous, par vidéographie interposée. Aujourd'hui, le partenariat stratégique Russie-Chine, les BRICS et la Majorité Mondiale se sont mobilisés pour consacrer la Palestine en tant qu'État souverain - conformément au récent vote à l’immense majorité de l'Assemblée générale des Nations Unies pour accepter la Palestine en tant que membre de l'ONU.
Ce sera un chemin long, sinueux et semé d'embûches qui pourrait diviser le monde en deux.
Quand Lavrov s’y met
Le forum de Saint-Pétersbourg de la semaine dernière a délivré trois messages cruciaux à la Majorité Mondiale, axés sur les BRICS. Si le cœur des sessions a été consacré à la géoéconomie, un message désormais incontournable de soutien à la Palestine a fait irruption dans les débats.
Après un exposé prétendument consacré à l'offre et à la demande de pétrole et de gaz, qui a évoqué le rôle de principe du Yémen dans la mer Rouge contre le génocide de Gaza, le soutien à la Palestine, sur fond de sourires amicaux (mais officieux), a été unanime, du secrétaire général de l'OPEP Haitham al-Ghais au ministre de l'énergie des Émirats arabes unis Suhail Mohamed al-Mazrouei.
Même chose pour le groupe Russie-Oman, avec le ministre du commerce Qais bin Mohammed bin Moosa al-Yousef.
En début de semaine, la tragédie palestinienne a été abordée en détail - aux points 34 et 35 - dans la déclaration commune des dix ministres des Affaires étrangères des BRICS, qui se sont pour la première fois assis à la même table à Nijni Novgorod, en vue de préparer le sommet annuel particulièrement décisif des BRICS qui se tiendra en octobre prochain à Kazan, sous la présidence russe. Trois points très importants ont été soulevés à cette occasion :
Premièrement, les ministres ont “réaffirmé leur rejet de toute tentative visant à déplacer, expulser ou transférer par la force le peuple palestinien de sa terre”.
Deuxièmement, ils ont collectivement “exprimé leur vif mécontentement face au mépris flagrant et persistant d'Israël pour le droit international, la Charte des Nations unies, les résolutions de l'ONU et les ordonnances de la Cour”.
Et troisièmement, les dix ministres des Affaires étrangères “ont réaffirmé leur soutien à l'adhésion à part entière de la Palestine aux Nations unies et réitéré leur engagement inébranlable en faveur de la vision de la solution à deux États fondée sur le droit international, y compris les résolutions applicables du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Assemblée générale des Nations unies, ainsi que l'initiative de paix arabe qui comprend la création d'un État de Palestine souverain, indépendant et viable conformément aux frontières internationalement reconnues de juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant aux côtés d'Israël dans la paix et la sécurité.”
Les BRICS ont ainsi parlé d'une même voix, y compris, et c'est essentiel, les représentants des principaux États à majorité musulmane : l'Iran, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Égypte.
Ensuite, le ministre des Affaires étrangères russe Sergey Lavrov, lors d'une session élargie des BRICS définie comme BRICS+/BRICS Outreach, a présenté un contexte supplémentaire, non négligeable.
“Nous avons organisé une réunion intra-palestinienne à Moscou. Nous l'avons fait à plusieurs reprises. La dernière fois, fin février et début mars de cette année, toutes les factions palestiniennes, y compris le Hamas et le Fatah, étaient présentes. Pour la première fois, un événement de ce type s'est terminé par une déclaration commune dans laquelle tous, y compris le Hamas, ont exprimé leur volonté d'unir les rangs palestiniens sur la base de la plate-forme de l'Organisation de libération de la Palestine. Il n'a pas été possible d'y parvenir auparavant”.
M. Lavrov a expliqué pourquoi, pour la Russie, restaurer l'unité palestinienne est essentiel:
“Seule une Palestine unie peut être un partenaire dans des négociations dont le but est la réalisation du maximum de résultats escomptés. Tant que les Palestiniens sont divisés, il est peu probable que cela fonctionne. Désormais, et sans Palestiniens, on commence à réfléchir au devenir de la bande de Gaza : établir une sorte de protectorat des pays arabes, introduire une force de maintien de la paix, ou déclarer artificiellement qu'il s'agit de territoires gouvernés par l'Autorité nationale palestinienne. Toutes ces initiatives sont imposées par des acteurs extérieurs”.
Voilà qui nous ramène au cœur de la position russe :
“L'élément majeur de notre politique à long terme dans ce domaine sera de soutenir le mouvement pour la création d'un État palestinien en pleine conformité avec les résolutions de l'ONU.”
