👁🗨 Un sombre chapitre se referme : Julian Assange est un homme libre
Snowden a prouvé que le plus grand courage est parfois de se préserver. Au moins, le journaliste, s'il survit, peut continuer à intervenir comme Snowden & Assange l'ont fait, en servant la vérité.
👁🗨 Un sombre chapitre se referme : Julian Assange est un homme libre
Par Eve Ottenberg, le 12 juillet 2024
La poussière a fini par retomber sur la libération de Julian Assange, mais sans doute jamais sur ce que l'État américain lui a fait subir, à lui et à la presse libre. Il est désormais en Australie, avec sa famille, là où il mérite d'être, et entame le processus, que l'on espère pas trop long, de guérison de son calvaire, d'avoir presque été rendu fou par la torture officielle aux mains de crapules britanniques agissant pour le compte de crapules américaines. Selon les dernières informations, M. Assange a pris antipsychotiques et antidépresseurs pour supporter l'existence dans sa cellule de la prison de Belmarsh. J'espère que cela l'a aidé, de tels médicaments sauvent souvent une vie, mais ils comportent aussi des dangers. L'essentiel pour lui est que le pire soit passé.
Avant tout, l'affaire Assange constitue un grave précédent, non pas tant celui de son plaidoyer de culpabilité, mais quelque chose de bien pire, concernant la façon dont le gouvernement américain peut poursuivre, traquer, persécuter et punir un journaliste. Auparavant, si la CIA voulait faire disparaître un journaliste, elle le faisait discrètement. Mais Mike Pompeo, “Attrapez Assange”, a changé la donne en révélant les plans de l'agence visant à tuer ou à kidnapper le journaliste.
Ni excuses ni explications officielles n'ont été présentées pour justifier ce projet criminel qui a fait couler beaucoup d'encre et atteint le stade de la planification. Au contraire, il y a eu dissimulation - fondamentalement vaine, étant donné l'ampleur des rumeurs sur ce crime potentiel - avec des rumeurs selon lesquelles Washington aurait en partie motivé le plaidoyer de culpabilité en contraignant Assange à accepter de ne jamais enquêter sur les projets de restitution dont il a fait l'objet. Des informations concrètes sur une telle restitution, voyez-vous, seraient très embarrassantes pour les gros bonnets du Beltway, qui par ailleurs se moquent éperdument d'Assange ou d'une presse libre. Horrifiés à l'idée que leur répugnant réseau de criminalité puisse être révélé au grand jour, les poursuivants américains d'Assange se sont éclipsés et ont abandonné leur méprisable projet.
Ce plaidoyer de culpabilité rappelle que le Congrès doit abroger la loi obscure et dangereuse sur l'espionnage qui neutralise le Premier Amendement. C'est en vertu de cette loi qu'Assange a été condamné. Ainsi, maintenant comme toujours, cette terrible loi muselle la liberté d'expression, conformément à son objectif initial lorsque Woodrow Wilson, ce criminel de guerre, l'a signée. Malheureusement, compte tenu de son obsession à supprimer la soi-disant désinformation, c'est-à-dire la liberté d'expression, la bande à Biden (ou l'épouse du président, car le chef ne prend pas lui-même ces décisions exécutives) opposerait son veto à toute abrogation de ce type présentée au Bureau ovale. A supposer qu'il y en ait une. On imagine mal Chuck Schumer, “Wall Street, ou rien”, ou Mitch McConnell, “le fossoyeur de la démocratie”, se dresser avec autant de courage et de franchise contre l'État sécuritaire pour abroger la loi sur l'espionnage.
En attendant, ne prêtez jamais de bonnes intentions aux nababs de Washington qui ont libéré Assange. Ils ont tout fait pour le briser et l'enfermer à vie. Selon le Washington Post du 27 juin, “la quasi-faillite de l'affaire devant un tribunal britannique a poussé les procureurs à conclure un accord de plaidoyer”. Washington allait perdre, alors ses manipulateurs se sont emparés de ce qu'ils pouvaient, à savoir l'engagement d'Assange de ne jamais faire de procès de restitution à la CIA, et ont ensuite fait disparaître toute trace de l'affaire.
Le véritable scandale, a tweeté le journaliste Matt Kennard le 29 juin, est que les tribunaux anglais ont mis cinq ans à envoyer ce signal. [L'acte d'accusation américain était inconstitutionnel, criminalisait le journalisme et a été déposé par un pays dont on sait qu'il complotait pour assassiner l'accusé. Comment les juges britanniques ont-ils pu laisser les choses aller aussi loin ? Qui dirige la Grande-Bretagne ? On ne peut qu'imaginer ce qui se serait passé si Assange avait cherché refuge en Argentine, par exemple, pays actuellement dirigé par Javier Milei, aspirant dictateur d'un jour de Donald Trump - il est peu probable qu’un magistrat ayant fait preuve de courage en ait fait un homme libre.
Assange a plaidé coupable à un seul chef d'accusation, pour avoir obtenu et révélé des informations de sécurité nationale, ce que les journalistes d'investigation font en permanence. Selon Matthew Ingram dans la Columbia Journalism Review du 27 juin, un expert de la presse a déclaré que les allégations du ministère de la Justice décrivaient “des pratiques journalistiques quotidiennes dans le cadre d'une conspiration criminelle.” Il s'agit notamment de “protéger les sources, leur l'identité et communiquer en toute sécurité”. Le Comité des reporters pour la liberté de la presse a déclaré que les accusations constituaient “une menace terrible” et la Fondation pour la liberté de la presse les a qualifiées de “terrifiantes”.
Mais cela n'a pas freiné pour autant ceux qui ne font que peu de cas du Premier Amendement, parmi lesquels l'ancien vice-président de Trump, Mike Pence, qui a qualifié l'accord avec Assange d'“erreur judiciaire” parce que, selon Ingram, les révélations classifiées de Wikileaks “ont mis en danger les membres de l'armée américaine.”
Ce n'est pas le cas. En effet, l'accusation n'a pas été en mesure de citer un seul cas de soldats, d'espions ou d'autres personnels américains mis en danger par les informations soigneusement expurgées publiées par M. Assange.
Une autre entité méprisant fortement la liberté de la presse est le Times de Rupert Murdoch au Royaume-Uni, qui a affirmé qu'Assange n'était
“pas un véritable lanceur d'alerte, et encore moins un modèle pour la liberté journalistique, mais bien un voleur”,
point de vue auquel Doug Saunders, du Globe and Mail canadien, a fait écho, comme le note M. Ingram. Ce charlatan arrogant a qualifié Assange de
“fraudeur se prétendant journaliste et lanceur d'alerte, alors qu'il nuit considérablement au journalisme et complique la vie des véritables lanceurs d'alerte”.
M. Saunders a également accusé Wikileaks d'être l’“instrument des dictateurs”, en référence à l'idée reçue (et résolument contraire aux réalités) selon laquelle la révélation des courriels d'Hillary Clinton aurait aidé le Kremlin. Il faut bien admettre que la tartine des journalistes en vue est beurrée par la Sécurité nationale et les politiciens revanchards, et non par un journaliste mal dégrossi et insolent qui révèle des vérités gênantes pour les détenteurs de l'autorité.
De telles opinions étant monnaie courante chez les grands patrons de presse et les élites occidentales, j'espère que M. Assange agira avec prudence lorsqu'il reprendra ses fonctions à la tête de Wikileaks. Ces limiers ne le lâcheront pas et ne cesseront pas d'exiger son sang. Parmi les mensonges les plus flagrants des médias grand public, on peut lire que M. Assange n'aurait rien eu à craindre des États-Unis et qu'il n'avait donc pas besoin de se réfugier dans l'ambassade de l'Équateur. Ah bon ? Bien au contraire. Il l'a fait, et s'il reprend son activité, il continuera. Ses pires craintes étaient tout à fait justifiées, tandis que les opinions des experts imbéciles, qui l'ont accusé pour avoir cherché refuge, étaient totalement inexactes.
Chaque fois qu'un journaliste fera ce que M. Assange a fait, à savoir embarrasser profondément l'armée américaine en révélant ses crimes de guerre au Moyen-Orient ou ailleurs, il sera bien avisé d'aller s'installer en Russie, en Chine ou dans un autre pays dépourvu de traité d'extradition avec les États-Unis. Peu importe les mensonges qu'une telle démarche pourrait engendrer. Comme Edward Snowden l'a montré à la planète entière, le plus grand mérite est parfois de se préserver. Au moins, après tout, le journaliste, s'il survit, peut continuer à intervenir comme Snowden et Assange l'ont fait, à savoir servir la vérité. Ce qui est difficilement envisageable pour quelqu'un qu'on emmure vivant dans un cachot.
* Eve Ottenberg est romancière et journaliste. Son dernier livre s'intitule Busybody. Retrouvez-la sur son site web.
https://www.counterpunch.org/2024/07/12/a-dark-chapter-closes-julian-assange-goes-free/
Il faut sans doute remercier la famille Biden dont ce sera le premier acte (et le dernier) de bonté...Il va sans dire que cette comédie de juridiction aux îles Mariannes totalement illégale aux regards des lois internationales n'a fait aucunement illusion. Mais le fait est là, Biden a saisi cette opportunité pour sa campagne, en sachant que Trump, lui aurait choisi l'empoisonnement pour se débarrasser d'Assange et c'est cela qu'il faut retenir , n'en déplaise aux propagandistes de Trump !