Une réponse “symétrique”
Tout ce qui précède résume la position officielle de la Russie, minutieusement étalonnée. Moscou exècre l'escalade injustifiée et ininterrompue d'Israël, alors que les propositions de cessez-le-feu se multiplient. Dans le même temps, elle ne prend pas parti, ni pour le Hamas, ni pour Ansarallah au Yémen. C'est un consensus que les diplomates et les analystes russes expriment régulièrement : la Russie ne s'engagera pas dans une guerre à des milliers de kilomètres de chez elle alors qu'elle combat à sa frontière occidentale la menace existentielle que font peser sur elle les États-Unis et l'OTAN.
Après les réponses de M. Poutine aux questions-réponses consécutives à son discours devant la session plénière de Saint-Pétersbourg, le débat a fait rage sur le type de réponses “symétriques” que le ministère russe de la Défense allait proposer pour contrer le feu vert donné par l'OTAN à des frappes à l'intérieur de la Fédération de Russie à l'aide de missiles à longue portée.
L'Asie occidentale, comme on pouvait s'y attendre, fait partie du scénario favori : des armes de frappe avancées déployées en Syrie, décrites comme des “armes syriennes” pour faire écho au subterfuge des “armes ukrainiennes” de l'Occident. Ces armes viendraient compléter celles déjà déployées dans les bases russes de Khmeimim et de Tartus - qui couvrent la Méditerranée orientale, le Liban et Israël, ainsi que les bases américaines en Jordanie, en Syrie et en Irak occupés - et pourraient être actionnées par du personnel russe, de la même manière que le personnel des États-Unis et de l'OTAN actionne les armes “ukrainiennes”.
L'épine dans le pied des BRICS
Venons-en maintenant à l'épine de la composition florale des BRICS : l'Arabie saoudite.
La Maison Blanche et l'État profond américain, déconcertés, semblent avoir trouvé une formule pour éloigner Riyad de son nouveau rôle d'acteur fort des BRICS : un traité de défense historique, baptisé “Accord d'alliance stratégique”, en attendant que Riyad officialise ses relations avec Tel-Aviv.
Cet accord d'alliance stratégique devrait être voté à la majorité des deux tiers par le Sénat américain. Pourtant, son insistance sur la “normalisation avec Israël” pourrait bien faire capoter l'accord, car le prince héritier saoudien Mohammad bin Salman (MbS) dispose désormais d'options à examiner attentivement, non seulement au sujet de la tragédie qui frappe Gaza, mais aussi au sujet de ses nouvelles alliances avec les BRICS.
La position officielle de Riyad sur la Palestine est étroitement liée aux BRICS : arrêt de la guerre/du génocide à Gaza et création d'un État palestinien. Car ke plus petit grain de sable en terre d'Islam a saisi qu'un Tel-Aviv dirigé par une bande d'extrémistes ethnocentriques n'acceptera pas de solution à deux États.
En outre, une alliance militaire américano-saoudienne est totalement incompatible avec la perspective que Riyad devienne un membre influent des BRICS. Les manœuvres sur l'échiquier mondial préfigurent plutôt une éventuelle alliance militaire de la Majorité Mondiale pour contrer l'escalade de la guerre USA/Otan - hybride et autre - à l'aube d'un monde multipolaire multinodal, polycentrique et, selon la terminologie de Poutine à Saint-Pétersbourg, “harmonieux”.
À cela vient s'ajouter l'expiration, en début de semaine, de l'accord américano-saoudien signé il y a 50 ans pour instaurer le pétrodollar, essentiellement en échange de la protection militaire des États-Unis.
L'année dernière déjà, Riyad avait clairement indiqué que l'accord ne serait pas renouvelé lorsqu'il a conclu avec la Chine un accord basé sur le commerce de l'énergie au moyen du pétroyuan.
En théorie, nous progressons donc vers la disparition du pétrodollar, couplée à l'expansion du yuan numérique. La Banque centrale d'Arabie saoudite est désormais un « participant à part entière » du projet mBridge, qui réunit le Centre d'innovation de la Belt & Road Initiative [réseau de routes commerciales incluant les espaces africains riverains de l'Océan indien], la Banque centrale de Thaïlande, la Banque centrale des Émirats arabes unis, la Banque populaire de Chine et l'Autorité monétaire de Hong Kong.
En substance, mBridge est une plateforme de monnaie numérique multi-banques centrales (CBDC) utilisée par les banques centrales et commerciales, qui facilite les paiements et les règlements transfrontaliers instantanés. La Thaïlande, par exemple, achète du pétrole aux Émirats arabes unis en utilisant mBridge.
On ne compte pas moins de 26 membres observateurs de mBridge - un groupe assez hétérogène, comprenant la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) dirigée par la Chine, la Banque centrale européenne, le FMI et la Banque mondiale.
Alors que l'Arabie saoudite rejoint mBridge, Saudi Aramco - après s'être ouverte aux investisseurs étrangers avec une impressionnante introduction en bourse - vient de céder 0,64 % supplémentaire de son capital, avec 60 % d'acheteurs américains. Aramco est une énorme source de dividendes pour les actionnaires : cette année, ils s'élèveront à 141 milliards de dollars.
Et devinez qui sont les principaux nouveaux investisseurs ?
Les trois grands - Vanguard, BlackRock et State Street - qui se vautrent désormais dans le pétrole saoudien.
Arabes, CENTCOM et Israël dans le même lit ?
Et voici venir l'ultime facteur perturbateur.
Lundi, des officiers militaires du Bahreïn, d'Égypte, d'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Jordanie - ce qui inclut trois membres des BRICS et le Bahreïn, favorable à la Russie - ont rencontré Herzi Halevi, le chef d'état-major général de Tsahal, pour évoquer ... la coopération en matière de défense.
La réunion a été arrangée par nul autre que le CENTCOM américain [l'un des onze Unified Combatant Commands du département de la Défense des États-Unis, responsable des opérations militaires des États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud, basé depuis 2002 au Qatar]. Bien que peu médiatisée, la réunion a tout de même fait l'objet d'une fuite, compte tenu de sa juxtaposition avec le génocide de Gaza et la rencontre de hauts dirigeants arabes avec les pires ennemis du monde arabe.
Un épigone post-moderne des cyniques de l'Agora de la Grèce antique ferait remarquer qu'avec de tels “amis” arabes du CENTCOM - dont trois sont membres des BRICS - la Palestine pourrait se passer d'ennemis.
Pendant ce temps, la tragédie se poursuit à bien des niveaux. Alors que les lycéens chinois, partout dans le monde, affichent leur soutien à la Palestine après avoir passé leurs examens d'entrée à l'université, l'axe États-Unis-Israël homogénéise le terrorisme, en lien avec la débâcle du projet Ukraine, couplé au massacre non-stop des Palestiniens.
Tout est aspiré dans le trou noir du terrorisme - jusqu'à l'OTAN qui réarme ouvertement le bataillon néonazi Azov, et Kiev prenant pour cible des civils à Belgorod à l'aide de drones et éparpillant des mines dans les parcs où jouent les enfants.
Toutes les composantes d'une Légion étrangère de la terreur alimentée par l'hégémon sont en train de converger, au même rythme qu'Israël, véritable ISIS doté de l'arme nucléaire. Mais malgré leurs nobles idéaux et leur foi sacrée en l'ONU, les BRICS n'ont toujours pas élaboré de stratégie solide et pratique pour lutter contre l'horreur.
https://thecradle.co/articles/the-brics-weigh-in-on-palestine
Tout tient dans l'histoire illégitime des petromonarchies. Les anglo-saxons ont créé ex-nihi'o des roitelets sur les ruines ottomanes ...Ces rois d'opérettes ne sont pas les descendants d'emirs reconnus par le peuple ou ayant une 'filiationn avec un héros musulman mais de simples laquais de l'occupation pendant le mandat de la SDN. Exemple typique : la Jordanie dont le peuple est palestinien mais qui a été séparé arbitrairement par les anglais. Tour le reste de l'Arabie heureuse s'est vu decoupé de la même façon pour que les occidentaux (surtout les pétroliers) puissent manipuler par le chantage leurs larbins. On voit bien que la sujétion est plus importante dans les pays anglophones que dans ceux qui ont subit le mandat français. La Syrie, archétype de ce que déteste les USA. Le Liban malgré une constitution imposé par les français, absolument consternante. A part l'Irak en quête de liberté mais résolument républicaine et le yemen divisé en deux, tout le reste fleure bon le moyen-âge avec moult armement, blanchiment d'argent et répression permanente des dissidents. Des Monaco avec du pétrole et des maffieux. 2 façons de voir leur peuple totalement différente. La peur de perdre leur trône les rend peu fiables à comparer à un président élu....Et en ce qui concerne surtout la monarchie saoudienne (où la liberté d'expression est inexistante), sa guerre lamentable avec le Yémen était une instigation états-unienne et ne l'a pas sortie grandie ! Pour l'avenir de Palestine, il faudra que le monde Arabe fasse d'abord son méa culpa et se debarasse de sa tutelle. Cela passera sûrement par des révoltes internes et des changements de régime. Ça, les anglo-saxons l'ont bien compris et luttent pour éviter cette entreprise. Mais c'est inéluctable et nécessaire. Avant ou pendant la fin d'Israël.